Actualités Farge Associés

Actualités du Cabinet et de Pierre Farge, avocat associé fondateur :
lanceurs d’alerte, droit fiscal, droit pénal, pro-bono, culture…

Pierre Farge dénonce l’inertie du Parquet National Financier

Pierre Farge dénonce l’inertie du Parquet National Financier

Saisi par un ancien agent des douanes, lanceur d’alerte dans un dossier mettant en cause son administration et CapGemini pour violation du secret fiscal, l’avocat Pierre Farge dénonce l’inertie du Parquet National Financier.

Dans son édition des 3-4 juillet 2022, Le Monde a publié une nouvelle enquête, signée Manon Romain et Maxime Vaudano, sur la mainmise des Cabinets de Conseil, notamment Capgemini, dans l’administration française depuis 2017.

Le recours aux prestations du cabinet américain McKinsey par l’administration française avait soulevé un tollé dans la presse durant la campagne de l’élection présidentielle.

Mais l’externalisation de missions de service public au cabinet de conseil français Capgemini, qui a totalisé 1,1 Milliard d’euros de contrats publics depuis 2017, soulève tout autant l’indignation.

Et ce n’est pas qu’une question d’argent, cela pose également de graves problèmes de confidentialité des données communiquées par l’administration à ce prestataire externe, en particulier dans le domaine fiscal.

Lire l’article sur le site du Monde 

Aux douanes l'embarrassante mission secrète de Capgemini

Dans cet article paru dans Le Monde, je dénonce l’inertie coupable du Parquet national Financier : « Je suis indigné de voir une telle inertie judiciaire face au courage de mon client lanceur d’alerte, qui dénonce des faits d’intérêt public incontestables » 

Je représente en effet un ancien agent des douanes lanceur d’alerte. Ce fonctionnaire a d’abord dénoncé les faits auprès de sa hiérarchie aux Douanes, laquelle n’a pas réagi.  Devant la gravité des faits en cause, il s’est vu contraint de porter plainte pour violation du secret fiscal au Parquet national Financier contre les Douanes et CapGemini : or le PNF n’a ouvert aucune enquête depuis 8 mois ! 

Maître Pierre Farge, avocat des lanceurs d’alerte.

La plainte des proches de Samuel Paty : un symbole irréaliste

La plainte des proches de Samuel Paty : un symbole irréaliste

Plus d’un an après la décapitation du professeur d’histoire-géographie, les proches de Samuel Paty mettent en jeu la responsabilité de l’État. La plainte est déposée contre l’Éducation nationale et le ministère de l’Intérieur. Mais à quelle fin ?

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints 

L’assassinat de Samuel Paty par Abdoullakh Anzorov, Tchétchène de 18 ans, en octobre 2020, a bouleversé le pays.

Comme il faut toujours un responsable et quand le coupable n’est plus (car il est mort quelques minutes après les faits sous les balles de la BAC), la question de l’engagement de la responsabilité de l’État s’est évidemment posée.

Début avril, les proches du professeur déposent donc plainte : l’inertie des agents du ministère de l’Intérieur et de l’Éducation nationale aurait rendu possible la décapitation. C’est ainsi qu’ils estiment que « dès le 8 octobre et jusqu’au 16 (le jour de sa mort), Samuel Paty, la principale et les enseignants avaient identifié une menace grave pour leur intégrité physique et la sécurité du collège ».

Pour calmer les victimes et l’opinion, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire le 19 avril pour « non-assistance à personne en péril » et « non-empêchement de crime ».

Le risque pour l’État : être rendu responsable de l’inertie de la puissance publique à n’avoir pas protégé Samuel Paty de l’acte d’un terroriste de 18 ans.

Ce risque est mince pour trois raisons principales.

  • À l’évidence, et l’expérience l’a montré, il est d’abord impossible pour l’État de mettre derrière chaque individu radicalisé (en 2018 ils sont 19 745 selon le FSPRT), un service entier des forces de l’ordre.
  • Pour la surveillance d’un seul fiché S, comptez une vingtaine de fonctionnaires des renseignements et services de police pour assurer la surveillance téléphonique 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et au moins deux voitures pour les filatures.
  • C’est d’autant plus irréaliste quand on sait la très faible évolution des effectifs de police, à peine 3000 fonctionnaires de plus, loin des 10 000 promis par Emmanuel Macron en 2017. Cet état de fait est d’autant plus regrettable qu’en l’espèce le terroriste n’était connu d’aucun service de renseignement.

Donc, rien à critiquer de ce côté là pour engager la responsabilité de l’État.

Partant, sauf à faire de la justice prédictive comme dans Minority Report, personne ne pouvait raisonnablement imaginer ce passage à l’acte, comme la plupart des attentats d’ailleurs. Faut-il ainsi rappeler que la tragédie du Bataclan a donné lieu à un recours des victimes contre les « défaillances » de l’État… rejeté par le tribunal administratif de Paris, estimant qu’aucun élément ne permettait d’engager la responsabilité des forces de l’ordre le soir du drame, ou les services de renseignement en amont. Même cause, même effet concernant les attentats de Charlie Hebdo.

Plus encore, l’engagement de la responsabilité de l’État apparaît d’autant plus complexe en matière pénale qu’il serait indispensable d’isoler avec précision le ou les services qui ont failli, ce qui est loin d’être évident dans la coordination de la chaine renseignement-police-justice

En somme, bien qu’humainement compréhensible, cette plainte est d’ores et déjà vouée à ne pas aboutir. La justice devrait donc cesser d’obéir à la pression de l’opinion ou des associations de victime, et plutôt se concentrer sur le désengorgement de ses tribunaux.

Pierre Farge

Damien Abad : nouveau ministre, nouveau tribunal médiatique

Damien Abad : nouveau ministre, nouveau tribunal médiatique

Dans l’affaire Abad, au nom de la présomption d’innocence, rien n’autorise de réclamer une sanction comme une démission, ou plus simplement salir une image.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints

La formation du nouveau gouvernement entraîne son lot habituel de révélations sur la vie des ministres. La dernière d’entre elles vise Damien Abad pour de présumées violences sexuelles… datant de plus d’une décennie, et déjà classées sans suite par la justice.

Malgré le rapport d’octobre 2021 de l’ancienne garde des Sceaux Élisabeth Guigou sur la protection de la présomption d’innocence mise à mal par la presse, ce principe est de nouveau piétiné quelques jours après la formation du gouvernement avec la mise en cause d’un nouveau ministre.

Ancien député de l’Ain et Président LR, c’est curieusement lorsqu’il est nommé membre du gouvernement que son passé refait subitement surface, comme si les plaignantes retrouvaient la mémoire en le voyant sur le devant de la scène.

Il est important de respecter la présomption d’innocence. Fort du phénomène #MeToo, la voix des victimes est entendue plus que jamais partout en France, et c’est une excellente nouvelle que la justice puisse être rendue plus utilement et plus rapidement. Pour autant, cette libération de la parole doit intervenir dans le respect d’un des principes les plus fondamentaux de notre droit : la présomption d’innocence.

Et en l’espèce, la présomption d’innocence devrait avoir un sens d’autant plus important que ces deux femmes ont porté plainte pour viols entre 2010 et 2011, plaintes donnant lieu à deux classements sans suite en 2012 et en 2017.

Attention à la justice populaire.
Partant, rien n’autorise – sinon peut-être la volonté de faire polémique et vendre du papier – de réclamer une sanction comme une démission, ou plus simplement salir une image.

Sauf donc à considérer que n’importe qui peut se faire justice lui-même en un tweet ou une simple déclaration péremptoire dans un média, l’institution judiciaire demeure garante du respect de cette présomption d’innocence, des suites qu’elle donne, ou non, à une plainte conformément au droit en vigueur.

Pierre Farge.

Comment juger Vladimir Poutine – Le Journal du Dimanche

Comment juger Vladimir Poutine – Le Journal du Dimanche

L’avocat, Pierre Farge, démontre l’intérêt de pointer la responsabilité de Vladimir Poutine, et non pas de l’État russe, pour l’invasion de l’Ukraine. 
Retrouvez la tribune de Pierre Farge publiée dans Le Journal du Dimanche, ce 13 mars 2022.

Différents scénarios pour juger Poutine

Saisir la Cour internationale de justice contre la Russie ?

Une responsabilité étatique de la Russie. On pense d’abord logiquement à la Cour internationale de justice (CIJ), principal organe judiciaire de l’ONU. Mais elle n’est compétente que pour les seuls États qui s’y soumettent, c’est‑à-dire qui reconnaissent volontairement sa compétence.

Il est peu probable que la Russie se soumette à cette juridiction… en vue d’une condamnation quasiment garantie, à en croire l’unanimité des opinions émises dans le monde sur ce conflit.

