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OPINION : si la protection des lanceurs d’alerte ne cesse de croître aux États-Unis, la France doit encore l’améliorer.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints 

Les lanceurs d’alerte pris de plus en plus au sérieux aux Etats-Unis

Le rôle des lanceurs d’alerte est pris de plus en plus au sérieux outre-Atlantique. La Securities and Exchanges Commission (SEC) – l’équivalent de notre Autorité des Marchés Financiers (AMF) – les protégeait déjà financièrement de façon bien plus importante et transparente qu’en France.

La SEC assure ainsi une indemnisation à la hauteur du potentiel de recouvrement qu’elle permet puisque depuis septembre 2020 ce sont près de 500 millions de dollars qui leur ont été versés.

Un tel soutien a même conduit, en octobre dernier, au versement record de 52 millions de dollars à l’un d’eux. Mais la récente déclaration de son président, Gary Gensler, de l’intérêt qu’ils représentent pour la justice américaine traduit une volonté d’améliorer encore le dispositif dans les prochains mois.

Il serait ainsi question de prévoir une prise en charge financière complète par un seul et unique organe, tant pour les alertes financières que pour celles analogues, et ce, alors même qu’elles donneraient lieu à d’autres rétributions parallèles d’autres organismes.

En l’état du droit américain, lorsqu’un whistleblower dénonce une infraction qui ne relève pas entièrement de la délinquance financière, les possibilités pour la SEC d’accorder une récompense sont restreintes, alors même que les informations se sont révélées utiles.

La SEC compte également davantage aiguiller le lanceur d’alerte vers les solutions qui lui seraient les plus profitables, tout en déplafonnant les potentielles indemnisations auxquelles il aurait droit.

Lanceurs d’alerte : qui n’avance pas… recule

À la grande différence des États-Unis, en France, la prise en charge financière n’est toujours pas garantie.

Son attribution est conditionnée, puis plafonnée à un million d’euros, et ne promet pas d’évoluer dans la transposition de la directive qui doit intervenir avant mi-décembre 2021.

En l’état, cet impératif promet simplement de s’en tenir aux standards minimum européens, sans jamais donner droit à une contrepartie financière.

Comme l’assurent les États-Unis, c’est pourtant ce dont les lanceurs d’alerte ont le plus besoin pour protéger leur action, encourager leur initiative, compenser la perte de revenus à laquelle il font le plus souvent face, assumer les frais judiciaires des procédures qu’il sont souvent obligés de mener, ou de s’en défendre ; et surtout pour apporter une indemnisation considérant la prise de risque et les montants recouvrés par l’État dans l’intérêt général.

Car protéger les lanceurs d’alerte, c’est indirectement ce qui permet le recouvrement de fonds publics sans précédent.

Et ce sont ces mêmes fonds éludés que l’on peut espérer réinvestir, au hasard, dans la santé, la recherche, les énergies non carbonées, ou pour réduire les inégalités. Soit autant de sujets brûlants d’actualité en vue de la prochaine élection présidentielle, qui devraient donc intéresser les candidats pour agir très vite.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris,
Auteur du livre Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur paru aux éditions J.C.Lattès

Crédit image d’illustration : Gary Gensler by Third Way Think Tank (creative commons CC BY-NC-ND 2.0)

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