Actualités Farge Associés

Actualités du Cabinet et de Pierre Farge, avocat associé fondateur :
lanceurs d’alerte, droit fiscal, droit pénal, pro-bono, culture…

Tribune dans Le Monde pour dénoncer les dérives persistantes de certains instituts médico-éducatifs

Tribune dans Le Monde pour dénoncer les dérives persistantes de certains instituts médico-éducatifs

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Le Monde du 28 décembre 2022.

« Les mauvaises pratiques perdurent dans certains instituts médico-éducatifs »

Les pouvoirs publics s’avèrent incapables de mettre fin aux dérives constatées depuis des dizaines d’années dans certains instituts médico-éducatifs au détriment des enfants handicapés, s’indigne, dans une tribune au « Monde », l’avocat Pierre Farge, prenant en exemple plusieurs affaires récentes ou en cours.

Le délibéré rendu le 8 décembre par le tribunal correctionnel d’Auch dans la procédure engagée par la lanceuse d’alerte Céline Boussié réactive le débat sur la protection des enfants polyhandicapés en institut médico-éducatif (IME), et plus largement celui sur les lanceurs d’alerte dans le domaine de la santé.

Comme le montrent les jugements rendus en 2021 concernant les lanceuses d’alerte Irène Frachon, dans l’affaire du Mediator, et Marine Martin, dans celle de la Dépakine, ou aujourd’hui l’affaire de Céline Boussié contre l’IME de Moussaron (Gers), nombre d’alertes surviennent dans le domaine médico-légal. Et il faut parfois compter jusqu’à dix ans pour que l’initiative citoyenne se traduise par un jugement pénal.

Dans le cas de Céline Boussié, c’est en effet dès 2013 qu’elle dénonce les maltraitances subies par quatre-vingts mineurs au sein de l’IME de Moussaron, destiné à accueillir des enfants et adolescents handicapés atteints de déficience intellectuelle.

En dix ans, cette lanceuse d’alerte a été obligée de se défendre contre une procédure en diffamation (avant d’être relaxée par une décision du 21 novembre 2017), puis d’engager une procédure en licenciement abusif (lui donnant finalement raison en appel le 24 juillet 2020), avant d’engager une procédure en responsabilité pénale de son employeur pour harcèlement moral.

Cette dernière procédure, dans laquelle elle n’a pas obtenu gain de cause, s’est conclue, le 8 décembre, à l’encontre des réquisitions, par une relaxe générale au vu de « faits insuffisamment caractérisés ».

« Dysfonctionnements », « dérives »

Dix ans, c’est long, très long, à l’échelle d’une carrière, ou même d’une vie humaine, surtout quand un appel correctionnel est encore possible. Dix ans, c’est énorme, mais finalement relatif quand on sait que, vingt-cinq ans plus tôt, en 1997, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (cité dans un article du Monde du 27 mars 2014) pointait du doigt ce même établissement.

Ce rapport jugeait « opaque » sa gestion financière, s’étonnait « des dysfonctionnements, voire des dérives, tout à la fois de nature institutionnelle, financière, comptable et médicale », et remarquait aussi que « le patrimoine des propriétaires gérants de l’établissement s’[était] entretenu et embelli depuis 1971 ».

Symptomatique de la persistance du fonctionnement défaillant de certains IME, l’alerte de Céline Boussié a certes permis de dénoncer, une nouvelle fois, les maltraitances sur les enfants handicapés, et a évidemment ému l’opinion. Mais cela n’a pas empêché le robinet des subventions de continuer de couler, faisant de ces établissements privés, subventionnés à coups de milliards d’euros par l’Etat, une manne financière pour leurs propriétaires.

Assez logiquement donc, les mauvaises pratiques perdurent. Et, sans surprise, un autre lanceur d’alerte, Olivier Paolini, enseignant spécialisé dans l’IME Les Hirondelles à Narbonne (Aude), a déposé plainte le 16 décembre devant le tribunal judiciaire de Carcassonne contre la direction des services départementaux de l’éducation nationale de l’Aude pour des faits de « discrimination, atteinte au principe de dignité humaine et détournement de fonds publics ».

« Intimidations présumées », selon l’ONU

Un article publié le 22 septembre par le Huffington Post relate comment cet enseignant est devenu lanceur d’alerte après être entré, en 2020, en conflit avec sa hiérarchie, reprochant à celle-ci de ne pas respecter, dans le cas particulièrement difficile d’un élève de 16 ans, la durée minimale de scolarisation fixée par une circulaire de 2016. Saisi par la famille de l’élève, le tribunal de justice de Narbonne a, le 3 février, condamné en première instance l’IME… qui a fait appel.

Face aux pressions et aux représailles dont il fait l’objet à la suite de son alerte, ce professeur a saisi, le 7 avril, trois rapporteurs spéciaux de l’ONU (sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, sur les droits des personnes handicapées et sur le droit à l’éducation). Ces derniers ont répondu le 30 juin par un courrier officiel à l’Etat français sur les « intimidations présumées » à l’encontre de l’enseignant.

N’ayant pas reçu de réponse dans le délai légal de soixante jours, l’ONU a rendu publique cette communication le 31 août. Olivier Paolini est soutenu dans ses démarches par la Maison des lanceurs d’alerte, qui dispose de trop peu de pouvoir. La Défenseure des droits a été saisie en novembre et instruit cette affaire, mais ses moyens sont trop limités. D’expérience, cela peut donc encore prendre un an.

De son côté, le ministre de l’éducation nationale, également averti, s’est courageusement limité à des tweets sur l’école inclusive. En résumé, cette nouvelle alerte d’Olivier Paolini, dont est saisie la justice dans un nouveau scandale d’IME, s’inscrit dans la continuité. Elle témoigne de l’inertie des pouvoirs publics et du peu de volonté, sur les plans législatif et politique, de protéger ces enfants handicapés.

Pierre Farge est l’auteur du livre « Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur » (JC Lattès, 2021).

Pierre Farge.

Pierre Farge dénonce l’inertie du Parquet National Financier

Pierre Farge dénonce l’inertie du Parquet National Financier

Saisi par un ancien agent des douanes, lanceur d’alerte dans un dossier mettant en cause son administration et CapGemini pour violation du secret fiscal, l’avocat Pierre Farge dénonce l’inertie du Parquet National Financier.

Dans son édition des 3-4 juillet 2022, Le Monde a publié une nouvelle enquête, signée Manon Romain et Maxime Vaudano, sur la mainmise des Cabinets de Conseil, notamment Capgemini, dans l’administration française depuis 2017.

Le recours aux prestations du cabinet américain McKinsey par l’administration française avait soulevé un tollé dans la presse durant la campagne de l’élection présidentielle.

Mais l’externalisation de missions de service public au cabinet de conseil français Capgemini, qui a totalisé 1,1 Milliard d’euros de contrats publics depuis 2017, soulève tout autant l’indignation.

Et ce n’est pas qu’une question d’argent, cela pose également de graves problèmes de confidentialité des données communiquées par l’administration à ce prestataire externe, en particulier dans le domaine fiscal.

Lire l’article sur le site du Monde 

Aux douanes l'embarrassante mission secrète de Capgemini

Dans cet article paru dans Le Monde, je dénonce l’inertie coupable du Parquet national Financier : « Je suis indigné de voir une telle inertie judiciaire face au courage de mon client lanceur d’alerte, qui dénonce des faits d’intérêt public incontestables » 

Je représente en effet un ancien agent des douanes lanceur d’alerte. Ce fonctionnaire a d’abord dénoncé les faits auprès de sa hiérarchie aux Douanes, laquelle n’a pas réagi.  Devant la gravité des faits en cause, il s’est vu contraint de porter plainte pour violation du secret fiscal au Parquet national Financier contre les Douanes et CapGemini : or le PNF n’a ouvert aucune enquête depuis 8 mois ! 

Maître Pierre Farge, avocat des lanceurs d’alerte.

La mort annoncée de Julian Assange

La mort annoncée de Julian Assange

L’extradition de Julian Assange par l’Angleterre vers les États-Unis marque un nouveau recul de la protection des lanceurs d’alerte.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints

D’abord, rappelons nous. Onze ans après les révélations WikiLeaks, Julian Assange finit par être interpellé à l’ambassade d’Équateur à Londres. Il est immédiatement livré à la justice britannique et placé en détention provisoire. Les États-Unis réclament alors son extradition.

Le lanceur d’alerte avait de sérieux espoirs d’y échapper pour trois raisons :

  • Un état de santé préoccupant,
  • La liberté d’expression et le droit à l’information dont son alerte est le symbole,
  • Et la jurisprudence Snowden.

Ce n’est en effet qu’à la faveur de fragilités psychiatriques que le refus d’extradition a d’abord été accordé, le magistrat appréciant un risque de suicide élevé, plutôt que les arguments sans cesse invoqués par le lanceur d’alerte comme la liberté d’expression ou le droit à l’information issus de ses leaks.