C’est d’autant plus improbable que la CIJ ne dispose d’aucun moyen pour faire respecter ses décisions, comme faire appliquer un ­cessez-le-feu.

Saisir la Cour pénale internationale ?

Deuxième hypothèse, celle de la Cour pénale internationale (CPI), compétente pour juger des crimes contre l’humanité.

Pour la saisir, il faut que les États soient signataires du statut de Rome de 1998. Cependant, ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié cet accord.

La CPI est donc incompétente pour connaître de ces faits.

Saisir la Cour européenne des droits de l’homme ?

Troisième hypothèse pour condamner la Russie, recourir à une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Cette option, d’ailleurs déjà engagée par l’Ukraine, promet d’être longue et n’est pas répressive au sens pénal du terme.

Créer un tribunal pénal international spécial ?

Dernière possibilité, sans doute la plus crédible, mais toujours pas immédiate : créer un tribunal pénal international spécial, comme nous l’avions fait pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.

Ces hypothèses visent donc toutes une responsabilité de la Russie, mais pas de la personne de son président, qui serait pourtant la plus efficace.

Une responsabilité individuelle de Vladimir Poutine et de son entourage ?

Comme le tribunal de Nuremberg l’a prouvé, la responsabilité individuelle d’un dirigeant politique est possible s’il est démontré un crime de guerre en violation des lois de la guerre prévues par la convention de Genève et la convention de La Haye.

Un mandat d’arrêt international devrait être émis par Interpol contre Vladimir Poutine et son entourage politique impliqué dans le conflit.

Si cette perspective est juridiquement possible, à ce jour elle n’a jamais été mise en œuvre contre un président en exercice.

Comme il y a un début à tout, c’est une question de détermination et de volonté politique. Cette volonté pourrait se manifester en France, et Paris donner l’impulsion, à l’occasion de sa présidence de l’Union, à l’ensemble de l’Europe.

Plus largement, même si ni l’Ukraine ni la Russie n’ont ratifié le traité créant la Cour Pénale Internationale, l’Ukraine a néanmoins reconnu en 2014 sa compétence pour les crimes commis sur son territoire.

Il serait donc possible, dans le même temps, de poursuivre les ressortissants russes impliqués dans cette invasion en les arrêtant sur le territoire d’un État qui reconnaît la compétence de la CPI.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.

 

Lexbase : Pierre Farge avocat des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences

Lexbase : Pierre Farge avocat des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences

Dans cet entretien avec LEXBASE, Me Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris, raconte son métier d’avocat pénaliste et son engagement auprès des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences.

La vidéo est accessible ci dessous :

Transcript de l’entretien LEXBASE / Pierre Farge

Quand as-tu commencé à défendre les lanceurs d’alerte ?

C’est très tôt, quand j’ai commencé à exercer, que j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de droit en tant que tel qui protégeait les lanceurs d’alerte. Il y avait beaucoup d’affichage sur les dispositions qui étaient censées les protéger, mais quand on était avocat et qu’on avait des clients lanceurs d’alerte et il y avait très peu de dispositifs applicables pour les protéger réellement. J’ai donc beaucoup écrit dans la presse à ce sujet et ça a fait boule de neige. Il y a plein de lanceurs d’alerte qui se sont identifiés dans les histoires que je racontais, dans le vide juridique que je dénonçais. Et petit à petit, ils sont venus de plus en plus à moi.

J’ai voulu rendre accessible au plus grand nombre un sujet qui est d’apparence compliqué. On sait avec Erin Brockovich, avec les films qu’il y a eu d’Oliver Stone sur Julian Assange et les WikiLeaks. On vulgarise la question des lanceurs d’alerte, mais là, j’ai voulu en 200 pages, c’est un livre qui se lit très rapidement,  expliquer la genèse des lanceurs d’alerte, leurs histoires. Quand est ce qu’ils sont apparus dans l’Antiquité gréco romaine ?  Expliquer qu’ils ont toujours existé.

Et aujourd’hui, ils ont un besoin très important pour que les pouvoirs publics prévoient une protection digne de ce nom. Et on voit que, faute d’un droit applicable, d’un droit qui les protège réellement, on est obligé de faire appel aux journalistes pour dénoncer et se faire le relais des alertes des lanceurs d’alerte.

Quid de l’association AMALA ?

Amala est une association que j’ai créée, dans le cadre justement de la protection des lanceurs d’alerte. Dans la mesure où le lancement d’une alerte est en général multi juridictionnelle, ça peut très bien concerner des juridictions comme la France, mais aussi beaucoup et très souvent les Etats-Unis.

Et j’ai remarqué qu’on manquait souvent de correspondants et que c’était important de les relier, que tous les spécialistes de la matière, des lanceurs d’alerte en France, en Europe ou aux Etats-Unis, voire même en Amérique latine, puissent avoir un réseau et communiquer entre eux. Aujourd’hui, grâce à cette association, quand on a besoin d’un correspondant aux Etats-Unis, on sait comment le trouver par où passer.

Tu as également créé l’asso Avocat Stop Féminicide, peux-tu nous en parler ?

Avocat-Stop-féminicide.org, plus qu’une association, c’est un collectif d’avocats, le premier collectif d’avocats venant en aide aux femmes victimes de violences conjugales. J’ai créé ça le jour de l’ouverture du Grenelle contre les violences conjugales en 2019. Et il a trois missions principales :

  1. La première mission, c’est d’orienter les femmes victimes de violences conjugales. C’est à dire les aider à constituer leur dossier pour qu’il soit utile, qui soit recevable par les autorités judiciaires. Et à ce titre, en général, on a beaucoup d’associations qui nous envoient des femmes victimes pour les orienter, pour les accompagner, les aider à constituer leur dossier.
  2. Puis, éventuellement, si le dossier est suffisamment solide, c’est de les accompagner devant les juridictions françaises, aussi bien des juridictions civiles que les juridictions pénales.
  3. Et fort de cette expertise, de ces témoignages de terrain, on essaie de faire du lobbying comme on le fait depuis 2019 auprès des pouvoirs publics pour témoigner de ce qui fonctionne, mais surtout de ce qui ne fonctionne pas, dans la chaîne pénale pour protéger ces femmes victimes de violences conjugales le plus rapidement possible.
Public sénat : La présomption d’innocence existe-t-elle encore ?

Public sénat : La présomption d’innocence existe-t-elle encore ?

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris, est intervenu dans l‘émission « Sens Public » du 1er décembre 2021 sur la chaîne Public Sénat a propos d’une question au centre de notre système judiciaire et au centre de l’actualité depuis l’affaire Nicolas Hulot : Comment concilier le droit à l’information et la présomption d’innocence ?

Rediffusion de l’émission Sens Public du 1er décembre 2021 sur Public Sénat

Élisabeth Guigou a remis un rapport au gouvernement sur ce thème. L’ancienne garde des Sceaux était entendue au Sénat.
Débats et analyse sur Public Sénat avec les invités :

  • Élisabeth Guigou, Ancienne ministre de la justice
  • Marine Turchi, Journaliste à Mediapart
  • Pierre Farge, Avocat pénaliste
  • Sophie Obadia, Avocate
  • Matthieu Croissandeau, Éditorialiste Public Sénat

Extrait :  Pierre Farge : « Il faudrait alourdir les sanctions et obliger les organes de presse à publier les non-lieux, avec le même battage médiatique que lorsqu’il était question de vendre et de mobiliser l’opinion autour d’un nom »

Le secret professionnel des avocats attaqué

Le secret professionnel des avocats attaqué

Le Sénat adopte définitivement le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Malgré un amendement de dernière minute dangereux, les atteintes au secret professionnel restent sauves.

Tribune de Maître Pierre Farge parue du Contrepoints

En France, le secret professionnel de l’avocat est défini par la loi du 31 décembre 1971.

Il s’agit d’un principe fondamental à la base de la profession d’avocat : pour pouvoir utilement défendre, il doit y avoir une confiance absolue avec son client, qui doit pouvoir tout dire. Le secret professionnel était jusque récemment absolu. Il était un et indivisible.

C’est sans compter qu’avec l’évolution de la profession, l’avocat n’est plus seulement un défenseur, il est aussi un conseiller.

LE RÔLE DU SECRET PROFESSIONNEL

La chambre criminelle de la Cour de cassation faisait ainsi une distinction dans la protection des correspondances entre un client et son avocat selon l’activité de l’avocat :

  • lorsqu’elles interviennent dans le cadre d’une activité de conseil, la Cour autorise la saisie de ces correspondances.
  • En revanche, la chambre civile de la Cour de cassation couvrait du secret professionnel toutes les correspondances avec un avocat, quel que soit le domaine d’intervention.

Afin de rendre la jurisprudence cohérente, la loi du 7 avril 1997 modifie l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et étend clairement le secret professionnel à « toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense ».

