+33 1 45 24 54 73 contact@pierrefarge.com

Note d’actualité Avril 2023

La protection des lanceurs d’alerte avance lentement mais sûrement. Fort de l’engagement du cabinet Farge Associés dans la défense des lanceurs d’alerte, voici ce qu’il ressort de récentes jurisprudences.

Depuis l’achèvement de la transposition de la directive du 23 octobre 2019 sur les lanceurs d’alerte, la loi Waserman, entrée en vigueur le 1er septembre 2022, et son décret d’application du 3 octobre 2022 ont apporté quelques précisions sur les procédures de recueil de signalements interne (avec la création d’un « canal de réception de signalement » permettant de faire une alerte « par écrit ou par oral », par « tout moyen » et sous couvert de « confidentialité ») et externe (avec une liste de toutes les autorités compétentes en annexe).

C’est dans ce sens que les jurisprudences française et européenne évoluent.

Un renforcement de l’office du juge du référé en France

Il s’agissait d’une salariée ayant saisi de faits de corruption le comité d’éthique du groupe Thalès. Ce dernier conclut à « l’absence de situation contraire aux règles et principes éthiques », et licencie la lanceuse d’alerte.

Le juge des référés rend ainsi une première ordonnance dans laquelle il limite son office, estimant que l’examen du lien entre la décision de licenciement et l’alerte relevait du juge du fond.

La Cour d’appel confirme cette ordonnance en estimant « qu’il n’y avait pas eu violation du statut protecteur prévu par les dispositions de l’article L. 1132-3-3 du code du travail » et affirme que « l’appréciation du motif de licenciement de la salariée relevait exclusivement des juges du fond ».

La chambre sociale de la Cour de cassation rend néanmoins un arrêt le 1er février 2023 dans lequel elle élargit les contours de l’office du juge des référés dans le cas où il est chargé de se prononcer sur le licenciement d’un lanceur d’alerte.

Il incombe ainsi désormais à ce dernier de vérifier plusieurs conditions, à savoir si le salarié a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ou plus largement qu’il a alerté dans le respect des articles 6 et 8 de la loi Sapin II.

Dans l’affirmative, il lui faut vérifier si l’employeur rapporte la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de ce salarié.

Autrement dit, pour la première fois, et sans préjuger du fond, le juge des référés doit apprécier la qualité de lanceur d’alerte conformément à la loi Sapin II.

Cette avancée permet au salarié abusivement licencié de ne plus avoir à pâtir de délais d’audiencement très importants – pouvant aller jusqu’à deux ans devant certaines juridictions  – avant que son employeur ne soit jugé.

 

Plus largement, la jurisprudence européenne protège aussi de mieux en mieux les lanceurs d’alerte.

La reconnaissance de la qualité de lanceur d’alerte par la jurisprudence européenne

Après onze ans de procédure, la Cour européenne des droits de l’homme-CEDH a enfin reconnu la qualité de lanceur d’alerte à Raphaël HALET (à l’origine des « LuxLeaks ») le 14 février 2023

Le requérant estimait que sa « condamnation pénale consécutive à la divulgation par lui, à un journaliste, de documents émanant de son employeur et soumis au secret professionnel, constitue une ingérence disproportionnée dans son droit à la liberté d’expression. »

La CEDH lui donne ainsi raison en reprenant dans sa décision exactement ses termes.

Autrement dit, même en l’absence de définition du « lanceur d’alerte » en droit interne luxembourgeois, ni de critères d’application à l’article L.271-1 du Code du travail et à l’article 38-12 de la loi du 5 mai 1993 luxembourgeois, les juges nationaux doivent considérer cette qualité.

En conséquence, le Grand-Duché a été condamné à verser 15.000 euros pour préjudice moral et 40.000 euros tous frais confondus.

***

 

 

Suivre
Facebook
Twitter
LinkedIn
Instagram