Il est en effet malheureux que le refus d’extradition d’un lanceur d’alerte, ayant permis par exemple de révéler des crimes de guerre au Moyen-Orient, se fonde essentiellement sur un état mental fragilisé, plutôt que sur des droits aussi fondamentaux.

Le cas de d’Edward Snowden mérite aussi d’être rappelé, tant il témoigne de la différence de traitement avec Julian Assange.

Tous deux font l’objet de poursuites de la part des autorités américaines pour avoir divulgué des informations confidentielles. Tous deux se sont réfugiés dans un État différent de celui dont ils sont ressortissants. Tous deux font l’objet d’une demande d’extradition des États-Unis.

À la différence que la Russie a d’abord accueilli Snowden, refusé de l’extrader, sans jamais le placer en détention. Il a même successivement obtenu l’asile temporaire, un permis de séjour, et peut aujourd’hui librement se déplacer sur ce territoire ; aussi restreint soit-il depuis la guerre en Ukraine née entretemps.

« Des garanties suffisantes » ou un procès Kafkaïen à venir pour Julian Assange

En dépit de ses espoirs légitimes du lanceur d’alerte, en décembre 2021, l’appel devant la justice britannique fait droit à la demande des États-Unis, estimant que des garanties suffisantes avaient été fournies quant au traitement réservé à Julian Assange.

Ces garanties suffisantes sont donc à ce jour les suivantes :

  • Rien de moins qu’une prévention maximale de 175 ans de prison.
  • Rien de moins qu’un ancien Président (Donald Trump) qui a promis d’en faire « un exemple » pour tous les journalistes d’investigation.
  • Rien de moins qu’une incarcération promise dans une prison de « très haute sécurité », en l’occurrence l’ADX dans le Colorado, aux côtés de membres d’Al-Qaida.
  • Et une incarcération d’autant plus exceptionnelle qu’elle sera en isolement total.

Preuve supplémentaire de cette décision politique, la Suprem Court britannique refuse d’examiner le recours du lanceur d’alerte au prétexte qu’il ne soulèverait pas de question juridique particulière.

L’extradition vers les États-Unis ainsi ordonnée le 20 avril 2022 est donc définitive. Très concrètement, cela signifie que Julian Assange dépend maintenant de l’ordonnance d’extradition du ministre de l’Intérieur britannique. Une fois signée, il quittera le pays sous 28 jours.

Un départ donc sous forme de sentence, ici synonyme de condamnation à mort, preuve supplémentaire de l’allégeance de Londres à la puissance américaine, et signal fort du peu de cas que fait la Couronne à la cause des lanceurs d’alerte.

Pierre Farge.

Une filiale d’ENGIE gaspille des milliers de M3 de gaz : réaction de Pierre Farge

Une filiale d’ENGIE gaspille des milliers de M3 de gaz : réaction de Pierre Farge

Maître Pierre Farge est interviewé par RMC, dans l’émission « Apolline Matin », concernant l’enquête sur le gaspillage de milliers de M3 de gaz par une filiale d’ENGIE.

Environ 2,5 millions de mètres cubes de gaz seraient ainsi rejetés chaque année, car « trop coûteux à recycler ». Non seulement, c’est une aberration écologique mais en plus, il y aurait de quoi chauffer des milliers de ménages !

Depuis 2014, un arrêté impose pourtant aux entreprises de « prendre toutes les dispositions de leur ressort pour limiter les purges ou rejets à l’atmosphère de gaz à effet de serre« .

Mais à l’heure actuelle, aucune sanction n’existe pour celles qui ne respectent pas la loi, et il n’existe pas non plus de seuil d’émissions pour le méthane.

Réaction de Pierre Farge : « On se moque du monde et malheureusement, le droit n’est pas respecté parce qu’il y a trop peu de sanctions en conséquence. Quelles sont les autorités judiciaires qui se sont saisies pour faire appliquer la loi ? Il n’y en a aucune. C’est ça qui est révoltant ».

Une situation paradoxale au moment où la question de l’indépendance énergétique européenne est posée suite au conflit en Ukraine…

Quelques exemples de « Greenwashing »

En réalité, la politique d’ENGIE en matière de Développement Durable relève de ce que l’on appelle depuis quelques années le « greenwashing », ou éco-blanchiment.

Il est ainsi défini par Wikipédia : « procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation (entreprise, administration publique nationale ou territoriale, etc.) pour se donner une image trompeuse de responsabilité écologique. La plupart du temps, les dépenses consenties concernent davantage la publicité que de réelles actions en faveur de l’environnement et du développement durable ».

L’opinion commence, lentement, à ouvrir les yeux sur sa réalité. Les exemples sont légion et se multiplient.

On pense, entre autres, aux belles publicités d’enfants qui disent à leurs parents merci de prendre soin de la planète en souscrivant auprès de tel producteur d’électricité; ce dernier présumant sans doute qu’un enfant peut toucher davantage un adulte…

Mais l’opinion ignore encore trop largement que le mépris écologique continue en réalité de plus belle.

Prenons trois exemples, parmi d’autres :

1. Bilans d’émissions de gaz à effet de serre

Les bilans établis après le 1er janvier 2016 doivent être transmis et publiés via la plate-forme informatique des Bilans d’émissions de gaz à effet de serre administrée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), accessible au public.

Les manquements à cette obligation peuvent être sanctionnés, en théorie, par une amende de 10.000 €.

En pratique, les bilans de toutes les entités du groupe ne sont pas publiés, et ce parfois jusqu’à quatre ou cinq ans en arrière.

Cela autorise certains des plus grands groupes d’énergie à publier les résultats exemplaires d’une filiale, tout en n’étant pas transparent sur sa pollution consolidée au niveau du groupe.

2. Rapport sur les risques et la prévention des risques environnementaux

Au mépris encore du droit en vigueur (articles L.225-102-1, et R.225-104 à R.225-105-2 du Code de commerce), ces mêmes producteurs d’énergie français doivent publier un rapport concernant les risques et la prévention des risques environnementaux.

Ces informations doivent ainsi faire l’objet d’une publication encore librement accessible sur le site internet de la société dans un délai de huit mois à compter de la clôture de l’exercice et pendant cinq ans.

Aucune déclaration de performance extra-financière n’est pourtant en ligne sur le site de STORENGY, filiale d’ENGIE, qui est donc en infraction à ces dispositions, pour ne citer qu’elle.

3. Déclaration de réduction des émissions de méthane

Même groupe, autre exemple. Une déclaration de performance est disponible sur le site de GRTgaz, filiale à 61% d’ENGIE.

Dans ce rapport, la société annonce une réduction par trois des émissions de méthane (de 30,9(n)m3 en 2016 à 10,2(n)m3 en 2020)… sauf que le système européen d’échange de quotas d’émission ne couvre pas le méthane !

Des efforts très récents de la Communauté européenne proposent d’ajouter un seuil d’émission pour les entreprises concernées, mais ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui.

Partant, il est aisé d’assurer d’une réduction de ses émissions pour un gaz qui ne fait l’objet d’aucune restriction. Un peu comme si l’on s’engageait à réduire par trois la dette sur trois ans, sans pour autant être tenu par une méthodologie claire, objective et rigoureuse pour le permettre réellement et témoigner de la sincérité de ses intentions.

Maître Pierre Farge, avocat défenseur des lanceurs d’alerte.

 

Lexbase : Pierre Farge avocat des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences

Lexbase : Pierre Farge avocat des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences

Dans cet entretien avec LEXBASE, Me Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris, raconte son métier d’avocat pénaliste et son engagement auprès des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences.

La vidéo est accessible ci dessous :

Transcript de l’entretien LEXBASE / Pierre Farge

Quand as-tu commencé à défendre les lanceurs d’alerte ?

C’est très tôt, quand j’ai commencé à exercer, que j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de droit en tant que tel qui protégeait les lanceurs d’alerte. Il y avait beaucoup d’affichage sur les dispositions qui étaient censées les protéger, mais quand on était avocat et qu’on avait des clients lanceurs d’alerte et il y avait très peu de dispositifs applicables pour les protéger réellement. J’ai donc beaucoup écrit dans la presse à ce sujet et ça a fait boule de neige. Il y a plein de lanceurs d’alerte qui se sont identifiés dans les histoires que je racontais, dans le vide juridique que je dénonçais. Et petit à petit, ils sont venus de plus en plus à moi.

J’ai voulu rendre accessible au plus grand nombre un sujet qui est d’apparence compliqué. On sait avec Erin Brockovich, avec les films qu’il y a eu d’Oliver Stone sur Julian Assange et les WikiLeaks. On vulgarise la question des lanceurs d’alerte, mais là, j’ai voulu en 200 pages, c’est un livre qui se lit très rapidement,  expliquer la genèse des lanceurs d’alerte, leurs histoires. Quand est ce qu’ils sont apparus dans l’Antiquité gréco romaine ?  Expliquer qu’ils ont toujours existé.