En dépit de ce texte pourtant très clair, la chambre criminelle de la Cour de cassation reste toujours dans la nuance.

Encore récemment, dans un arrêt du 23 décembre 2020, alors même qu’elle rappelle le principe de la protection des correspondances entre un client et son avocat en toutes matières, elle juge légale la saisie de ces correspondances lorsqu’elles ne concernent pas l’exercice des droits de la défense.

UN PRINCIPE SOUS ATTAQUE

C’est dans ce contexte que le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire intervient, avec pour objectif affiché de renforcer le secret professionnel de l’avocat. En réalité, c’est l’inverse qui a failli se passer, et un jeu à somme nulle qui a finalement abouti.

La loi modifie directement le Code de procédure pénale par un article en ces termes :

« Le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 665 de la loi n° 711130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code ».

C’est la première reconnaissance de la divisibilité du secret professionnel, de la défense et du conseil. Mais surtout une formulation malheureuse qui divise le secret professionnel entre l’activité de défense et l’activité de conseil.

Et pour cause, la loi prévoit également l’ajout d’un nouvel article 56-1-2 selon lequel le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquêtes ou d’instructions en matière de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence, financement du terrorisme et blanchiment de ces délits.

Autrement dit, si l’avocat est complice même à son insu (en vertu d’un conseil qu’il aurait donné sans tout savoir du caractère frauduleux des agissements du client), le secret ne tient plus.

Autrement dit encore, une présomption de culpabilité permettait de mettre à mal le secret professionnel au prétexte de poursuites pour fraude fiscale, corruption ou trafic d’influence.

Et pour cause, où placer cette frontière de la défense et du conseil d’un client qui consulte, par exemple, un avocat pour dissoudre sa société ; puis l’avocat de comprendre que le client est finalement poursuivi pour fraude fiscale, et se voyait consulté sans doute pour organiser son insolvabilité ?

Cette extension des pouvoirs du juge n’est pas sans rappeler celle communément admise de placer un avocat sur écoute téléphonique pour un dossier précis, mais qui finalement permet d’écouter tous les échanges, et ainsi potentiellement n’avoir plus qu’à choisir celui le plus utile pour engager des poursuites.

Soit encore une fois au mépris de l’esprit et de la lettre du secret professionnel.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

Crédit photo de couverture : Eric Dupond Moretti by Pierre Metivier (creative commons) (CC BY-NC 2.0)

Handicap et études supérieures : un étudiant porte plainte contre son école d’ingénieurs

Handicap et études supérieures : un étudiant porte plainte contre son école d’ingénieurs

Un étudiant «multidys» n’a pas obtenu les aides auxquelles il avait légalement droit pour passer un concours d’écoles d’ingénieurs et a porté plainte contre les Arts et Métiers pour discrimination. L’audience se tient ce vendredi 19 novembre 2021.

Après avoir témoigné de cette affaire lors de la Journée Nationale des Dys, son avocat Pierre Farge appelle aujourd’hui à la mobilisation générale pour cette audience cruciale pour l’égalité d’accès à des études supérieures des personnes en situation de handicap.

Venez nous soutenir en assistant au procès le 19 novembre 2021 à 13h30 au Tribunal judiciaire de Paris, 17e chambre, situé Parvis du tribunal judiciaire de Paris, 75017 Paris.
C’est à la Porte de Clichy : Métro lignes 13 et 14, RER C, Tramway ligne T3b, Bus RATP 28, 54, 74, 163 et 173.
Audiences publiques : comment accéder au Tribunal judiciaire de Paris pour assister à un procès.

Discrimination des Dys : Pierre Farge témoigne à la Journée Nationale des Dys

Article d’Elsa Maudet paru dans LIBERATION > Le handicap au quotidien

« Raphaël se bat un peu pour lui-même et beaucoup pour les autres. A quasi 22 ans, en quatrième année d’école d’ingénieur, il ne lui reste plus qu’un an à tirer. «Je sais très bien que je ne vais pas intégrer une autre école. Une fois que le dossier sera clos, je n’aurai rien gagné», estime le jeune homme.

Le 19 novembre, il a rendez-vous au tribunal correctionnel de Paris, devant qui il poursuit l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam) et son directeur général, Laurent Champaney, pour «discrimination fondée sur le handicap avec la circonstance aggravante d’avoir été commise par une personne dépositaire de l’autorité publique».

L’affaire remonte à 2020. En début d’année, Raphaël s’inscrit à la Banque PT, un concours commun aux écoles d’ingénieurs recrutant des étudiants parmi les classes préparatoires de la filière physique-technologie (PT). Ce pour quoi il bûche depuis près de deux ans.

Lors de l’inscription, il coche la demande d’aménagements, dont peuvent bénéficier les étudiants handicapés. Le jeune homme est «multidys» : dyslexique, dysorthographique, dyscalculique, dysphasique, dysgraphique et dyspraxique. «La parole n’est pas innée, l’écriture n’est pas innée. Le spontané n’existe quasiment pas», résume-t-il depuis le cabinet de son avocat, à Paris.

Sans ordinateur, il rend des copies à l’apparence brouillonne. Sans correcteur orthographique, elles sont truffées de fautes. Sans calculatrice, il ne peut pas faire de graphiques ni d’opérations simples. Bref, il a besoin de ces aménagements pour pouvoir montrer ce qu’il vaut, son intelligence et ses compétences académiques n’étant en rien amoindries par ses troubles. Raphaël fait donc une demande d’aménagements, puis envoie les documents justifiant ses besoins. «J’avais fait en sorte de voir tous les médecins et spécialistes avant», resitue l’étudiant.

Notes catastrophiques

Les semaines passent et aucune validation de sa demande ne lui parvient. Dans la dernière ligne droite avant l’échéance, censée être une phase d’intenses révisions, «je passais beaucoup de temps à chercher à comprendre à qui il fallait m’adresser pour avoir des réponses». Ses coups de fil et courriers sont sans réponse depuis des mois.

A force d’acharnement, il obtient notamment un tiers-temps, c’est-à-dire davantage de temps pour composer au concours, et un ordinateur. Sans correcteur orthographique ni logiciels adaptés. Il continue donc de demander la totalité des aménagements dont il a besoin pour passer son concours dans des conditions équitables par rapport aux étudiants valides. En vain.

«Le jour J, j’ai essayé de faire au mieux, en perdant un temps monstrueux sur la recherche de mots. Dès le début de l’énoncé, c’est écrit “lisibilité et orthographe sont déterminants”. Comment un dyslexique peut compenser son orthographe s’il n’a pas son correcteur d’orthographe ?», souffle Raphaël.

Le jour des résultats, le couperet tombe : ses notes sont catastrophiques. Avec notamment un 2/20 en français, qui lui laisse à penser que son travail n’a même pas été lu – ses demandes de consultation de copies sont restées lettre morte. Les portes des meilleures écoles d’ingénieurs se ferment. «J’avais la possibilité d’intégrer une école post-bac mais j’avais fait le choix d’aller en classe préparatoire pour avoir mieux, s’agace Raphaël. Je ne demande pas à être catapulté en haut du classement, je connais mes compétences. Mais les Arts et métiers, c’était réalisable. Je pense qu’ils se sont dit que je n’avais rien à faire ici.» 

Le vingtenaire a saisi le tribunal par une citation directe en octobre 2020. Aujourd’hui, il étudie dans une école accessible après le baccalauréat, qu’il a intégrée directement en troisième année.

«Ça ne compensera jamais ce qu’il a perdu»

Du côté des organisateurs du concours, on assure tantôt n’avoir pas reçu le dossier médical, tantôt que l’intéressé s’y est pris trop tard. «J’ai bien vérifié, il n’y a pas de faute de la part de la famille, tout a été fait selon les règles», défend Concepcion El Chami, présidente de l’association Dyslexiques de France. Sollicité par Libération, l’Ensam, qui gère les dossiers d’inscription et l’organisation des épreuves écrites de la Banque PT, n’a pas souhaité s’exprimer car la procédure judiciaire est en cours.

