Maître Pierre Farge assure la défense d’un ancien salarié de Assala Energy (groupe Carlyle) au Gabon, ce lanceur d’alerte dénonçant des pratiques discriminatoires en droit du travail qui lui sont également reprochées par le syndicat Onep.
Dépêche d’Africa Intelligence du 15 octobre 2021 sur cette affaire.
GABON : Assala aux prises avec un ex-salarié mécontent et le tout-puissant syndicat Onep
La junior du groupe Carlyle, Assala Energy, fait face à de nombreux vents contraires obligeant son management à contre-attaquer.
Les relations entre le management d’Assala Energy et ses salariés au Gabon sont mises à rude épreuve depuis quelques semaines.
Pour tenter d’apaiser la situation, Assala a dépêché la semaine dernière à Libreville trois de ses cadres du siège londonien
– la directrice des affaires externes et des ressources humaines Caroline Sourt,
– la nouvelle patronne Health, Safety, Security & Environment (HSSE) Lisa Brassil
– et la General Counsel Joelle Tobin.
Alors que le pétrolier, contrôlé par l’antenne britannique du fonds d’investissement américain Carlyle, sort à peine d’un épisode de crise (voir nos révélations, AI du 25/08/21), les mauvaises nouvelles continuent de s’accumuler.
L’un de ses anciens cadres, licencié en septembre 2020, menace ainsi d’assigner Assala Energy devant le tribunal du travail de Libreville.
En prévision de cette possible échéance judiciaire, l’avocat du plaignant, Pierre Farge, a écrit le 1er septembre 2021 à l’inspection du travail au Gabon afin d’expliquer les dispositions dans lesquelles son client se trouve.
Après avoir rappelé que la famille de ce cadre français avait dû quitter le Gabon sous 24 heures lorsque son licenciement lui avait été signifié, Farge affirme qu’il dispose de documents très compromettants pour Assala Energy qu’il pourra mettre à disposition de l’inspection du travail gabonaise.
Toujours selon le document du 1er septembre, Joelle Tobin aurait écrit au client de Pierre Farge pour lui signifier que la divulgation d’informations sensibles serait susceptible de pousser à des « troubles civils » dans le pays.
Selon l’avocat, toujours dans son courrier, Tobin aurait aussi menacé de « procédures baillons » l’ancien d’Assala.
Que compte divulguer le client de Pierre Farge ?
Dans ce document de deux pages transmis à l’inspection du travail gabonaise, l’avocat français souligne que son client n’a « plus rien à perdre » et pourrait s’étendre sur les procédures de discrimination au sein de son ancienne firme.
Il mentionne par exemple que certains salariés expatriés bénéficieraient de stock-options alors qu’ils sont sous les ordres de Gabonais qui ne profitent pas de cet avantage financier.
Il poursuit en écrivant que la direction londonienne souhaite « à tout prix taire » cette information.
Pierre Farge est un spécialiste de la protection des « lanceurs d’alerte », auxquels il a consacré un livre publié en France, et compte bien mettre la pression sur la compagnie enregistrée au Royaume-Uni et dirigée par un ancien de Tullow Oil, David Roux.
Le syndicat des ouvriers charge
Cet épisode survient alors que le syndicat des ouvriers du pétrole au Gabon, l’Onep, a rencontré l’inspecteur du travail le 27 juillet 2021 pour faire part de ses griefs quant aux conditions de travail au sein d’Assala Energy.
Dans un document daté du 11 août 2021 dont Africa Intelligence a pu obtenir la copie, le syndicat reproche à Assala :
– une cinquantaine de départs depuis un an en violation « des positions conventionnelles »,
– des « rétrogradations hiérarchiques » avec les noms à l’appui,
– l’existence d’une liste noire de salariés dont il faut freiner les carrières et d’une liste rouge de salariés à faire partir.
Selon l’Onep toujours, le directeur général – David Roux – est responsable d’avoir institué « un climat de peur et de méfiance » dans la société.
Contacté par Africa Intelligence, Assala fait valoir que des preuves ont été demandées à l’avocat Pierre Farge pour étayer les dires de son client, mais n’ont pas été obtenues.
La firme pétrolière affirme avoir également déposé en France une plainte pour chantage contre son ancien salarié et son avocat et insiste sur le fait que ces derniers « manipulent les autorités gabonaises et la presse sur ce dossier en vue d’endommager la réputation d’Assala« .
Faute d’argument sur le fond de l’alerte, Assala assure intenter des procédures bâillon contre le lanceur d’alerte lui-même, et son avocat. Une stratégie tout à fait classique d’intimidation, quoi que plus rare s’agissant d’un conseil ne faisant qu’exercer son métier.
Nous attendons donc avec sérénité ces prétendues plaintes (cela fait plusieurs semaines qu’on nous en menace). Elles seront l’occasion de faire valoir l’exception de vérité, c’est-à-dire blanchir de toute responsabilité le lanceur d’alerte dès lors qu’il apporte la preuve que les faits dénoncés sont vrais.
Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.