Et aujourd’hui, ils ont un besoin très important pour que les pouvoirs publics prévoient une protection digne de ce nom. Et on voit que, faute d’un droit applicable, d’un droit qui les protège réellement, on est obligé de faire appel aux journalistes pour dénoncer et se faire le relais des alertes des lanceurs d’alerte.

Quid de l’association AMALA ?

Amala est une association que j’ai créée, dans le cadre justement de la protection des lanceurs d’alerte. Dans la mesure où le lancement d’une alerte est en général multi juridictionnelle, ça peut très bien concerner des juridictions comme la France, mais aussi beaucoup et très souvent les Etats-Unis.

Et j’ai remarqué qu’on manquait souvent de correspondants et que c’était important de les relier, que tous les spécialistes de la matière, des lanceurs d’alerte en France, en Europe ou aux Etats-Unis, voire même en Amérique latine, puissent avoir un réseau et communiquer entre eux. Aujourd’hui, grâce à cette association, quand on a besoin d’un correspondant aux Etats-Unis, on sait comment le trouver par où passer.

Tu as également créé l’asso Avocat Stop Féminicide, peux-tu nous en parler ?

Avocat-Stop-féminicide.org, plus qu’une association, c’est un collectif d’avocats, le premier collectif d’avocats venant en aide aux femmes victimes de violences conjugales. J’ai créé ça le jour de l’ouverture du Grenelle contre les violences conjugales en 2019. Et il a trois missions principales :

  1. La première mission, c’est d’orienter les femmes victimes de violences conjugales. C’est à dire les aider à constituer leur dossier pour qu’il soit utile, qui soit recevable par les autorités judiciaires. Et à ce titre, en général, on a beaucoup d’associations qui nous envoient des femmes victimes pour les orienter, pour les accompagner, les aider à constituer leur dossier.
  2. Puis, éventuellement, si le dossier est suffisamment solide, c’est de les accompagner devant les juridictions françaises, aussi bien des juridictions civiles que les juridictions pénales.
  3. Et fort de cette expertise, de ces témoignages de terrain, on essaie de faire du lobbying comme on le fait depuis 2019 auprès des pouvoirs publics pour témoigner de ce qui fonctionne, mais surtout de ce qui ne fonctionne pas, dans la chaîne pénale pour protéger ces femmes victimes de violences conjugales le plus rapidement possible.
Dézoom : Lanceur.se.s d’alerte au Théâtre du Point du jour à Lyon

Dézoom : Lanceur.se.s d’alerte au Théâtre du Point du jour à Lyon

Demain Samedi 4 décembre 2021 à 16h00  :

DÉZOOM Lanceur.se.s d’alerte au Théâtre du Point du Jour à Lyon

Cette saison au Théâtre du Point du Jour, les lanceur·se·s d’alerte montent sur scène, s’affichent sur les murs et inspirent les artistes. Mais qui sont ces personnes, traitres pour les uns, héro·ïne·s pour les autres, qui s’opposent aux multinationales, aux banques et aux États ? Quels sont leurs droits ?

Alors que l’Assemblée nationale examine mercredi 17 novembre les moyens de mieux les reconnaître et protéger, le Dézoom nous fait prendre du recul dans une actualité brulante.

En écho à Pale Blue Dot, la dramaturge Catherine Ailloud-Nicolas convie deux membres du Collectif Metoo, Charlène Magnin et Krystel Le Ribler, l’ancien espion de la DGSE Maxime Renahy et l’avocat spécialiste des lanceur•se•s d’alerte Pierre Farge. Ensemble, ils interrogent les définitions, expliquent la réalité et les risques qu’encourent celles et ceux qui dénoncent les puissant•e•s.

Venez nombreux !
Accès libre sur réservation sur le site du théâtre
: https://pointdujourtheatre.fr/actualites/dezoom-lanceurses-dalerte

Handicap et études supérieures : un étudiant porte plainte contre son école d’ingénieurs

Handicap et études supérieures : un étudiant porte plainte contre son école d’ingénieurs

Un étudiant «multidys» n’a pas obtenu les aides auxquelles il avait légalement droit pour passer un concours d’écoles d’ingénieurs et a porté plainte contre les Arts et Métiers pour discrimination. L’audience se tient ce vendredi 19 novembre 2021.

Après avoir témoigné de cette affaire lors de la Journée Nationale des Dys, son avocat Pierre Farge appelle aujourd’hui à la mobilisation générale pour cette audience cruciale pour l’égalité d’accès à des études supérieures des personnes en situation de handicap.

Venez nous soutenir en assistant au procès le 19 novembre 2021 à 13h30 au Tribunal judiciaire de Paris, 17e chambre, situé Parvis du tribunal judiciaire de Paris, 75017 Paris.
C’est à la Porte de Clichy : Métro lignes 13 et 14, RER C, Tramway ligne T3b, Bus RATP 28, 54, 74, 163 et 173.
Audiences publiques : comment accéder au Tribunal judiciaire de Paris pour assister à un procès.

Discrimination des Dys : Pierre Farge témoigne à la Journée Nationale des Dys

Article d’Elsa Maudet paru dans LIBERATION > Le handicap au quotidien

« Raphaël se bat un peu pour lui-même et beaucoup pour les autres. A quasi 22 ans, en quatrième année d’école d’ingénieur, il ne lui reste plus qu’un an à tirer. «Je sais très bien que je ne vais pas intégrer une autre école. Une fois que le dossier sera clos, je n’aurai rien gagné», estime le jeune homme.

Le 19 novembre, il a rendez-vous au tribunal correctionnel de Paris, devant qui il poursuit l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam) et son directeur général, Laurent Champaney, pour «discrimination fondée sur le handicap avec la circonstance aggravante d’avoir été commise par une personne dépositaire de l’autorité publique».

L’affaire remonte à 2020. En début d’année, Raphaël s’inscrit à la Banque PT, un concours commun aux écoles d’ingénieurs recrutant des étudiants parmi les classes préparatoires de la filière physique-technologie (PT). Ce pour quoi il bûche depuis près de deux ans.

Lors de l’inscription, il coche la demande d’aménagements, dont peuvent bénéficier les étudiants handicapés. Le jeune homme est «multidys» : dyslexique, dysorthographique, dyscalculique, dysphasique, dysgraphique et dyspraxique. «La parole n’est pas innée, l’écriture n’est pas innée. Le spontané n’existe quasiment pas», résume-t-il depuis le cabinet de son avocat, à Paris.

Sans ordinateur, il rend des copies à l’apparence brouillonne. Sans correcteur orthographique, elles sont truffées de fautes. Sans calculatrice, il ne peut pas faire de graphiques ni d’opérations simples. Bref, il a besoin de ces aménagements pour pouvoir montrer ce qu’il vaut, son intelligence et ses compétences académiques n’étant en rien amoindries par ses troubles. Raphaël fait donc une demande d’aménagements, puis envoie les documents justifiant ses besoins. «J’avais fait en sorte de voir tous les médecins et spécialistes avant», resitue l’étudiant.

Notes catastrophiques

Les semaines passent et aucune validation de sa demande ne lui parvient. Dans la dernière ligne droite avant l’échéance, censée être une phase d’intenses révisions, «je passais beaucoup de temps à chercher à comprendre à qui il fallait m’adresser pour avoir des réponses». Ses coups de fil et courriers sont sans réponse depuis des mois.

A force d’acharnement, il obtient notamment un tiers-temps, c’est-à-dire davantage de temps pour composer au concours, et un ordinateur. Sans correcteur orthographique ni logiciels adaptés. Il continue donc de demander la totalité des aménagements dont il a besoin pour passer son concours dans des conditions équitables par rapport aux étudiants valides. En vain.

«Le jour J, j’ai essayé de faire au mieux, en perdant un temps monstrueux sur la recherche de mots. Dès le début de l’énoncé, c’est écrit “lisibilité et orthographe sont déterminants”. Comment un dyslexique peut compenser son orthographe s’il n’a pas son correcteur d’orthographe ?», souffle Raphaël.

Le jour des résultats, le couperet tombe : ses notes sont catastrophiques. Avec notamment un 2/20 en français, qui lui laisse à penser que son travail n’a même pas été lu – ses demandes de consultation de copies sont restées lettre morte. Les portes des meilleures écoles d’ingénieurs se ferment. «J’avais la possibilité d’intégrer une école post-bac mais j’avais fait le choix d’aller en classe préparatoire pour avoir mieux, s’agace Raphaël. Je ne demande pas à être catapulté en haut du classement, je connais mes compétences. Mais les Arts et métiers, c’était réalisable. Je pense qu’ils se sont dit que je n’avais rien à faire ici.» 

Le vingtenaire a saisi le tribunal par une citation directe en octobre 2020. Aujourd’hui, il étudie dans une école accessible après le baccalauréat, qu’il a intégrée directement en troisième année.