Habituellement, ce type de litiges se règle au tribunal administratif, pas au pénal, mais «de plus en plus de jeunes qui sont dans le supérieur ont vécu cela et veulent être entendus. Derrière cette audience, il y a un ras-le-bol de cette légèreté. Il faut montrer la responsabilité des personnes qui traitent les dossiers et montrer qu’il y a un préjudice, un impact sur la vie des gens», assène Concepcion El Chami. «Quoi qu’on obtienne comme somme, ça ne compensera jamais ce qu’il a perdu. Toute sa carrière, il devra assumer le fait d’être dans cette école», moins prestigieuse, juge Pierre Farge, l’avocat de Raphaël«Quand je voudrai évoluer, il faudra que je me justifie. Les autres seront augmentés par défaut parce qu’ils auront fait une meilleure école», anticipe le jeune homme. Aujourd’hui, il peine à imaginer son avenir. Sa seule certitude : il rejoindra «une entreprise qui a des valeurs». Et traite correctement les travailleurs handicapés. »

Info relayée sur Twitter 

https://twitter.com/Pierre_Farge/status/1460608703619608579?s=20

Discrimination des Dys : Pierre Farge témoigne à la Journée Nationale des Dys

Discrimination des Dys : Pierre Farge témoigne à la Journée Nationale des Dys

Intervention de Pierre Farge à la 15e Journée Nationale des Dys, à Paris le 9 octobre 2021.

Maître Pierre Farge dénonce l’absence de prise en compte du handicap des Dys dans l’enseignement supérieur, en particulier pour l’égalité d’accès aux concours des grandes écoles.

Dans son témoignage d’avocat, il assure la défense d’un jeune client Dys qui a échoué à un concours, faute d’avoir pu bénéficier des aménagements auxquels il avait pourtant droit du fait de son handicap et que l’institution organisatrice du concours n’a pas jugé bon de mettre en œuvre.

Présentation de la Journée Nationale des Dys

Comme chaque année, cette Journée a mobilisé les parents membres des associations de la Fédération et les professionnels partout en France. Depuis 15 ans, les manifestations organisées par les bénévoles à l’occasion de la JND ont permis de faire progresser à pas de géant la cause des enfants et adultes porteurs de troubles des apprentissages. La dyslexie, la dysphasie et la dyspraxie sont ainsi mieux connues du grand public et la famille des troubles « DYS » de mieux en mieux repérée :  site de la 15e Journée nationale des Dys

Vidéo de  l’intervention

Transcript de l’intervention de Pierre Farge

« Bonjour à tous,

Je parcourais tout à l’heure à mon arrivée les stands et constatais les remarquables innovations pour les Dys, dont ce correcteur d’orthographe, absolument génial, adapté au handicap des Dys. Il est unique au monde puisqu’il dispose d’un algorithme basé sur les corpus de textes des Dys, incluant donc les fautes type de Dys. Je trouvais ça formidable, mais je me suis dit que toutes ces innovations sont effectivement formidables, remarquables, mais ne servent à rien si elles ne sont pas effectivement exploitables par le biais de ce qu’on appelle les aménagements, lors des examens.

Si la loi n’est pas appliquée dans l’enseignement supérieur et l’Education nationale afin de placer tous ces étudiants dys sur un pied d’égalité, c’est ce qu’on appelle l’égalité des chances, un des grands principes de la République, sanctionnée dans notre droit par la discrimination. C’est la raison pour laquelle je suis là aujourd’hui. En tant qu’avocat, je défends les intérêts d’un étudiant brillant qui candidatait à une grande école et qui n’a bénéficié que de 10% des aménagements auxquels il avait droit.

10%, avec un stress que vous imaginez, il a, sans surprise, raté son concours. En demandant des comptes à l’école en question, que je ne citerai pas, il y a une procédure qui est en cours, en raison de cette absence d’aménagement. Nous avons trouvé un mur, un silence absolument total. A commencer par celui de son dirigeant, qui doit pouvoir répondre, comme vous le savez, au nom de l’institution. Silence absolument total de son dirigeant. Ensuite, nous avons saisi toutes les autorités compétentes pour savoir comment de telles négligences vis à vis d’un dys avaient été possibles.

Ce sont des courriers qui ont été adressés, il y a un peu plus d’un an, le 7 septembre 2020, à savoir à Madame la secrétaire d’Etat au Handicap, à la chargée de mission ou handicap, à la déléguée interministérielle compétente, à la médiatrice de l’Education nationale et au Défenseur des droits. On n’a pas obtenu davantage de réponses, sauf du défenseur des droits, qui, lui, nous a répondu et nous a assuré instruire notre dossier depuis un an, ça fait donc un an qu’on attend.

Alors, après ce second silence, j’ai sollicité les organes inférieurs à l’organisation de ce concours. Ils ont répondu, pas officiellement mais officieusement, ils ont répondu par téléphone. Ils ont reconnu les faits et ils se sont renvoyé la responsabilité l’un à l’autre, se cachant courageusement derrière le mammouth de l’administration. Comme si le simple fait d’agir au sein d’un groupe, aussi grand fusse-t-il, puisqu’on parle de l’administration, suffise à considérer tout le monde irresponsable de ces manquements individuels.

Je sens que vous êtes sensible à tout ce que je vous raconte, comme si vous l’aviez chacun individuellement vécu.

Alors, qu’est ce que je fais là ? Vous aurez le temps de répondre, madame le secrétaire d’État. La compassion à la famille, au féminisme, l’écriture inclusive. Je ne suis pas là pour ça.

Qu’est ce que je fais là alors ? En représentant en justice cet étudiant dys dans le cadre d’une action pénale pour discrimination, en essayant de comprendre grâce aux associations, comment de telles énormités avaient été possibles, j’ai conclu que le problème était bien plus large que celui du concours aux grandes écoles et ne pouvait donc pas se limiter à l’enceinte d’un débat judiciaire devant une juridiction. Le problème, c’est celui de l’application du droit des dys, en général mineurs, par tous les majeurs, à tous les niveaux de la société.

D’où l’importance de témoigner devant vous et de tenter de mobiliser. Ce que je veux dire aujourd’hui solennellement, c’est que la Journée Nationale des Dys, ce n’est pas une journée officielle obligeant la secrétaire d’Etat à se déplacer poliment en vue des prochaines échéances électorales. Mais c’est une journée où vous avez tous individuellement le pouvoir de changer les choses, changer les choses politiquement et juridiquement. Il ne faut pas hésiter à saisir systématiquement les juridictions pour faire appliquer ces aménagements.

Je dis bien que ces aménagements soient appliqués à 100%. On est dans un Etat de droit, il faut s’en servir.

Alors, je sais bien qu’une société qui est obligée de faire appel systématiquement à un juge pour faire valoir ses droits, c’est une société malade. Je sais bien qu’on ne peut pas compter sur pareille  judiciarisation long terme, mais à ce stade, la judiciarisation est le moyen le plus démocratique que je connaisse. Pour vous faire entendre des dirigeants politiques.

Sur ces dirigeants politiques, et j’en aurai terminé, toutes vos manifestations. depuis 15 ans, à l’occasion de cette journée nationale des dys ont permis de faire progresser à pas de géant et de faire connaître du grand public ce handicap qui n’en est pas un quand il est considéré, quand il est aménagé. Les dys, vous représentez, sept millions de personnes en France, cela représente 10% de la population française. Alors, vous n’avez peut être pas encore tous le droit de vote, mais vos parents l’ont, c’est donc colossal.

Vous avez donc politiquement enfants, mais surtout parents, la possibilité d’obtenir des engagements des candidats à ce sujet. Vos représentants associatifs, médicaux, syndicaux sont là aujourd’hui pour cette journée nationale. En cette période de campagne présidentielle, croyez moi qu’ils vous écoutent plus que jamais. C’est donc le moment ou jamais. Un dernier mot puisque cette journée est sous le haut patronage de Monsieur Emmanuel Macron, président de la République. Je l’interroge ainsi que son épouse engagée officiellement, je cite, « à l’inclusion des personnes en situation de handicap » sur ce qu’ils ont fait et sur ce qu’ils ont encore l’intention de faire.

Il en va plus que de leur image. Il en va de leur responsabilité, de notre responsabilité à tous. Merci. »

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

Légende de la photo à la Une : de gauche à droite, Concepción El Chami (Présidente de la Fédération Dyslexique de France), Pierre Farge, Nathalie GROH (Présidente de la Fédération Française des Dys), Rémi Munier (Jeune Dyslexique de France).

Garde à vue : locaux insalubres et abus

Garde à vue : locaux insalubres et abus

En écho au rapport public dénonçant la totale indignité des conditions de garde à vue, et des réponses du ministre de l’Intérieur, Pierre Farge, avocat pénaliste, témoigne d’une réalité encore pire des commissariats parisiens.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints 

Dans un rapport publié le 21 septembre 2021 au Journal officiel, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté réclame la mise en place d’une politique gouvernementale pour améliorer les conditions d’accueil des gardes à vue en France.

Elle dénonce notamment « la totale indignité des conditions d’accueil dans les locaux de garde à vue », et accuse le ministère de l’Intérieur d’une « absence manifeste de volonté d’évolution », ne pouvant s’expliquer uniquement par les économies et les limites budgétaires.

En réponse, Gérald Darmanin rappelle courageusement que des travaux ont été réalisés et sont prévus entre 2019 et 2024 dans les locaux de garde à vue. Il conteste la véracité du rapport en soulignant qu’il se fonderait sur la visite d’un nombre limité de locaux.