«Ça ne compensera jamais ce qu’il a perdu»

Du côté des organisateurs du concours, on assure tantôt n’avoir pas reçu le dossier médical, tantôt que l’intéressé s’y est pris trop tard. «J’ai bien vérifié, il n’y a pas de faute de la part de la famille, tout a été fait selon les règles», défend Concepcion El Chami, présidente de l’association Dyslexiques de France. Sollicité par Libération, l’Ensam, qui gère les dossiers d’inscription et l’organisation des épreuves écrites de la Banque PT, n’a pas souhaité s’exprimer car la procédure judiciaire est en cours.

Habituellement, ce type de litiges se règle au tribunal administratif, pas au pénal, mais «de plus en plus de jeunes qui sont dans le supérieur ont vécu cela et veulent être entendus. Derrière cette audience, il y a un ras-le-bol de cette légèreté. Il faut montrer la responsabilité des personnes qui traitent les dossiers et montrer qu’il y a un préjudice, un impact sur la vie des gens», assène Concepcion El Chami. «Quoi qu’on obtienne comme somme, ça ne compensera jamais ce qu’il a perdu. Toute sa carrière, il devra assumer le fait d’être dans cette école», moins prestigieuse, juge Pierre Farge, l’avocat de Raphaël«Quand je voudrai évoluer, il faudra que je me justifie. Les autres seront augmentés par défaut parce qu’ils auront fait une meilleure école», anticipe le jeune homme. Aujourd’hui, il peine à imaginer son avenir. Sa seule certitude : il rejoindra «une entreprise qui a des valeurs». Et traite correctement les travailleurs handicapés. »

Info relayée sur Twitter 

https://twitter.com/Pierre_Farge/status/1460608703619608579?s=20

Quels sont les droits des lanceurs d’alerte ? Pierre Farge sur France Info

Quels sont les droits des lanceurs d’alerte ? Pierre Farge sur France Info

Le réseau social Facebook est secoué par les dénonciations de deux lanceurs d’alerte, qui l’accusent notamment de ne pas avoir assez lutté contre la désinformation. En France, quels sont les droits et la protection des lanceurs d’alerte ?

Maître Pierre Farge invité de Philippe Duport dans son émission « C’est mon affaire » sur France Info le 31 octobre 2021.

De nouvelles révélations font trembler Facebook. Le réseau social est notamment accusé par une lanceuse d’alerte, Frances Haugen, ancienne ingénieure chez Facebook. Selon elle, le géant américain diffuserait des fake news sur ses pages pour s’enrichir. Comment les lanceurs d’alerte sont-ils protégés en France ? Quels sont leurs droits ?

Ecouter l’émission du 31 octobre 2021

5 questions à Pierre Farge sur la protection des lanceurs d’alerte

Pierre Farge est avocat et auteur de Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur, paru cette année aux éditions Jean Claude Lattes.  Dans cet ouvrage, il souligne que la législation française ne protège pas assez les lanceurs d’alerte.

France Info : Comment définit-on un lanceur d’alerte, quelle est sa définition légale ?

Pierre Farge : Le lanceur d’alerte a été défini pour la première fois dans la loi Sapin 2 de 2018, à son article 6 : c’est une personne qui alerte de bonne foi, dans l’intérêt général et de façon désintéressée.

Peut-on perdre son emploi ou risque-t-on des poursuites pour avoir lancé une alerte ?

Bien sûr. Ce sont tous les inconvénients et les dangers de l’alerte. Il y a ce que l’on appelle des procédures baillons. On peut perdre son emploi, ce qui oblige à saisir un conseil de prud’hommes pour dénoncer le licenciement abusif, mais on peut aussi faire l’objet d’autres procédures baillons, comme des procédures en violation de la confidentialité du contrat, ou des procédures en diffamation, en droit pénal de la presse.

Et pourtant la loi est censée le protéger…

Cette loi, c’est de l’affichage, c’est-à-dire que certes, c’est une avancée parce qu’on définit pour la première fois ce qu’est un lanceur d’alerte, ça permet d’expliquer que les lanceurs d’alerte vont dans le sens de l’histoire, mais quand on est avocat et qu’on cherche à appliquer cette loi dans l’intérêt de ses clients, elle est absolument inapplicable.

Est-ce parce qu’avant de donner l’alerte, il faut d’abord en parler à son employeur ?

La loi prévoit trois paliers, et notamment ce premier palier qui oblige l’employé à dénoncer à son employeur les faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Ce dispositif était dangereux et il a mis trois ans avant d’être corrigé.

La directive européenne, que nous devons transposer avant mi-décembre a obligé à retirer ce premier palier, du moins désormais, le lanceur d’alerte a le choix de saisir directement l’autorité judiciaire ou de dénoncer les faits à son employeur. On lui donne le choix. L’employeur pouvait immédiatement prendre toutes les mesures répressives pour faire taire son lanceur d’alerte, à commencer par le licencier ou le poursuivre au pénal pour diffamation.

Est-ce que d’autres pays protègent mieux que nous les lanceurs d’alerte ?

Les États-Unis ont 20 ans d’avance sur la protection du lanceur d’alerte. On s’en inspire d’ailleurs. Il y a tout un mécanisme d’indemnisation, des délais qui sont beaucoup plus rapides qu’en France, le droit est beaucoup plus clair.

 

Défense d’un ancien salarié d’Assala lanceur d’alerte au Gabon

Défense d’un ancien salarié d’Assala lanceur d’alerte au Gabon

Maître Pierre Farge assure la défense d’un ancien salarié de Assala Energy (groupe Carlyle) au Gabon, ce lanceur d’alerte dénonçant des pratiques discriminatoires en droit du travail qui lui sont également reprochées par le syndicat Onep.

Dépêche d’Africa Intelligence du 15 octobre 2021 sur cette affaire.


GABON : Assala aux prises avec un ex-salarié mécontent et le tout-puissant syndicat Onep

La junior du groupe Carlyle, Assala Energy, fait face à de nombreux vents contraires obligeant son management à contre-attaquer.

Les relations entre le management d’Assala Energy et ses salariés au Gabon sont mises à rude épreuve depuis quelques semaines.

Pour tenter d’apaiser la situation, Assala a dépêché la semaine dernière à Libreville trois de ses cadres du siège londonien
– la directrice des affaires externes et des ressources humaines Caroline Sourt,
– la nouvelle patronne Health, Safety, Security & Environment (HSSE) Lisa Brassil
– et la General Counsel Joelle Tobin.

Alors que le pétrolier, contrôlé par l’antenne britannique du fonds d’investissement américain Carlyle, sort à peine d’un épisode de crise (voir nos révélations, AI du 25/08/21), les mauvaises nouvelles continuent de s’accumuler.

L’un de ses anciens cadres, licencié en septembre 2020, menace ainsi d’assigner Assala Energy devant le tribunal du travail de Libreville.

En prévision de cette possible échéance judiciaire, l’avocat du plaignant, Pierre Farge, a écrit le 1er septembre 2021 à l’inspection du travail au Gabon afin d’expliquer les dispositions dans lesquelles son client se trouve.

Après avoir rappelé que la famille de ce cadre français avait dû quitter le Gabon sous 24 heures lorsque son licenciement lui avait été signifié, Farge affirme qu’il dispose de documents très compromettants pour Assala Energy qu’il pourra mettre à disposition de l’inspection du travail gabonaise.

Toujours selon le document du 1er septembre, Joelle Tobin aurait écrit au client de Pierre Farge pour lui signifier que la divulgation d’informations sensibles serait susceptible de pousser à des « troubles civils » dans le pays.

Selon l’avocat, toujours dans son courrier, Tobin aurait aussi menacé de « procédures baillons » l’ancien d’Assala.

Que compte divulguer le client de Pierre Farge ?

Dans ce document de deux pages transmis à l’inspection du travail gabonaise, l’avocat français souligne que son client n’a « plus rien à perdre » et pourrait s’étendre sur les procédures de discrimination au sein de son ancienne firme.

Il mentionne par exemple que certains salariés expatriés bénéficieraient de stock-options alors qu’ils sont sous les ordres de Gabonais qui ne profitent pas de cet avantage financier.

Il poursuit en écrivant que la direction londonienne souhaite « à tout prix taire » cette information.

Pierre Farge est un spécialiste de la protection des « lanceurs d’alerte », auxquels il a consacré un livre publié en France, et compte bien mettre la pression sur la compagnie enregistrée au Royaume-Uni et dirigée par un ancien de Tullow Oil, David Roux.

Le syndicat des ouvriers charge

Cet épisode survient alors que le syndicat des ouvriers du pétrole au Gabon, l’Onep, a rencontré l’inspecteur du travail le 27 juillet 2021 pour faire part de ses griefs quant aux conditions de travail au sein d’Assala Energy.

Dans un document daté du 11 août 2021 dont Africa Intelligence a pu obtenir la copie, le syndicat reproche à Assala :
– une cinquantaine de départs depuis un an en violation « des positions conventionnelles »,
– des « rétrogradations hiérarchiques » avec les noms à l’appui,
– l’existence d’une liste noire de salariés dont il faut freiner les carrières et d’une liste rouge de salariés à faire partir.

Selon l’Onep toujours, le directeur général – David Roux – est responsable d’avoir institué « un climat de peur et de méfiance » dans la société.

Contacté par Africa Intelligence, Assala fait valoir que des preuves ont été demandées à l’avocat Pierre Farge pour étayer les dires de son client, mais n’ont pas été obtenues.

La firme pétrolière affirme avoir également déposé en France une plainte pour chantage contre son ancien salarié et son avocat et insiste sur le fait que ces derniers « manipulent les autorités gabonaises et la presse sur ce dossier en vue d’endommager la réputation d’Assala« .


Faute d’argument sur le fond de l’alerte, Assala assure intenter des procédures bâillon contre le lanceur d’alerte lui-même, et son avocat. Une stratégie tout à fait classique d’intimidation, quoi que plus rare s’agissant d’un conseil ne faisant qu’exercer son métier.
Nous attendons donc avec sérénité ces prétendues plaintes (cela fait plusieurs semaines qu’on nous en menace). Elles seront l’occasion de faire valoir l’exception de vérité, c’est-à-dire blanchir de toute responsabilité le lanceur d’alerte dès lors qu’il apporte la preuve que les faits dénoncés sont vrais.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.

Lanceurs d’alerte : la France assure le service minimum pour les protéger

Lanceurs d’alerte : la France assure le service minimum pour les protéger

OPINION : si la protection des lanceurs d’alerte ne cesse de croître aux États-Unis, la France doit encore l’améliorer.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints 

Les lanceurs d’alerte pris de plus en plus au sérieux aux Etats-Unis

Le rôle des lanceurs d’alerte est pris de plus en plus au sérieux outre-Atlantique. La Securities and Exchanges Commission (SEC) – l’équivalent de notre Autorité des Marchés Financiers (AMF) – les protégeait déjà financièrement de façon bien plus importante et transparente qu’en France.

La SEC assure ainsi une indemnisation à la hauteur du potentiel de recouvrement qu’elle permet puisque depuis septembre 2020 ce sont près de 500 millions de dollars qui leur ont été versés.

Un tel soutien a même conduit, en octobre dernier, au versement record de 52 millions de dollars à l’un d’eux. Mais la récente déclaration de son président, Gary Gensler, de l’intérêt qu’ils représentent pour la justice américaine traduit une volonté d’améliorer encore le dispositif dans les prochains mois.

Il serait ainsi question de prévoir une prise en charge financière complète par un seul et unique organe, tant pour les alertes financières que pour celles analogues, et ce, alors même qu’elles donneraient lieu à d’autres rétributions parallèles d’autres organismes.

En l’état du droit américain, lorsqu’un whistleblower dénonce une infraction qui ne relève pas entièrement de la délinquance financière, les possibilités pour la SEC d’accorder une récompense sont restreintes, alors même que les informations se sont révélées utiles.

La SEC compte également davantage aiguiller le lanceur d’alerte vers les solutions qui lui seraient les plus profitables, tout en déplafonnant les potentielles indemnisations auxquelles il aurait droit.

Lanceurs d’alerte : qui n’avance pas… recule

À la grande différence des États-Unis, en France, la prise en charge financière n’est toujours pas garantie.

Son attribution est conditionnée, puis plafonnée à un million d’euros, et ne promet pas d’évoluer dans la transposition de la directive qui doit intervenir avant mi-décembre 2021.

En l’état, cet impératif promet simplement de s’en tenir aux standards minimum européens, sans jamais donner droit à une contrepartie financière.

Comme l’assurent les États-Unis, c’est pourtant ce dont les lanceurs d’alerte ont le plus besoin pour protéger leur action, encourager leur initiative, compenser la perte de revenus à laquelle il font le plus souvent face, assumer les frais judiciaires des procédures qu’il sont souvent obligés de mener, ou de s’en défendre ; et surtout pour apporter une indemnisation considérant la prise de risque et les montants recouvrés par l’État dans l’intérêt général.

Car protéger les lanceurs d’alerte, c’est indirectement ce qui permet le recouvrement de fonds publics sans précédent.

Et ce sont ces mêmes fonds éludés que l’on peut espérer réinvestir, au hasard, dans la santé, la recherche, les énergies non carbonées, ou pour réduire les inégalités. Soit autant de sujets brûlants d’actualité en vue de la prochaine élection présidentielle, qui devraient donc intéresser les candidats pour agir très vite.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris,
Auteur du livre Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur paru aux éditions J.C.Lattès

Crédit image d’illustration : Gary Gensler by Third Way Think Tank (creative commons CC BY-NC-ND 2.0)

Attaquons en justice la Chine plutôt que nos dirigeants

Attaquons en justice la Chine plutôt que nos dirigeants

OPINION : plutôt qu’un tribunal franco-français jugeant nos ministres, il faudrait avoir le courage d’exiger une enquête en Chine, responsable de la crise actuelle.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints 

Des milliers de plaintes déposées devant la Cour de justice de la République

Des milliers de plaintes sont déposées devant la Cour de justice de la République contre des membres du gouvernement, et les actions en justice contre les élus continuent de se multiplier dans le cadre de présumées négligences de l’action publique à gérer la crise du Covid-19.

Déjà l’an dernier, nous alertions sur les risques de dérive populiste :

Coronavirus : faut-il porter plainte contre les élus ?

Peut-on espérer qu’au moins ces plaintes aboutissent ?
Faut-il s’attendre à de grands procès ?

L’Assemblée nationale et le Sénat ont mis en place des commissions d’enquête aux pouvoirs étendus et aux missions spécifiques, notamment aux fins d’évaluer les erreurs que le gouvernement aurait pu éviter dans le cadre de la crise du Covid-19.

L’ouverture de ces commissions d’enquête parlementaire marque une pratique tout à fait récente dans l’histoire française.

La commission d’enquête sur l’affaire Benalla avait par exemple été la première du genre sous la Cinquième République.

La mode des commissions d’enquête parlementaire

Obéissant sans doute à un effet de mode, l’exécutif réalisait l’an dernier son propre audit sur sa gestion de la crise.

Le gouvernement souhaite se pencher sur les efforts fournis aux côtés de l’administration dans le cadre d’un « travail indépendant et collégial » (chacun appréciera cette idée à la lumière de la séparation des pouvoirs).

Sans polémiquer, je pense qu’il revient plutôt d’écarter tout risque de dérive populiste visant à accabler tel ou tel élu, ou tel ou tel ministre, des initiatives qu’il aurait eu, ou n’aurait pas eu dans l’exercice de ses fonctions.

La Cour de Justice de la République à réformer

Ce rôle revient en effet à la Cour de justice de la République.

Et l’exercice de cette voie de recours assure qu’elle reste très limitée au regard du nombre important de classements sans suite, du délai énorme d’instruction des affaires lorsque les poursuites sont engagées – et traduisent finalement les intéressés lorsqu’ils n’ont souvent plus de mandat -, sans parler des victimes qui ne peuvent se constituer partie civile.

L’exercice de cette voie de recours est d’autant plus regrettable qu’il aggrave le rapport déjà tendu entre politique et magistrat, parasitant qui plus est le rôle de la justice dans la gestion de la crise sanitaire.

Avec la masse inédite de plaintes déposées devant la Cour de justice de la République, révélant donc ses lacunes, une réforme serait bienvenue.

En attendant, sans plaider pour une totale irresponsabilité pénale de nos politiques, rappelons plutôt qu’ils ont fait ce qu’ils pouvaient, avec les informations incomplètes et souvent contradictoires dont ils disposaient.

Ils ont pris des décisions à certains moments, avec des arguments fondés, assumant la part de risque, et expliquant l’impératif d’avancer.

Le pire dans cette crise aurait été de ne prendre aucune décision.

Le pragmatisme impose plutôt aujourd’hui de se relever économiquement, et ce n’est pas un ministre derrière les barreaux qui le permettra.

L’impunité de la Chine

Dans une tribune parue dans Le Figaro – Un État peut-il déposer plainte contre la Chine ? – et co-signée avec ma consœur Odile Madar, nous déplorions en droit le peu de recours envisageables devant les instances internationales, et nous appelions à une coalition d’États occidentaux pour imposer une enquête indépendante sur le territoire chinois, sur l’exemple malheureusement resté isolé de l’Australie.

Un État peut-il déposer plainte contre la Chine ? – Le Figaro Magazine

Ce sentiment d’impunité de la Chine devant les instances internationales est sans doute à l’origine de son silence coupable : elle s’est autorisée à manœuvrer, à mentir au monde entier, parce qu’elle savait qu’elle n’aurait pas à répondre devant aucune instance.

L’origine de ce virus est avant tout chinoise, la Chine en a volontairement caché l’origine et la gravité pendant de longues semaines qui auraient pu éviter la propagation que nous connaissons aujourd’hui.