Selon lui, « l’obligation de traiter avec dignité les personnes gardées à vue est rigoureusement respectée », notamment par un nettoyage renforcé des geôles et par la mise à disposition de kits d’hygiène (sic). Mieux, la saleté persistante des locaux serait imputable au comportement des « délinquants » (drôle de terminologie au regard de la présomption d’innocence), c’est-à-dire des gardés à vue.

Pour tenter de dépasser la polémique, et peut-être élever le débat, un témoignage de terrain me parait plus utile.

Pour avoir effectué quelques visites auprès de centaines de gardés à vue dans le cadre de mes fonctions d’avocat, parmi lesquelles un grand nombre alors que j’étais très jeune dans le cadre de commissions d’office, puis de façon continue dans des affaires plus complexes, je peux confirmer que ce rapport est encore en dessous de la réalité.

Ce rapport est encore en dessous de la réalité

Pour avoir donc écumé des dizaines de commissariats parisiens, et de nombreuses fois pour certains, je peux confirmer :

  • Le partage d’une cellule, parfois durant toute une nuit, pour une dizaine d’individus, soit une personne par mètre carré environ, dans un espace grand comme une chambre de service.

Une personne instable et donc potentiellement dangereuse n’est pas systématiquement isolée, si bien que la peur qu’elle génère et la distance qu’elle suppose, obligent les autres occupants à se serrer un peu plus !

  • Les odeurs pestilentielles, l’accumulation de crasse et le nettoyage impossible des cellules, découragent quiconque compte tenu de leur état plus que dégradé

Dans certains commissariats où l’on ne peut plus entasser personne en cellule les gardés à vue sont carrément laissés à l’avant-poste, c’est-à-dire que faute de pouvoir être enfermés avec les autres, ils doivent rester menottés à un banc toute la durée de leur garde à vue ; l’état des cellules est parfois tel que pour certains c’est même une chance.

  • Certains sont contraints de se coucher à même le sol, au mieux en se partageant un matelas ou une couverture tout aussi crasseux, quand il y en a.

Il n’est pas rare d’attraper ainsi la gale ; un client me l’a même transmise une fois, selon toute probabilité.

Les conditions de travail également dégradées pour les avocats

Cela permet d’en venir aux conditions de travail des avocats eux-mêmes dans des espaces pareils, puisque le local censé permettre un entretien confidentiel avec leur client, à raison de trente minutes maximum par 24 heures, est souvent à peine plus propre.

Normalement d’une superficie d’au moins 5 m2 il doit disposer d’une table et de deux chaises.

En réalité, il est parfois de la dimension d’un placard à balais, ou bien il est utilisé par le médecin chargé de vérifier la compatibilité de la garde à vue avec l’état de santé de la personne concernée ; l’avocat doit alors s’entretenir à côté d’un lit médical d’appoint souvent souillé.

Faute de fenêtre la plupart du temps, cette pièce n’est surtout jamais aérée.

Cet état de fait est d’autant plus préoccupant en pleine crise sanitaire où la distanciation sociale est la règle, sachant que les gardés à vue ne peuvent respecter aucun des gestes barrières, ni se laver les mains, les désinfecter, ou veiller à la distanciation physique.

Un peu de discernement aurait été le bienvenu en offrant par exemple un local voisin vide car en traversant les couloirs, on voit qu’il y a la plupart du temps une pièce totalement disponible.

En vain : pour m’être insurgé une fois, il m’a été répondu que je pouvais tout à fait refuser de m’entretenir avec mon client si je n’acceptais pas le local puant.

Le plus désolant de ce qui précède est sans doute la conclusion de ce rapport, puisqu’il recommande naïvement de pallier tous les manques.

Dans un monde parfait il faudrait :

  • limiter le nombre de personnes dans les locaux de garde à vue en fonction de la superficie de ces locaux,
  • veiller à leur entretien afin d’y maintenir de bonnes conditions d’hygiène,
  • fournir une banquette ou un matelas par personne,
  • informer les gardés à vue de la possibilité de recevoir un kit d’hygiène et se laver,
  • faire respecter les mesures sanitaires,
  • ne pas placer d’individus en garde à vue dans des locaux non conformes à ces recommandations (sic).

Au bout du compte, l’inaction est exactement la même.

La solution vient donc de plus haut, face à une chaîne pénale complètement saturée.

Des gardes à vue abusives

La France est le seul pays d’Europe où l’on peut être placé si facilement, et donc abusivement, en garde à vue, ce qui explique donc logiquement cette explosion des capacités d’accueil « pour les nécessités de l’enquête » sans aucun seuil de peine, alors qu’en Espagne ou en Allemagne la garde à vue ne peut se faire que si la peine encourue dépasse un certain quantum.

La France est le seul pays d’Europe où il est si difficile et réellement utile d’exercer un recours en responsabilité de l’État pour obtenir réparation du préjudice occasionné par ces conditions indignes.

La France est surtout le seul pays d’Europe où le régime de la garde à vue a été autant de fois mis en cause et souvent condamné de façon historique par la CEDH en 2010, 2019, ou encore 2020 qui énonce que « l’État avait commis une faute lourde à raison du défaut de soins durant la garde à vue dont le requérant avait fait l’objet » ; quand ce n’est pas le Conseil constitutionnel lui-même, comme lorsqu’il avait censuré le régime français de garde à vue au regard des droits et libertés garantis au citoyen il y a une décennie par exemple.

La France est enfin un des rares pays d’Europe où le rôle de l’avocat est aussi restreint : nous avons certes la possibilité de nous entretenir avec notre client un maximum de trente minutes par 24 heures, mais sans avoir accès au dossier dans le respect du contradictoire. Ce qui limite pour le moins une connaissance exacte des faits reprochés et donc un exercice utile des droits de la défense.

Maître Pierre Farge, avocat en droit pénal.

 

Crédit image de couverture : Grant Durr sur Unsplash

Darmanin contre Pulvar : halte à l’instrumentalisation de la justice !

Darmanin contre Pulvar : halte à l’instrumentalisation de la justice !

La justice s’invite dans le débat politique sous son jour le moins glorieux : deux personnalités politiques menacent de la saisir pour se condamner l’une l’autre. À la plainte de Gérald Darmanin pour « diffamation » et « appel à la haine de la police » », Audrey Pulvar répondrait pour « dénonciation calomnieuse ». Difficile de ne pas relever une instrumentalisation politique de la justice, ici pour limiter la liberté d’expression, là pour se défendre.

Témoignage de Pierre Farge, avocat, déplorant l’engorgement de la justice par ce genre de pratiques inconsidérées. 

Si nos dirigeants politiques réduisent la justice à un instrument de communication, ou à un moyen pratique de décrédibiliser son opposant, quelle confiance en l’institution reste-t-il aux justiciables ?

Pour répondre, et donc tenter de comprendre, rappelons d’abord ce que constituent les délits de diffamation et de calomnie.

Diffamation vs calomnie

Qu’est-ce que la diffamation ?

La diffamation est constituée par toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.

La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification est rendue possible par les termes d’un discours, d’une menace, d’un écrit ou d’un imprimés quelconque ;

Sauf à apporter la preuve de la véracité du propos. C’est ce que l’on appelle l’exception de vérité (article 29 de la loi du 29 juillet 1881).

Qu’est-ce que la calomnie ?

La calomnie, quant à elle, consiste à dénoncer un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires en sachant les allégations inexactes.

C’est imputer à une personne d’avoir commis un fait qui n’a pas été commis ou qui n’existe pas. C’est encore une atteinte à l’honneur qui prend la forme particulière d’une dénonciation et d’un mensonge (article 226-10 du Code pénal).

Stratégies judiciaires

Classique donc de la stratégie judiciaire de poursuivre en dénonciation calomnieuse lorsqu’on est soi-même poursuivi en diffamation. Tellement classique que cette stratégie explique en partie l’engorgement judiciaire de la 17ème chambre du tribunal correctionnel, spécialisée dans ce type de contentieux à Paris.

Comptez en effet au moins 18 mois entre la délivrance de la citation directe et l’audience de plaidoirie, sans préjudice du jugement qui peut mettre encore quelques mois avant d’intervenir. Jugement qui peut tout à fait donner lieu à une relaxe, voire, entretemps, à une transaction entre les parties se traduisant automatiquement par un désistement d’instance.

C’est-à-dire que les parties, considérant qu’elles n’ont plus ni l’une ni l’autre intérêt à demander à un juge de trancher leur litige, ou à prendre le risque d’un aléa judiciaire, se mettent d’accord pour renoncer à l’action en cours. Autrement dit, après avoir mobilisé un tribunal, qui a nécessairement dû se saisir, et avant que n’intervienne l’audience de jugement, les parties renoncent à leur action.