C’est donc vers elle qu’il revient de se tourner en exigeant une enquête indépendante qu’elle se refuse curieusement à tenir jusqu’à aujourd’hui, promettant plutôt de le faire lorsque l’épidémie sera terminée et les preuves détruites.

Coronavirus : faut-il sanctionner la Chine ? – Pierre Farge à BFM TV

En exigeant encore l’engagement de sa responsabilité pour le mensonge, en exigeant des comptes pour les milliards de frais auxquels elle nous a contraint, et nous obligera encore longtemps.

Plutôt qu’un tribunal franco-français jugeant nos ministres, c’est cette solidarité de tout le pays parlant d’une seule voix dans le monde qui permettra de se reconstruire.

Nous pouvons être le pays qui redonne confiance et courage en exigeant une enquête en Chine pour la contraindre à accepter une enquête indépendante.

Nous sommes la France aux yeux du monde et nous avons tout à gagner en exigeant cette enquête avec nos partenaires européens.

La question de représailles commerciales éventuelles de la Chine peut évidemment se poser.

Toutefois, les chiffres ne donnent pas raison : la Chine n’est que la septième destination des investissements français à l’étranger, et ne représente que 15 % du volume des échanges avec l’Union européenne. La majorité de notre commerce est intra-européen.

Seul un courage politique et une solidarité mondiale pour imposer une enquête indépendante sur le territoire chinois, pour acter l’origine de cette catastrophe mondiale permettront d’en prévenir une nouvelle.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris,
Auteur du livre Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur paru aux éditions J.C.Lattès

La protection des lanceurs d’alerte : vers une lente évolution

La protection des lanceurs d’alerte : vers une lente évolution

La France a pour obligation de transposer la directive protégeant les lanceurs d’alerte d’ici la fin de l’année. Dans cette perspective, un rapport d’information vient d’être rendu à l’Assemblée nationale. Entendu dans ce cadre, Pierre Farge, avocat de lanceurs d’alerte, auteur d’un essai sur la question, fait le point sur les lacunes qui persistent. 

Tribune de Pierre Farge parue dans Contrepoints

Si la législation française laisse croire que le lanceur d’alerte est protégé, sa pratique témoigne du contraire : manque de clarté des textes, dispositifs contradictoires, protection arbitraire des services administratifs, quand ils répondent. Ce sont toutes les défaillances du système que ce rapport vient tenter de corriger. Mais en vain.

Des dispositifs en progrès, mais à consolider

Grâce, notamment, au soutien de l’opinion, les lanceurs d’alerte ont pu bénéficier d’un renforcement de leur statut. La loi Sapin II en a témoigné en France en 2016, et les progrès apportés sont indéniables.

Malgré cela, les lanceurs d’alerte se heurtent toujours à de nombreuses lacunes.

Tout d’abord, le manque de clarté et de transparence des différentes procédures s’offrant à eux. Le plus souvent, le lanceur d’alerte ne sait pas concrètement à qui s’adresser, par quel moyen et dans quel délai.

Puis, dans les peu de cas où il réussit à trouver son chemin, encore faut-il que l’alerte soit rapidement prise en compte. À titre d’exemple, la saisine du défenseur des droits – intervenu plus de 300 fois à cet effet depuis 2016 – est heureuse, mais vidée de son sens dès lors qu’aucun délai de traitement n’est fixé par la loi pour qu’il réponse au lanceur d’alerte. Les faits montrent ainsi que l’institution met en moyenne un an pour donner suite à une alerte : un délai insensé quand on dispose d’informations confidentielles de premier ordre, et qui de fait, multiplie d’autant le risque de fuite.

Dans ce sens, si l’instauration d’une procédure judiciaire incidente semble être une bonne nouvelle, derechef, cette proposition s’annule en l’absence du moindre encadrement de délai.

Des solutions existent

Ces lacunes pourraient pourtant facilement être corrigées.

À commencer par un délai maximal de réponse des autorités au lanceur d’alerte, qui pourrait être de quinze jours. Il est suffisant pour traiter des informations complexes de premier ordre et garantir la protection effective de son auteur ; les services de police ou de renseignement mettent par exemple souvent bien moins de temps pour conclure à la fiabilité d’une information.

Autre solution, d’autant plus logique que ce rapport déplore le manque de moyen du défenseur des droits (fonction initialement créée pour lutter contre les discriminations), pourquoi ne pas créer une nouvelle entité spécifique au lancement d’alerte? Une autorité dotée du pouvoir et des compétences nécessaires au traitement des signalements, avec un budget adapté, et qui pourrait s’auto-financer grâce aux fonds recouvrés par ces mêmes alertes (ne coûtant ainsi rien aux contribuables, à la différence du défenseur des droits).

Ce postulat permettrait notamment de prendre en charge financièrement le lanceur d’alerte à la suite de son initiative pour compenser notamment la perte de revenus à laquelle il fait le plus souvent face, pour assumer les frais judiciaires des procédures qu’il est souvent obligé de mener, ou de s’en défendre ; et pour apporter une indemnisation considérant la prise de risque et les montants recouvrés.

Dans ce sens, le rapport rendu suggère de créer un fonds ad hoc de soutien aux lanceurs d’alerte lorsque leur statut a été certifié et que le signalement a eu des répercussions financières. Pour autant, on regrette que subsiste l’hypocrisie d’interdire une indemnisation des lanceurs d’alerte mais de l’autoriser aux aviseurs fiscaux qui ne sont autre que des lanceurs d’alerte du fisc.

Un dédommagement commun à tous les lanceurs d’alerte permettrait donc de multiplier les initiatives, mais surtout serait plus équitable et donc plus fidèle aux principes de la République.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

 

Crédit image de couverture : Edward Snowden Wired Magazine By: Mike Mozart – CC BY 2.0

Subornation de témoin contre Julian Assange : l’Amérique contre la justice

Subornation de témoin contre Julian Assange : l’Amérique contre la justice

Un témoin clef venu alimenter l’accusation américaine contre Julian Assange en échange d’une immunité judiciaire, s’est révélé être une fraude.

Un témoin clé contre Julian Assange admet avoir menti en échange de l’immunité américaine. Un élément central de l’accusation américaine s’effondre. Pierre Farge, avocat, auteur de l’ouvrage Le Lanceur d’alerte n’est pas un délateur, rappelle un procès politique où les États-Unis sont prêts à tout pour condamner l’auteur des Wikileaks, y compris piétiner le droit à pieds joints.

Tribune de Pierre Farge parue sur Contrepoints

En France, la subornation de témoin est punie conformément à l’article 434-15 du Code pénal, disposant ainsi que :

Le fait d’user de […] pressions, menaces, […], manœuvres […] au cours d’une procédure […] en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, […] est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, même si la subornation n’est pas suivie d’effet.

Le délit de subornation d’un témoin est une sorte de complicité du délit de faux témoignage.

En l’occurrence, ces deux délits ont été créés pour renforcer la protection de la sincérité du témoignage en justice en réprimant, d’une part, le témoin qui ment à titre personnel – à travers le délit de faux témoignage – et d’autre part, l’action du tiers qui s’efforce de provoquer un faux témoignage à travers le délit de subornation d’autrui, en principe un témoin. Autrement dit, les délits de faux témoignage et de subornation de témoin tendent à sanctionner une entrave à l’exercice de la justice.

Avec cet aveu aujourd’hui d’un témoin clef venu alimenter l’accusation américaine contre Julian Assange en échange d’une immunité judiciaire, nous avons la preuve d’une manœuvre supplémentaire des États-Unis pour condamner l’auteur des Wikileaks.

Admettant avoir témoigné contre Assange en échange d’impunité américaine, Thordarson (c’est le nom du témoin, aussi pirate informatique) assure donc dans un quotidien islandais ni plus ni moins d’une subornation de témoin.

Dans le seul but d’obtenir l’extradition de Julian Assange aux États-Unis, et le condamner en conséquence sur son territoire, le ministère américain de la Justice a donc collaboré avec un individu qu’il sait dans l’illégalité, pour fabriquer de toutes pièces un acte d’accusation soumis aux tribunaux britanniques.

De fait, l’action américaine devient donc une véritable entreprise criminelle, prête à tout pour parvenir à ses fins, en l’occurrence extrader Julian Assange.

Cette tentative montre en tout cas que le gouvernement américain cherche à établir un précédent qui pourrait être utilisé pour détruire tout éditeur, militant politique ou lanceur d’alerte qui prendrait position contre lui.

Autant d’éléments qui devraient interpeller en France pour donner l’exemple, en accordant l’asile à Assange, voire en améliorant en général la législation en faveur de la protection des lanceurs d’alerte.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.