Dans l’exemple qui nous concerne, ce seraient donc deux tribunaux saisis inutilement de chaque action ; sachant que le second fera obligatoirement l’objet d’un sursis à statuer tant que le premier n’a pas jugé, repoussant donc d’autant le délibéré à intervenir, et donc des années avant que ne soient tranchées les allégations respectives.

Des actions d’autant plus vaines qu’il semblerait en l’occurrence que les propos reprochés à Audrey Pulvar soient prescrits : ils dateraient d’il y a un an, alors que la diffamation se prescrit par 3 mois.

Usages médiatiques de la justice

Que cherchent donc Gérald Darmanin et Audrey Pulvar dans ces menaces stériles  d’actions judiciaires ?

Que justice soit vraiment rendue à la police, et à l’image de la journaliste récemment lancée en politique ; ou établir un rapport de force médiatique en vue des échéances électorales qui s’annoncent, avec l’argument rituel de la sécurité ?

Certains verrons une regrettable instrumentalisation de la justice à des fins de politique politicienne alors que la gravité des problèmes que nous traversons sont autres ; d’autres l’indécence de responsables politiques usant des voies légales pour faire passer un message de campagne.

Un état de fait symptomatique de l’engorgement des tribunaux que ces mêmes politiques devraient plutôt s’attacher à réduire, dans le respect de l’État de droit, de procès équitable, de délai raisonnable d’accès à la justice et finalement des principes de la République.

Pierre Farge est l’auteur de Le lanceur d’alerte n’est pas un délateurLattès, mars 2021.

Féminicide à Mérignac – Pierre Farge à BFM TV

Féminicide à Mérignac – Pierre Farge à BFM TV

Pierre Farge était l’invité d’Olivier Truchot dans l’émission BFM Story le 5 mai à 18h40.

Dans cet extrait, Maître Farge s’exprime sur l’affaire du 39e féminicide en 2021 qui s’est déroulé à Mérignac, où Chahinez D., 31 ans et mère de 3 enfants, a été brûlée vive devant chez elle par son ex-mari Mounir B, déjà condamné pour violences conjugales en 2015 et 2020.

Il y présente notamment le collectif Avocat Stop Féminicide, qu’il a lancé en septembre 2019, pour conseiller, orienter et représenter les femmes victimes de violences, devant les juridictions civiles ou pénales.

Les mesures de protection pour femmes victimes de violences :

Contacts utiles

  • Le 3919 « Violences femmes info » est un numéro national gratuit d’écoute anonyme. Il est accessible de 9h à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h le samedi et le dimanche. Attention le 3919 n’est pas un numéro d’appel d’urgence.
  • En situation d’urgence, appelez la Police ou la Gendarmerie (au 17 ou au 112). Le 112 est le numéro d’urgence valable dans toute l’Union européenne. Les appels sont gratuits dans les deux cas.
  • SOS Viols : 0 800 05 95 95. Numéro gratuit et anonyme, disponible du lundi au vendredi de 10h à 19h.
  • Le 116 006 : disponible 7j/7 de 9h à 19h, tous les jours de l’année.. Il s’adresse à toutes les victimes, dont les victimes d’agression sexuelle.
  • Signalement possible sur la plateforme gouvernementale arretonslesviolences.gouv.fr

Transcript de la vidéo

[00:00:03.420] – Olivier Truchot

On va revenir sur cette horreur en Gironde. Une femme brûlée vive en pleine rue par son ex compagnon, une mère de famille de trois enfants. Les faits se sont déroulés hier soir à Mérignac. Les chiffres maintenant avec Magali. Est-ce que ces chiffres sont en baisse ?

[00:00:19.080] – Magali (BFM)

Eh bien, vous allez voir en 2019. 146 féminicides ont été officiellement recensés en France. Vous voyez ci contre 90 en 2020 et 39 depuis le début de l’année 2021. Mais attention à ces chiffres parce que, selon toutes les études, c’est lors de la phase de séparation qu’il y a le plus de passages à l’acte. Or, avec la crise sanitaire, les femmes qui ont été victimes de violences ont été contraintes souvent de rester avec leur compagnon et ne sont donc pas encore parties.

[00:00:47.490] – Olivier Truchot

Merci Magali. Nous sommes également avec Maître Pierre Farge, président de Avocat Stop Féminicide. Bonsoir maître. Quelles sont les leçons à tirer, si l’on peut déjà en tirer, de ce drame horrible qui s’est produit en Gironde?

[00:01:01.560] – Pierre Farge

Bonsoir. Merci de l’avoir rappelé, Avocat Stop féminicide, c’est un collectif d’avocats, le premier en France, qui a 3 objectifs. Le premier, c’est de conseiller et d’orienter les femmes victimes de violences conjugales pour constituer leur dossier devant une juridiction civile au pénal, puis ensuite de les accompagner éventuellement devant les juridictions civiles au pénal. Enfin, troisième objectif, accessoirement, c’est de faire du lobbying auprès des pouvoirs publics, forts de notre expérience de terrain, pour témoigner de tout ce qui ne fonctionne pas. Notamment les délais de traitement des affaires, comme le manque de formation du personnel policier, voilà ce que représente Avocat Stop Féminicide, qui a déjà accompagné quelques dizaines de femmes victimes de violences conjugales jusqu’à aujourd’hui, et je veux le croire, sauvé quelques unes d’entre elles.

[00:01:57.150] – Olivier Truchot

Et sur ce qui s’est passé, ce qui frappe, c’est la détermination de cet homme qui poursuit sa femme dans la rue, lui tire dessus. Elle est blessée à la cuisse. Elle tombe et à ce moment là, il va l’asperger de ce liquide inflammable et mettre le feu au corps de sa propre femme, son ex-femme étant en instance de divorce et la mère de 3 de ses enfants. Face à une telle détermination, il s’est d’ailleurs laissé ensuite prendre par les forces de l’ordre, qu’est ce qu’on peut faire de plus ?

[00:02:27.420] – Pierre Farge

Dans la violence des faits, il n’y avait rien à faire. En revanche, ce qu’on aurait pu faire, c’était l’anticiper. Vous avez parlé tout à l’heure des bracelets anti-rapprochement. C’est insensé que, pour des raisons techniques, ce genre d’individu n’en ait pas été doté plus tôt. On voit que le bracelet électronique, de façon générale, fonctionne depuis plus d’une dizaine d’années. Pourquoi le bracelet anti-rapprochement, dans ce cas, n’a pas fonctionné ? Pourquoi le magistrat n’a pas ordonné un bracelet anti-rapprochement ? C’est la question que je me pose.
Donc on a des outils, mais maintenant, il faut les utiliser, il faut les généraliser. Et on peut également aussi informer les juridictions spécialisées, les magistrats, de l’existence de ces bracelets anti- rapprochement.  Peut être que, tout simplement, le magistrat qui a ordonné cette interdiction d’entrer en contact n’avait pas connaissance de ce bracelet anti-rapprochement? Ou alors que ça ne fonctionnait pas. Et dans ce cas là, il faut faire en sorte qu’il fonctionne, qu’il soit utile.

[00:03:27.180] – Olivier Truchot

Bien entendu.  On va retourner à Mérignac, où un hommage est rendu à la victime…

Sur le même thème, voir tous les articles de Maitre Pierre Farge sur le féminicide et les violences conjugales, et notamment :

Le droit pénal doit définir clairement le féminicide

Violences conjugales : « Lever le secret médical permettra de sauver des vies » – BFM TV

La levée partielle du secret médical en cas de violences conjugales | Pierre Farge à CNEWS

Pourquoi on dit Féminicide ? – TV Al Jazeera

 

Affaire Vaquier : Pierre Farge invité par Morandini sur NRJ12

Affaire Vaquier : Pierre Farge invité par Morandini sur NRJ12

Le 8 avril à 12h30, Maître Pierre Farge, président de l’association Avocat Stop Féminicide, était l’invité de Jean-Marc Morandini dans son émission La Quotidienne n°537 de Crimes et Faits Divers sur NRJ 12.

Il intervient sur le plateau concernant l’affaire Aurélie Vaquier, mystérieusement disparue le 28 janvier 2021. Dans ces affaires, il rappelle que le conjoint fait souvent partie des premiers suspects.

La gendarmerie ayant découvert le 7 avril un cadavre (celui d’Aurélie ?) coulé dans une dalle de béton au domicile où vivait le couple, le compagnon d’Aurélie Vaquier, Samire L est en garde à vue et une autopsie est en cours ce jeudi 8 avril. Pierre Farge explique la procédure judiciaire et la garde à vue.

Revoir l’émission sur le site de NRJ12 : https://www.nrj-play.fr/nrj12/crimes-et-faits-divers : 

 

Condamnation Sarkozy : Pierre Farge sur le plateau de TPMP C8

Condamnation Sarkozy : Pierre Farge sur le plateau de TPMP C8

Lundi 1er mars, Nicolas Sarkozy a été condamné à trois ans de prison dont un an ferme pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire des écoutes.

Pierre Farge était invité sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste, l’émission de Cyril Hanouna sur la chaîne C8, pour donner son avis d’avocat pénaliste sur la question : « La condamnation de Nicolas Sarkozy est-elle trop sévère ? »

 

Voir la rediffusion sur le site de Canal Plus : (démarre à 29’06 et finit à 50’24) : https://www.canalplus.com/divertissement/tpmp-partie-1/h/8946028_50013

 

Motifs impérieux pour voyager : l’exécutif nous noie toujours dans le flou

Motifs impérieux pour voyager : l’exécutif nous noie toujours dans le flou

D’un point de vue juridique, la notion de motif impérieux n’a fait l’objet d’aucune définition claire. C’est donc à la discrétion du fonctionnaire qu’on juge de nos voyages aujourd’hui.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints.

Pour tenter d’enrayer la progression du covid-19 en France, le 31 janvier 2021 la France a fermé ses frontières avec les pays extérieurs à l’espace européen. Toute entrée ou sortie du territoire national est ainsi désormais interdite sauf « motifs impérieux« . Mais qu’est-ce donc qu’un motif impérieux valable et qui pour en juger ?

Déjà en mai dernier, je déplorais le manque de précision de la notion de « motifs impérieux » pour justifier d’un déplacement dans le cadre du confinement.

Motif impérieux : le nouveau fourre-tout du ministère de l’Intérieur

Sans avoir été précisée, cette notion revient aujourd’hui avec la fermeture de nos frontières. Mais toujours aussi floue et difficile d’interprétation, elle traduit finalement un nouvel impair de l’exécutif.

La définition posée par le Larousse considère impérieux « ce qui s’impose avec le caractère d’une obligation, qu’il faut absolument satisfaire ».  Le motif impérieux renvoie donc à une obligation qui contraint une personne de manière impérative et qui l’amène à contrevenir à un principe applicable.

D’un point de vue juridique, la notion de motif impérieux n’a fait l’objet d’aucune définition claire. À défaut, cette notion est à la discrétion du fonctionnaire de police ou de gendarmerie, c’est-à-dire avec plus ou moins de discernement, au cas par cas, et donc à la tête du justiciable.

Motifs impérieux : ce qu’en dit le Conseil d’Etat

À la faveur du premier confinement, le Conseil d’État s’est néanmoins prononcé très ponctuellement sur un certain nombre de cas. Citons quelques exemples ainsi « tranchés » par le Conseil d’Etat :

Attentatoire à nos libertés, la notion de motif impérieux autorise ainsi à être verbalisé au prétexte que le motif que l’on considère « impérieux » ne soit pas le même que celui qui nous contrôle.

Reprenons.
Aujourd’hui avec l’interdiction de sortie du territoire, le sujet est un peu différent : l’attestation de déplacement dérogatoire est assortie d’une liste de trois catégories de « motifs impérieux ». Cette liste « indicative » – donc non limitative – se divise en motifs d’ordre personnel ou familial, de santé, et professionnel.

Des exemples sont donnés, comme le décès d’un membre de la famille, une convocation judiciaire, une urgence médicale vitale ou encore des missions indispensables à la poursuite d’une activité économique.

Bien qu’il s’agisse toujours d’une attestation sur l’honneur, des pièces justificatives sont désormais exigibles. Allez comprendre le paradoxe d’attester sur l’honneur, mais en même temps d’avoir à en produire la preuve – la confiance n’exclut jamais le contrôle.

Dans un souci de pédagogie, des exemples sont encore donnés : un acte ou certificat de décès, une convocation par une autorité judiciaire ou administrative, un certificat médical, une attestation de l’employeur ou une carte professionnelle.

Pour celui qui n’entre pas exactement dans cette liste « indicative », se pose donc toujours la question de la personne qui sera amenée à apprécier si son motif est impérieux ou non, c’est-à-dire pour un agent administratif, un officier de police, ou un inspecteur des douanes… apprécier une urgence médicale ou une mission indispensable à la poursuite d’une activité économique, par exemple.

Pierre Farge Avocat au Barreau de Paris

Verdict Daval : Pierre Farge invité par Morandini sur NRJ12

Verdict Daval : Pierre Farge invité par Morandini sur NRJ12

Maître Pierre Farge était invité par Jean-Marc Morandini sur le plateau de NRJ12 dans son émission Crimes et Faits Divers : Le prime du 23 novembre « Spéciale Jonathan Daval : les révélations d’un procès hors norme« , mêlant reportages et débats sur l’affaire Jonathann Daval, condamné à 25 ans de réclusion criminelle le 21 novembre à Vesoul.

Jean-Marc Morandini était entouré pendant 2 heures, d’experts et d’invités pour revenir sur cinq jours hors normes qui ont passionné les Français. La rediffusion de l’émission complète est disponible sur le site de NRJ 12 durant 7 jours.

Extrait vidéo  (du début à 0h43′) du débat sur le plateau, animé par Jean-Marc Morandini avec 4 invités :

  • Jean Doridot, psychologue
  • Aude Bariety, journaliste (Figaro)
  • Maître Florence Raoul, avocate
  • Maître Pierre Farge, avocat pénaliste

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Affaire Daval : Pierre Farge invité à Touche Pas à Mon poste sur C8

Affaire Daval : Pierre Farge invité à Touche Pas à Mon poste sur C8

Maître Pierre Farge était invité par Cyril Hanouna sur le plateau de C8 dans son émission en prime time « Touche Pas à Mon poste » #TPMP du 23 novembre pour s’exprimer sur le thème : « Comprenez-vous que l’on puisse prendre la défense de Jonathann Daval ? », débat faisant suite à la condamnation de Jonathann Daval à 25 ans de réclusion criminelle le 21 novembre à Vesoul.

Voici l’extrait avec son intervention sur le plateau :

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La vidéo intégrale de l’émission TPMP du 23 novembre est disponible en replay sur DailyMotion.

Verdict Daval : Pierre Farge sur le plateau de Soir Infos sur CNEWS

Verdict Daval : Pierre Farge sur le plateau de Soir Infos sur CNEWS

Maître Pierre Farge était invité sur le plateau de CNews dans « l’émission Soir Infos Week-end »  du 21 novembre suite au verdict prononcé dans le Procès Daval à Vesoul, par lequel Jonathann Daval a été condamné à 25 ans de prison.

La vidéo intégrale des 2h d’émission est disponible en replay sur le site de l’émission.

Extrait (49’55 à 1h10’) – Débat animé par la journaliste Barbara Klein avec les 4 invités sur le plateau :

  • Maitre Basile Adler, ancien vice bâtonnier du Barreau de Paris, spécialiste du droit de la presse
  • Maître Pierre Farge, avocat pénaliste
  • Nicolas Bonnet-Oulaldj président du groupe des élus PCF au Conseil de Paris
  • Philippe Steens, Chef de service de police municipale dans l’Essonne.

 

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Invité à commenter le verdict rendu, Maître Pierre Farge s’est exprimé en tant qu’avocat mais également en tant que simple citoyen dans cette affaire qui a passionné l’opinion publique pendant 3 ans, le meurtre ayant eu lieu le 17 octobre 2017.

S’il a l’habitude de dire à certains clients, déçus ou choqués par certains verdicts, que « la justice rend toujours un jugement et pas forcément la justice« , a contrario, dans le verdict Daval, le jugement semble exemplaire : la défense comme les parties civiles sont d’accord et ont indiqué qu’ils ne feraient pas appel.

Pierre Farge estime heureux que les jurés n’aient ainsi pas suivi les réquisitions de l’avocat général qui réclamait la réclusion criminelle à perpétuité, une peine très rare, jamais attribuée pour un meurtre sur conjoint.

Il relève également que ses 25 ans de réclusion criminelle devrait lui permettre de sortir de prison au bout de 15 ans, après les remises de peine classiques pour bonne conduite prévues par le code pénal. Selon lui, cela ne doit pas inquiéter dans la mesure où Jonathann Daval ne présente pas aucune caractéristique du récidiviste.

Procès Daval : pour Pierre Farge, Jonathann Daval serait un homosexuel refoulé

Procès Daval : pour Pierre Farge, Jonathann Daval serait un homosexuel refoulé

Maître Pierre Farge était invité sur le plateau de CNews dans l’émission « 60 Minutes L’info » de Nelly Daynac du 18 novembre concernant le Procès Daval se tenant à Vesoul.