Chronique du livre de Pierre Farge dans Paris Match

Chronique du livre de Pierre Farge dans Paris Match

Paris Match chronique le livre de Maître Pierre Farge « Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur » récemment paru aux Editions Lattès :

« Le jeune et vibrionnant avocat publie son premier livre pour défendre la cause des indéfendables. Ces lanceurs d’alerte prêts à trahir leur pays comme leurs proches pour une cause plus noble : le bien commun. Farge tente de situer la naissance de ces objecteurs de conscience dans l’Antiquité, puis montre combien, au fil des siècles et de l’Histoire, il y a toujours eu des hommes pour sortir du rang. Même si le cadre législatif actuel tente avant tout de transformer le lanceur d’alerte en délateur. Julian Assange, Chelsea Manning ou Antoine Deltour ont trouvé ici leur meilleur défenseur. »

par Benjamin Locoge pour Paris Match du 27 mai au 2 juin 2021.

Chronique du livre de Pierre Farge dans Le Journal du Dimanche

Chronique du livre de Pierre Farge dans Le Journal du Dimanche

Après la publication de la tribune de Pierre Farge dans le JDD.fr fin mars – « Jugement au procès du Mediator : « La preuve que le lanceur d’alerte n’est pas un délateur » – Le Journal du Dimanche chronique son livre récemment paru aux Editions Lattès :

« Avocat engagé, Pierre Farge est un précurseur en matière de défense de ces citoyens ou salariés qui s’élèvent un jour en vigies pour dénoncer les attaques contre la démocratie ou les pratiques illicites dans le secteur privé. Défenseur à la ville des lanceurs d’alerte, il s’élève dans ce livre contre le traitement qui leur est réservé en France. Car malgré la loi Sapin 2 de 2016, qui promet de les couvrir et de les indemniser, ils ont tous payé leurs révélations au prix fort.
Ainsi, Irène Frachon (affaire du Mediator, produit par les laboratoires Servier), Hervé Falciani (affaire des évadés fiscaux de HSBC en Suisse), Stéphanie Gibaud (autre affaire impliquant des évadés fiscaux, à la banque UBS cette fois) ou Karim Ben Ali (pollution à l’acide par ArcelorMittal Florange dans un crassier de la vallée de la Fensch) ont, à des titres divers, vécu des moments difficiles.
Pour l’auteur, il est urgent de réformer un système encore frappé d’injonctions contradictoires et de se rapprocher du modèle américain de protection des whistleblowers. 
Dụ moins dans la sphère privée, car quand l’Etat est mis en cause, c’est une tout autre histoire (affaires Snowden et Assange). Son livre est un plaidoyer convaincant pour ces sentinelles de l’ombre. Au passage, il nous conduit dans les eaux troubles des secrets que ces lanceurs d’alerte ont révélés, parfois au péril de leur vie. »

par Bruna Basini pour Le Journal du Dimanche du 16 mai 2021.

Cliquez sur l’image pour l’agrandir :

Livre de Pierre Farge dans Le Journal du Dimanche

 

Audition de Pierre Farge à l’Assemblée nationale pour l’évaluation de la loi Sapin 2

Audition de Pierre Farge à l’Assemblée nationale pour l’évaluation de la loi Sapin 2

Rendez-vous Jeudi 8 avril à 10h00 pour suivre en direct sur le site de l’Assemblée Nationale l’audition de Pierre_Farge par la Commission des Lois, dans le cadre de l’évaluation de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2.

Rediffusion sur le site l’Assemblée Nationale

Répression des Ouïghours : faut-il porter plainte contre la Chine  ? (La Tribune)

Répression des Ouïghours : faut-il porter plainte contre la Chine ? (La Tribune)

OPINION. En réponse aux sanctions imposées par certains pays occidentaux et l’Union européenne en tant que telle face au traitement de la minorité ouïghoure, le gouvernement chinois interdit l’entrée sur son territoire à dix personnalités européennes ayant pris part à cette cause pour la protection des droits de l’homme. Me Odile Madar (*) et Me Pierre Farge (*), avocats à la cour, appellent à une coalition pour faire pression sur le régime chinois par le dépôt d’une plainte pénale internationale.

Article de Odile Madar et Pierre Farge dans LA TRIBUNE 

Les Ouïghours sont un peuple turc à majorité musulmane sunnite habitant la région autonome du Xinjiang à l’Est de la Chine.

Depuis 2008, cette communauté est accusée de tous les maux, de l’attaque d’un poste de police à un attentat terroriste. Présentée comme une menace par les autorités chinoises, elle subit une répression violente, allant de l’interdiction du voile islamique, à celle du port de la barbe, considéré comme « anormal », jusqu’à une campagne de stérilisation forcée. Et la répression va de plus en plus loin.

En août 2018, un comité d’experts des Nations unies affirmait qu’un million d’Ouïghours (plus que le nombre d’habitants de la ville de Marseille) seraient détenus dans des camps d’internements, et que deux millions le seraient dans des camps politiques d’endoctrinement. À l’évidence, le Président chinois Xi Jinping dément et affirme que ce sont des camps de « transformation par l’éducation » qui permettraient d’apporter un emploi et d’éloigner de l’extrémisme.

Mais la réalité dont témoigne la communauté internationale depuis est encore pire. Une femme d’affaires Ouïghoure affirmait par exemple avoir « été enfermée dans une salle obscure, les mains menottées à une chaise pendant 24 heures » avant d’être « envoyée en camp de concentration » pendant « 62 jours et y endurer tortures physiques et psychologiques ».

Que la Chine n’ait jamais été un exemple en matière de respect des droits de l’homme n’est un secret pour personne. Mais de là à être à l’origine de la stigmatisation, de la destruction d’un peuple en raison de ses origines ethniques, c’est-à-dire d’un génocide, en est une autre.

C’est la raison pour laquelle le droit international est né à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, et permet de sanctionner ce genre de pratiques.

La réponse judiciaire

Comment engager la responsabilité de la Chine devant les instances internationales ? Devant quelle juridiction ? Et avec qui ?

Saisir la Cour internationale de justice ?

Pour répondre, on pense d’abord logiquement à la Cour internationale de justice (CIJ), principal organe judiciaire de l’ONU. Mais cette cour n’est compétente que pour les seuls États qui s’y soumettent, c’est-à-dire qui reconnaissent volontairement sa compétence.

Autrement dit, il est peu probable que la Chine se soumette à cette juridiction en vue d’une probable condamnation. Tout espoir de ce côté-là est donc à rejeter.

Saisir la Cour pénale internationale ? 

Deuxième hypothèse, celle de la Cour pénale internationale (CPI), compétente pour juger des crimes contre l’humanité. Pour la saisir, il faut que les États soient signataires du Statut de Rome de 1998.

Mais la Chine n’ayant pas signé cet accord, et ne reconnaissant donc pas non plus cette juridiction, la CPI est a priori incompétente dans la cause ouïghoure. À une nuance près que la cour a compétence pour connaitre des faits criminels ayant eu lieu sur le territoire d’un état signataire.

La Chine pratiquant les déportations vers des états parties au Statut de Rome comme le Cambodge ou le Tadjikistan, la CPI pourrait donc être compétente.

C’est sur ce fondement que le 6 juillet 2020, des avocats anglais réclamaient l’ouverture d’une enquête sur les crimes du régime chinois contre les Ouïghours.

Les suites données par la Procureur de la CPI, en charge donc de décider si cette plainte devait ou non faire l’objet de poursuites, intervenaient le 14 décembre 2020 par un refus de toute enquête… au motif que la Chine n’était pas signataire du Statut de Rome !

Hypocrisie politique ou crainte diplomatique, aucune action judiciaire n’est donc envisageable par la communauté internationale à ce jour.

La réponse économique et politique

Faute de sanction judiciaire, restent encore les sanctions politiques, comme les États-Unis et le Canada, puis la Belgique et le Royaume-Uni, dénonçant officiellement les traitements infligés dans les camps chinois de Xinjiang.

Mieux, le 23 mars 2021, c’est l’Union européenne qui s’est prononcée d’une seule voix pour condamner l’atteinte aux droits de l’homme, en interdisant symboliquement de se rendre sur le territoire européen à quatre hauts fonctionnaires chinois, et un gel de leurs avoirs européens.

Pékin a immédiatement réagi en interdisant à son tour à dix personnalités européennes, dont l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, de se rendre en Chine.

Dans cette escalade, seule cette mobilisation de la communauté internationale à encourager pareilles initiatives permettra d’imposer un revirement de la décision du Procureur de la CPI, et donc permettre l’ouverture d’une enquête objective pour apprécier l’ampleur de la répression et condamner le cas échéant en conséquence.

En attendant, restent les sanctions économiques et douanières, et qui ne sont pas négligeables tant la Chine tient à son leadership dans le reste du monde.

Pensons par exemple à ces actions visant à boycotter les JO de Pékin pour 2022 dans une lettre ouverte de 180 associations de défense des droits de l’homme ; ou encore à rompre les liens commerciaux avec les firmes chinoises ayant recours au travail forcé des Ouïghours (Nike, Zara, H&M, entre autres, pour ne pas les citer).