Interrogé sur la passion du grand public pour cette affaire criminelle, Pierre Farge évoque ce fait divers hors du commun, dans lequel l’opinion cherche en vain le mobile de cet assassinat au sein d’une famille française « bien sous tous rapports ».

Pour expliquer la mésentente conjugale et notamment les difficultés sexuelles du couple, l’hypothèse personnelle de Pierre Farge est qu’en réalité ce couple présenté comme « idéal » reposait sur un mensonge et que Jonathann Daval serait en fait un homosexuel refoulé.

Sur le plateau de CNews, il explique le faisceau d’indices et les raisons qui le portent à croire en ce mobile expliquant la haine au sein de leur couple :

Si la vidéo ne s’affiche pas sur cette page, vous pouvez la visionner sur YouTube.

 

Noémie Schulz, correspondante justice en dupleix à Vesoul, a semblé sceptique et commenté le fait que rien dans les pièces du dossier ni dans les témoignages ne permettait de valider ou infirmer pareille hypothèse.

Pour Pierre Farge, ce qui est étonnant c’est que, parmi les commentateurs de justice et dans la presse, personne n’en parle. Ce serait pourtant un mobile puissant pour expliquer à la fois le passage à l’acte et les voltes faxe dans les dépositions de l’accusé, l’homosexualité étant sans doute difficile à assumer en province il y a 12 ans.

Cette hypothèse est cohérente également avec la déposition que fera Jonathann Daval à l’audience le 18 novembre à Vesoul, juste avant de faire un malaise :

« Ce soir-là, on est rentré à la maison. Je me suis mis dans le canapé, Alexia est partie se changer et mettre un ovule gynécologique. Il y a eu des réflexions de sa part, elle m’a reproché d’être distant et de vouloir fuir. Elle me demande d’avoir un rapport et moi je refuse. (…) Elle me faisait souvent des reproches, en particulier à propos des rapports sexuels qui n’étaient pas assez fréquents pour elle et avec mes problèmes d’érection. Elle me disait que je n’étais pas un homme. Je m’étais éloigné et je la fuyais » »

L’avocat de Jonathann Daval pourrait adopter cette ligne de défense pour motiver les revirements inexpliqués de son client et clarifier le contexte du drame.

Pierre Farge, avocat en droit pénal au barreau de Paris.

 

Cette émission a été reprise et commentée le 22 novembre par le magazine GALA : VIDÉO – Jonathann Daval : « une homosexualité refoulée », selon l’avocat Pierre Farge 

 

Limiter la diffusion d’images des forces de l’ordre : une idée liberticide

Limiter la diffusion d’images des forces de l’ordre : une idée liberticide

Le dernier projet de loi de « sécurité globale » en discussion au Parlement prévoit un article 24 interdisant la captation d’images sur le terrain lors des opérations de maintien de l’ordre. Pierre Farge, avocat, nous explique pourquoi cette idée est liberticide.

Si la proposition de loi est adoptée, le fait « de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police » sera puni d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende.

Dans le contexte de restrictions des libertés lié à la crise sanitaire, cet amendement n’est-il pas préoccupant ?

Est-il prévu de mettre un couvercle définitif sur les violences policières ?

Nos libertés civiles sont-elles en danger ?

Une loi ne doit jamais être votée pour obéir à l’urgence de l’actualité.

Encore moins suivre une tendance générale comme en témoigne ces jours-ci l’intitulé lui-même de cette proposition de loi de « sécurité globale ».

Ces mots à la mode placés en titre d’un texte de loi sont en effet à l’image de l’amendement l’amendement sénatorial déposé en décembre 2019 qui prévoyant rien de moins que la modification d’une loi existant depuis près d’un siècle et demi, à savoir la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

À l’occasion des mouvements sociaux actuels et de l’engagement des forces de l’ordre pour tenter de préserver l’ordre public, certaines d’entre elles ont été filmées durant leur mission avant d’être menacées jusqu’à leur domicile.

Et pour cause. Les menaces envers les forces de l’ordre suite à la diffusion d’images sur les réseaux sociaux les rendent facilement identifiables, et les transforment, elles et leur famille, en cibles potentielles générant une inquiétude légitime.

Cela dit, pour répondre à cet état de fait, l’interdiction de prendre toute photo ou vidéo n’est pas la solution.

5 Risques et dérives de ce projet de loi

1. Un risque assumé par les forces de l’ordre

Tout d’abord, rappelons que rejoindre les forces de l’ordre requiert un engagement hors du commun, un serment, et un goût du risque obligeant d’accepter une certaine menace, qu’on le veuille ou non, autorisant à ce titre le port d’une arme pour se défendre. Il y a donc dès le départ un risque assumé, et un pouvoir exceptionnel pour y faire éventuellement face.

2. Une entrave à la liberté d’informer

L’amendement est ensuite critiquable en tant qu’entrave à la liberté d’informer, qui n’est pas le privilège des journalistes, mais de chacun ; ainsi un moyen légal d’empêcher la captation d’images de violences policières revient à limiter ce droit à l’information, voire les sources mêmes de nos journalistes.

Dans ce sens, la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’est dit « particulièrement préoccupée » par cette disposition qui ne doit pas « entraver ni la liberté de la presse, ni le droit à l’information ». Et de rappeler que « l’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique » (source : communiqué de presse du 5 nov 2020 « Proposition de loi « Sécurité globale » : l’alerte de la Défenseure des droits« ).

3. Une incohérence avec la généralisation de la vidéosurveillance…

Il est aussi complètement paradoxal d’équiper nos villes de millions de caméras, « pour notre sécurité », et de refuser l’utilisation de celles de nos téléphones, encore plus proches des faits.

 4. … et des caméras embarquées à bord des véhicules

Il est encore plus paradoxal de généraliser l’usage de la dashcam : cette caméra embarquée dans les voitures se généralise de plus en plus en France, et est devenue la norme dans certains pays asiatiques.

Elle peut réduire le montant de votre assurance dès lors qu’elle permet de trancher la responsabilité dans le cadre d’un accident de la route.
Peut-on imaginer que cette vidéo soit inexploitable en justice au prétexte que les services de police sur les lieux de l’accident seraient identifiables ?

5. Un risque accru d’arbitraire

Quel contre-pouvoir reste-t-il face au monopole de la violence légitime théorisé par Max Weber : les policiers étant assermentés, leur verbalisation fait foi, notamment face au Code de la route prévoyant qu’un agent verbalisateur puisse relever le numéro d’immatriculation d’un véhicule dont le conducteur a commis une infraction et dresser un procès-verbal, sans procéder à une interpellation ?

Face aux prérogatives dont disposent les forces de l’ordre et qui constituent donc un risque d’arbitraire, il semble légitime qu’elles ne puissent pas s’opposer à l’enregistrement de leur image permettant au citoyen de prouver sa bonne foi.

Une alternative est possible : la cagoule anti-feu

Si les services de police ne souhaitent pas être reconnus, rien n’interdit qu’ils utilisent une cagoule anti-feu. Depuis 2016, à la suite de jets de cocktail Molotov à Viry-Châtillon, les forces de l’ordre disposent en effet de cagoules utilisées en général contre les gaz lacrymogènes lors des manifestations.

Pour d’autres raisons, tenant notamment à la sensibilité de sa mission antiterroriste ou de contre-espionnage, le GIGN, pourtant objet de la protection des forces spéciales en matière de diffusion d’image conformément à l’arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l’anonymat, procède déjà à l’usage de la cagoule.

Un texte à contresens de l’histoire

Ce projet de loi va donc aux antipodes de l’engagement même des forces de l’ordre.

Il s’inscrit exactement à l’inverse du sens de l’Histoire, et notamment de la digitalisation inéluctable de nos vies.

Il se révèle même dangereux pour les libertés publiques et il est liberticide comparé au monopole de violence légitime dont dispose déjà l’État, que ce soit face aux risques d’abus policiers lors de manifestations, ou d’arbitraire pour faire appliquer le Code de la route.

Il est donc tout simplement absurde.

Dans ces conditions, les parlementaires à l’origine de cette initiative dangereuse feraient mieux de veiller à ce que la justice :

  • applique la circonstance aggravante déjà prévue pour les violences commises sur une personne dépositaire de l’autorité publique,
  • raccourcisse les délais d’audiencement des forces de l’ordre qui sont victimes,
  • et revoie leur barème d’indemnisation, à ce jour complètement décorrélé de la réalité du préjudice.

En tout état de cause, prétexter ainsi la sécurité illusoire des forces de l’ordre pour éloigner les preneurs d’images et sacrifier la liberté d’information au prétexte de la sécurité des forces de l’ordre, rappelle ce mot de Benjamin Franklin :

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité n’est digne ni de l’un ni de l’autre, et finit par perdre les deux. »

Pierre Farge, Avocat en droit pénal au Barreau de Paris.