Odile Madar et Pierre Farge

Ce n’est pas insolent de vouloir indemniser les lanceurs d’alerte – Entretien Le Soir

Ce n’est pas insolent de vouloir indemniser les lanceurs d’alerte – Entretien Le Soir

L’avocat Pierre Farge: «Ce n’est pas insolent de vouloir indemniser les lanceurs d’alerte»

Par Louis Colart, Journaliste au service Société Le Soir

Alors que le laboratoire Servier vient d’être condamné dans le scandale sanitaire du Mediator, une quinzaine d’années après l’alerte lancée par Irène Frachon, entretien avec l’avocat français Pierre Farge. Il publie Le Lanceur d’alerte n’est pas un délateur (éd. JC Lattès), un manifeste très pédagogique sur l’intérêt de protéger mieux ceux qui mettent leur intérêt personnel après l’intérêt général.

Edward Snowden (espionnage américain), Irène Frachon (scandale du Mediator), Chelsea Manning (Wikileaks)… Comment évaluez-vous l’apport des lanceurs d’alerte pour nos sociétés ?

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Télécharger l’article en pdf : LE SOIR 29 mars 2021 – Lanceurs d’alerte

Mediator : le rôle des lanceurs d’alerte – Pierre Farge à BFM TV

Mediator : le rôle des lanceurs d’alerte – Pierre Farge à BFM TV

Mediator : Pierre Farge invité sur le plateau de BFMTV

L’avocat Pierre Farge, auteur de « Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur » paru aux éditions JC Lattès, est l’invité de Maxime Switek dans l’émission 22h Max consacrée au jugement rendu dans le procès du Médiator le 29 mars 2021.

Rediffusion de l’émission disponible sur le site de BFM TV :

 

Jugement au procès du Mediator : La preuve que le lanceur d’alerte n’est pas un délateur (Le JDD)

Jugement au procès du Mediator : La preuve que le lanceur d’alerte n’est pas un délateur (Le JDD)

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné lundi les laboratoires Servier dans le scandale du Mediator révélé voilà quinze ans par Irène Frachon. Pierre Farge, avocat, auteur d’un livre coup de poing sur les lanceurs d’alerte, décrypte ce jugement hors norme.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans LE JOURNAL DU DIMANCHE 

Plus de dix ans après le retentissant scandale du Mediator, un médicament tenu pour responsable de centaines de décès, le tribunal de Paris a reconnu coupable lundi à Paris les laboratoires Servier de « tromperie aggravée » et d' »homicides et blessures involontaires ».

Condamné à payer 2,7 millions d’euros d’amende, le groupe pharmaceutique a toutefois été relaxé du délit d' »escroquerie ». Jean-Philippe Seta, l’ex-numéro 2 du groupe pharmaceutique, a lui été condamné à quatre ans d’emprisonnement avec sursis.

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex-Afssaps), qui a « gravement failli dans sa mission de police sanitaire », a elle été condamnée à 303.000 euros d’amende.

L’avocat Pierre Farge, auteur du livre Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur (JCLattès, mars 2021), décrypte ce jugement hors norme.

« Irène Frachon aura passé près de quinze ans à se battre pour la cause des malades et des morts du Mediator. Un procès rappelant à l’opinion que le lanceur d’alerte n’est pas un délateur. Mais surtout un procès symptomatique de notre retard en matière de protection des lanceurs d’alerte et d’une plus juste indemnisation des victimes. Reprenons.

Peut-être faites-vous partie des 5 millions de personnes ayant avalé le « médicament » pendant 33 ans et remboursé au taux maximum par la Sécurité sociale.

Peut-être vous souvenez-vous en février 2007 de la découverte par une pneumologue brestoise – La Fille de Brest sera le titre du film d’Emmanuelle Bercot – d’une corrélation entre les lésions cardiaques que présentent ses patients et la prise d’un médicament prescrit comme coupe-faim.

Un aboutissement pour la lanceuse d’alerte à l’origine du scandale et un début de réparation pour les parties civiles

Face à l’apparition d’un nombre exponentiel de maladies cardiaques, deux ans et demi plus tard, en novembre 2009, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), autrement dit l’Etat, ordonne enfin – beaucoup trop tardivement – le retrait du médicament.

Mais l’alerte d’Irène Frachon prend véritablement corps en septembre 2010 par la publication de son livre Médiator 150 mg, combien de morts?.

Page après page, elle démontre la dangerosité du produit, avant que tout soit fait pour la décrédibiliser, pour la faire taire par tout moyen.

Dix ans et 2000 morts plus tard, le procès correctionnel s’ouvre en 2019 pour tromperie aggravée, escroquerie, homicides et blessures involontaires, notamment.

Après neuf mois de débats, et des chiffres hors du commun – 11 personnes morales et 14 personnes physiques, 6.500 parties civiles, 400 avocats, et des demandes de dommages intérêts avoisinant le milliard d’euros – le Tribunal judiciaire de Paris vient de rendre son jugement.

Un aboutissement pour la lanceuse d’alerte à l’origine du scandale, et un début de réparation pour les parties civiles, quoi qu’il y ait sur ce point encore beaucoup à faire.

Ce jugement pose la question de la protection et de la prise en charge du lanceur d’alerte

Faut-il par exemple rappeler qu’aux Etats-Unis, dans le scandale Vioxx, cet anti-inflammatoire à l’origine de 40.000 morts et 10.000 AVC non létaux, c’était 5 milliards de dollars de transaction proposée par Merck pour éviter sa condamnation, soit à peu près 30 millions par partie civile?

Considérant le versement anticipé au 1er mars 2021 d’une indemnité globale de 200 millions d’euros à 3.900 victimes de pathologies cardiaques dans l’affaire du Mediator, la condamnation du laboratoire Servier reste très mince. Un autre exemple : le montant de l’amende pour tromperie aggravée, selon la loi de 10% maximum du chiffre d’affaires de la société, reste dérisoire et donc sans effet dissuasif au regard des 30 millions d’euros par an engendrés sur des décennies par le médicament.

Ce jugement sans précédent pose également la question de la protection et de la prise en charge du lanceur d’alerte à l’origine du scandale, en l’occurrence Irène Frachon. Intervenant dans le procès correctionnel comme témoin – et non comme partie civile -, elle ne pouvait bénéficier d’aucune indemnisation, qu’elle ne demandait d’ailleurs pas. Mais combien de lanceurs d’alerte disposent de cette force morale, et surtout de cette possibilité matérielle de ne pas dépendre d’une remise en état pour le tort causé lorsqu’on ne peut pas forcément garder son emploi, payer son loyer et faire vivre sa famille?

Le législateur doit donc d’urgence tirer toutes les conséquences de ce jugement

La France continue d’aller à l’encontre de toutes les préconisations sur le sujet, à commencer par celle du Défenseur des droits, plaidant notamment pour un « fonds de soutien » et une « aide juridictionnelle sans condition de ressources », tout comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Le législateur doit donc d’urgence tirer toutes les conséquences de ce jugement en vue de la transposition de la directive sur les lanceurs d’alerte qui doit intervenir au plus tard le 17 décembre 2021. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Les exemples sont innombrables. Trois seulement.

  1. En janvier 2020, la France Insoumise portait une proposition de loi examinée en Commission des Lois. Les Républicains s’engageaient avec pragmatisme pour une coproduction de l’ensemble des groupes parlementaires. Pourtant, la République en marche s’opposait à toutes les mesures allant plus loin que les minima imposés par l’Union européenne, au prétexte que le travail de fond n’aurait pas été suffisant, et que des améliorations seraient nécessaires.
  2. En septembre 2020, cet état de fait était confirmé. Sylvain Waserman, député MoDem et vice-président de l’Assemblée Nationale, interrogeait le Garde des sceaux sur sa position quant à une transposition « ambitieuse ». Sa réponse ne donne aucune illusion sur les intentions du gouvernement : la France serait déjà à la pointe sur la protection des lanceurs d’alertes, promettant donc une transposition a minima de la directive.
  3. En janvier 2021, derechef, nouvelle volonté d’affichage, le ministère de la justice lançait une consultation publique ouverte durant deux mois afin de recueillir l’avis de nos concitoyens, et des personnes qualifiées, sur la question de cette transposition. Là encore, pourquoi demander notre avis si une proposition de loi prévoyant une protection n’a déjà pas été suivie d’effet ; si tous les intervenants se sont déjà exprimés dans le cadre de la proposition de loi de janvier 2020? Et surtout, me concernant, pourquoi avoir refusé de m’écouter malgré une demande officielle suivie de relances en ce sens?

Onctueuse démagogie donc que de multiplier les « consultations », « auditions » et autres « missions » pour laisser croire que tout un chacun aurait la possibilité de donner son avis dans une illusion de débat démocratique, mais en réalité continuer à ne pas protéger les lanceurs d’alerte comme ils le mériteraient au regard de l’impact énorme qu’ils représentent pour l’intérêt général. »

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris