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Actualités Farge Associés

Actualités du Cabinet et de Pierre Farge, avocat associé fondateur :
lanceurs d’alerte, droit fiscal, droit pénal, pro-bono, culture…

Défense d’un ancien salarié d’Assala lanceur d’alerte au Gabon

Défense d’un ancien salarié d’Assala lanceur d’alerte au Gabon

Maître Pierre Farge assure la défense d’un ancien salarié de Assala Energy (groupe Carlyle) au Gabon, ce lanceur d’alerte dénonçant des pratiques discriminatoires en droit du travail qui lui sont également reprochées par le syndicat Onep.

Dépêche d’Africa Intelligence du 15 octobre 2021 sur cette affaire.


GABON : Assala aux prises avec un ex-salarié mécontent et le tout-puissant syndicat Onep

La junior du groupe Carlyle, Assala Energy, fait face à de nombreux vents contraires obligeant son management à contre-attaquer.

Les relations entre le management d’Assala Energy et ses salariés au Gabon sont mises à rude épreuve depuis quelques semaines.

Pour tenter d’apaiser la situation, Assala a dépêché la semaine dernière à Libreville trois de ses cadres du siège londonien
– la directrice des affaires externes et des ressources humaines Caroline Sourt,
– la nouvelle patronne Health, Safety, Security & Environment (HSSE) Lisa Brassil
– et la General Counsel Joelle Tobin.

Alors que le pétrolier, contrôlé par l’antenne britannique du fonds d’investissement américain Carlyle, sort à peine d’un épisode de crise (voir nos révélations, AI du 25/08/21), les mauvaises nouvelles continuent de s’accumuler.

L’un de ses anciens cadres, licencié en septembre 2020, menace ainsi d’assigner Assala Energy devant le tribunal du travail de Libreville.

En prévision de cette possible échéance judiciaire, l’avocat du plaignant, Pierre Farge, a écrit le 1er septembre 2021 à l’inspection du travail au Gabon afin d’expliquer les dispositions dans lesquelles son client se trouve.

Après avoir rappelé que la famille de ce cadre français avait dû quitter le Gabon sous 24 heures lorsque son licenciement lui avait été signifié, Farge affirme qu’il dispose de documents très compromettants pour Assala Energy qu’il pourra mettre à disposition de l’inspection du travail gabonaise.

Toujours selon le document du 1er septembre, Joelle Tobin aurait écrit au client de Pierre Farge pour lui signifier que la divulgation d’informations sensibles serait susceptible de pousser à des « troubles civils » dans le pays.

Selon l’avocat, toujours dans son courrier, Tobin aurait aussi menacé de « procédures baillons » l’ancien d’Assala.

Que compte divulguer le client de Pierre Farge ?

Dans ce document de deux pages transmis à l’inspection du travail gabonaise, l’avocat français souligne que son client n’a « plus rien à perdre » et pourrait s’étendre sur les procédures de discrimination au sein de son ancienne firme.

Il mentionne par exemple que certains salariés expatriés bénéficieraient de stock-options alors qu’ils sont sous les ordres de Gabonais qui ne profitent pas de cet avantage financier.

Il poursuit en écrivant que la direction londonienne souhaite « à tout prix taire » cette information.

Pierre Farge est un spécialiste de la protection des « lanceurs d’alerte », auxquels il a consacré un livre publié en France, et compte bien mettre la pression sur la compagnie enregistrée au Royaume-Uni et dirigée par un ancien de Tullow Oil, David Roux.

Le syndicat des ouvriers charge

Cet épisode survient alors que le syndicat des ouvriers du pétrole au Gabon, l’Onep, a rencontré l’inspecteur du travail le 27 juillet 2021 pour faire part de ses griefs quant aux conditions de travail au sein d’Assala Energy.

Dans un document daté du 11 août 2021 dont Africa Intelligence a pu obtenir la copie, le syndicat reproche à Assala :
– une cinquantaine de départs depuis un an en violation « des positions conventionnelles »,
– des « rétrogradations hiérarchiques » avec les noms à l’appui,
– l’existence d’une liste noire de salariés dont il faut freiner les carrières et d’une liste rouge de salariés à faire partir.

Selon l’Onep toujours, le directeur général – David Roux – est responsable d’avoir institué « un climat de peur et de méfiance » dans la société.

Contacté par Africa Intelligence, Assala fait valoir que des preuves ont été demandées à l’avocat Pierre Farge pour étayer les dires de son client, mais n’ont pas été obtenues.

La firme pétrolière affirme avoir également déposé en France une plainte pour chantage contre son ancien salarié et son avocat et insiste sur le fait que ces derniers « manipulent les autorités gabonaises et la presse sur ce dossier en vue d’endommager la réputation d’Assala« .


Faute d’argument sur le fond de l’alerte, Assala assure intenter des procédures bâillon contre le lanceur d’alerte lui-même, et son avocat. Une stratégie tout à fait classique d’intimidation, quoi que plus rare s’agissant d’un conseil ne faisant qu’exercer son métier.
Nous attendons donc avec sérénité ces prétendues plaintes (cela fait plusieurs semaines qu’on nous en menace). Elles seront l’occasion de faire valoir l’exception de vérité, c’est-à-dire blanchir de toute responsabilité le lanceur d’alerte dès lors qu’il apporte la preuve que les faits dénoncés sont vrais.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.

Pierre Farge à BFM Paris – Franciliens Tous Ensemble

Pierre Farge à BFM Paris – Franciliens Tous Ensemble

Émission Franciliens Tous Ensemble de BFM Paris du 10 Avril 2020 à 8h30.

Pendant 30 minutes, Pierre Farge et un de ses confrères du Barreau de Paris répondent aux questions en Droit du Travail des spectateurs dans le contexte de la crise sanitaire en Ile de France.

VOIR LA VIDÉO Pierre Farge sur le plateau de BFM Paris.

Émission Franciliens Tous Ensemble de BFM Paris du 10 Avril 2020 à 8h30.

Les questions en droit du travail posées

« Est-ce que mon employeur a le droit de solder tous mes congés payés avant de déclencher le  chômage partiel ? ».

« J’ai un enfant de 17 mois et mon patron menace de me retirer des jours de congés si je ne viens pas travailler. Quels sont mes droits d’absence pour la garde d’enfants alors que mon conjoint, chauffeur de taxi, travaille à son compte 7 jours sur 7 ? ».

« J’arrive à la fin de mon CDD le 20 avril 2020. Au vu de la situation, mon employeur peut-il décider de ne pas renouveler mon contrat ? ».

« je suis déléguée du personnel, le chômage partiel peut-il m’être imposé, quand d’autres collègues travaillent encore ? ».

« Je suis en préavis de licenciement économique. Comment se va-t-il se passer en terme d’indemnisations. Quels sont mes droits ? ».

« J’ai démissionné le 3 mars et mon préavis se termine le 2 mai. entretemps je suis en chômage partiel et mon patron me dit qu’il se terminera le 2 mai : le confinement me permet-il de suspendre ma démission ? ».

« Mon fils de 18 ans travaille comme électricien pour une agence d’intérim, qui l’a mis au chômage partiel. Payé à la semaine, il vient de recevoir moins de 50€. Peut-il percevoir d’autres aides ? ».

« Agent territorial dans le 77 en télétravail, les charges fixes sont elles prises en charge par la mairie ? Quelles sont les modalités (bénéficiaires, calendrier) de la prime de 1000€ pour les personnels poursuivant leur activité pendant le confinement ? ».

 » Mon employeur m’a mis au chômage partiel à compter du 1er avril : a-t’il le droit de me payer à 70% de mes congés payés en 20199 au lieu de la moyenne de mes 12 derniers mois, sachant que je suis commercial avec des primes ? Et de demander de travailler 3 demi journées par semaine en télétravail ? ».

« Je suis en télétravail et mon employeur me dit qu’après le confinement je devrai en faire plus pour rattraper les heures perdues. Sur quelle base pourrait-il le faire ? ».

 

 

 

 

 

Code du travail : pour une réforme de la procédure prud’homale

Code du travail : pour une réforme de la procédure prud’homale

Lettre ouverte au ministre de la Justice

Le Code du travail a triplé de volume en vingt ans. Face à cette prolifération législative, le droit social est devenu illisible et inefficace. Pour mettre fin aux aberrations d’un tel système judiciaire, trois réformes claires et précises sont proposées sous la forme d’une lettre ouverte au ministre de la Justice.

Lettre ouverte de Maitre Pierre Farge publiée dans La Tribune ainsi que sur Mediapart

Difficulté à embaucher dans un système où le droit du travail a triplé de volume en 20 ans, délais procéduraux kafkaïens entrainant des condamnations de l’État, sentiment d’instabilité du droit pour les entrepreneurs, mais aussi pour les salariés; c’est finalement une impression d’injustice générale qui résulte des réformes sociales s’additionnant les unes autres autres.

« Les bons outils font les bons ouvriers. » Comment en effet espérer une justice efficace si l’organe même censé l’appliquer ne l’est pas? Quels sont les principaux points de blocage, et surtout comment diminuer de moitié les délais procéduraux aujourd’hui stratosphériques pour obtenir justice?

Une refonte complète de la procédure s’impose. Elle tient en trois propositions principales.

Imposer des magistrats professionnels au Conseil de prud’hommes

Tout d’abord, il revient d’imposer des magistrats professionnels au Conseil de prud’hommes. En effet, bien que le Code du travail ait triplé de volume en vingt ans, et ce soit donc complexifié, les juges du Conseil de prud’hommes, ou conseillers prud’homaux, comme on les appelle restent des personnes élues par leurs pairs, autrement dit des employeurs et des employés.

Que l’on comprenne bien. Ces conseillers prud’homaux, qui ont un stage de formation de quelques heures avant d’entrer en fonction, ont donc des prérogatives identiques, et leurs décisions ont la même valeur qu’un magistrat professionnel, qui sort de l’Ecole nationale de la magistrature après huit ans de formation en moyenne.

Dès lors, c’est mathématique: on ne peut pas espérer rendre la justice de la même façon après quelques heures de formation comme après huit ans d’études; ou alors que l’on ferme tout de suite l’ENM!

Malgré toute la bonne volonté des conseillers prud’homaux, parfois même le dévouement, et souvent l’intelligence, il est normal de ne pas être capable de trancher complètement un litige en droit.

Résultat, la partie qui succombe à l’instance, insatisfaite, fait appel afin qu’un magistrat, cette fois professionnel, apporte une réponse en droit; entrainant donc un engorgement de la chambre sociale de la Cour d’appel à l’origine de délais d’audiencement déraisonnables dans tout le pays.

Imposer donc des magistrats professionnels dès la première instance limite l’aléa judiciaire, satisfait davantage les justiciables et limite les délais d’audiencement pour trancher un contentieux.

Imposer une représentation obligatoire de l’avocat

En plus de ne pas avoir de magistrats professionnels en Conseil de prud’hommes face à la prolifération et complexification du droit, la procédure n’impose pas de représentation obligatoire d’avocat, pourtant la règle devant pratiquement toutes nos juridictions.

Chacun pouvant aujourd’hui former une requête seul devant le Conseil de prud’hommes, c’est-à-dire en l’absence d’avocat, aucun professionnel du droit n’est là pour garantir des demandes crédibles en fait et en droit.

Un tel postulat fait donc perdre beaucoup de temps à ces magistrats non professionnels, qui apprécient en général le travail d’un avocat leur soumettant un raisonnement juridique écrit, avec de la jurisprudence, autrement dit des cas passés sur lesquels s’appuyer. Libre à eux de suivre ou non ces écritures dans leur jugement, et ainsi gagner ce temps permettant de réduire les délais pour obtenir un jugement.

A ce stade, nous pouvons donc nous retrouver devant une juridiction composée de magistrats formés en quelques heures, avec des demandes fantaisistes d’un salarié, ou d’un employeur, réclamant des sommes complètement fantaisistes ne reposant sur aucune base légale.

Le risque d’erreur est donc accru, expliquant pourquoi les conseillers prud’homaux mettent parfois des semaines à rendre un jugement écrit, avec lequel ne sont pas d’accord ceux qui succombent, expliquant un peu plus pourquoi l’engorgement de la Cour d’appel.

En terminer avec la conciliation obligatoire

Enfin, la procédure prud’homale impose, sauf exception, de passer au préalable devant ce que l’on appelle un Bureau de conciliation, autrement dit un tribunal composé d’un Président et d’assesseurs (toujours) non professionnels interrogeant les parties sur leur volonté ou non de transiger pour s’éviter l’aléa judiciaire et des délais d’audiencement plus longs avant d’être convoqué pour discuter du fond de l’affaire.

En pratique, à ce stade, il s’avère que toute conciliation s’est d’ores et déjà révélée impossible avant l’introduction de l’action judiciaire. En effet, les parties se sont déjà rapprochées par le biais de courriers préalables, et ont donc déjà compris qu’elles avaient besoin d’un tribunal pour trancher.

La conciliation obligatoire est donc complètement inutile. Encore une fois, les chiffres parlent d’eux même: la conciliation obligatoire n’aboutie que dans 7% des cas.

Par conséquent, mettre un terme à cette conciliation ferait économiser beaucoup de temps, et donc d’argent à une juridiction déjà en manque de moyens, réduisant du même coup les délais pour rendre un jugement, et donc la satisfaction de tous.

Dans ce sens, il suffirait par exemple d’exiger, comme cela se fait devant tous les autres tribunaux, aux parties de prouver quelles ont tenté de concilier entre elles, en produisant les courriers recommandés échangés en ce sens; cela éviterait de réunir tout un tribunal pour constater exactement la même chose.

En résumé,

– En confiant la gestion des contentieux à des magistrats professionnels dès la première instance, et non plus seulement en appel; ou à des conseillers prud’homaux plus nombreux et mieux formés;

– En obligeant une représentation obligatoire par un avocat pour muscler les requêtes en fait et en droit devant la juridiction;

– Et en supprimant l’aberration de la conciliation obligatoire, dont les chiffres prouvent clairement qu’elle fait perdre temps et argent;

Il est certain que l’on peut réduire de moitié l’encombrement judiciaire de droit social devant les tribunaux, de même qu’améliorer du même coup la qualité des décisions, et donc la satisfaction des justiciables.

Notre justice retrouvera ses lettres de noblesses et retrouvera une confiance depuis longtemps dégradée.

Il y a urgence. Notre modèle est archaïque et inadapté. Il faut reformer.

Pierre Farge, avocat de lanceurs d’alerte, expert de la procédure prud’homale.

 

Le code du travail pèse t-il trop lourd ? Pierre Farge à Sud Radio

Le code du travail pèse t-il trop lourd ? Pierre Farge à Sud Radio

Pierre Farge 2019Pierre Farge est intervenu le 28 janvier 2020 dans l’émission de Philippe Rossi, « Les Vraies Voix de l’emploi » aux côtés de Jérôme Laverny, directeur du réseau national Mission Emploi, d’Emmanuel Lafont, directeur du cabinet de recrutement Spart RH, et Thierry Disson.

Dans son intervention à 11’30  du début du podcast, Pierre Farge dénonce les délais anormaux de traitement d’un contentieux prudhommal est en moyenne de 11 mois, et 2 fois plus importante dans certaines juridictions prudhommales, sans parler des recours ultérieurs possibles.

A 18’49, il déplore l’obligation, mise en place depuis 5 ans, de passer préalablement par un Bureau de conciliation – dans 93% des cas pour entériner l’absence de conciliation – avant de pouvoir obtenir une audience devant le bureau de jugement. Retirer cette étape permettrait de raccourcir les délais   procéduraux de plusieurs mois.

Réécouter l’émission en podcast

 

Les Vraies Voix de l’emploi

 

 

Licenciement : affaire de la Briqueterie à Montmorency

Licenciement : affaire de la Briqueterie à Montmorency

Droit du travail : Maître Farge interviewé dans l’affaire de La Briqueterie à Montmorency

Une procédure de justice oppose la mairie à une salariée licenciée de l’association La Briqueterie à Montmorency (Val-d’Oise). Un jugement a condamné la Ville de Montmorency (Val-d’Oise) à régler 4 132 euros à une employée. Le versement n’a toujours pas été effectué.

L’origine du conflit remonte à novembre 2017, lorsque madame R., en place depuis plus de vingt ans dans l’association, saisissait les prud’hommes pour une résiliation judiciaire de son contrat de travail. Sa demande était accompagnée d’une requalification de son licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».

Peu de temps après, le 22 janvier 2018, la municipalisation de l’association La Briqueterie était annoncée pour le 1er juillet 2018. La mairie reprenait alors l’affaire dans sa gestion. Le 8 juillet, l’employée était licenciée, par la Ville, au prétexte d’une « impossibilité de reclassement ».

Le contentieux aux Prud’hommes

L’affaire est passée au conseil des prud’hommes de Montmorency le 21 février 2019.

« Un jugement a été rendu, qui a débouté madame R. », résume l’avocate de la mairie, maître Joëlle Bérenguer, qui se refuse à tout autre commentaire en renvoyant à la décision de justice.

Or, les prud’hommes ont débouté pour partie de ses demandes l’employée licenciée et ont, tout de même, condamné la mairie à lui verser 4 132 euros au titre d’indemnités compensatrices, de préavis de congés payés et de frais de procédure.

La commune a, par ailleurs, été déboutée de toutes ses demandes. Le jugement renvoyant les deux parties dos à dos.

Une affaire qui aurait pu se régler par une transaction, via une délibération municipale, mais la mairie a préféré aller au contentieux. « Parce que nous ne devons rien à cette personne. Elle a été déboutée de tout, au-delà des erreurs à la marge », estime Michèle Berthy, maire (Lr) de Montmorency, alors que la Ville n’a pas réglé la condamnation et fourni les attestations nécessaires à l’inscription au chômage de madame R.

Collusion entre la mairie et le conseil des prud’hommes ?

« On va payer », assurait l’élue, au lendemain d’une audience qui s’est déroulée le 16 avril 2019 aux Prud’hommes de Paris, depuis que maître Pierre Farge, avocat de madame R., a engagé une nouvelle action pour demander une nullité du licenciement.

La défense de la salariée s’est déjà vue rejeter un dépaysement de l’affaire, alors qu’elle soupçonne une « collusion » entre la mairie et le conseil des prud’hommes de Montmorency.

La présidente de l’association La Briqueterie ayant siégé à cette même juridiction. « Elle n’y siège plus depuis deux ans », soutient la maire de Montmorency.

Le président de la juridiction a aussi assuré que : « le conseil des prud’hommes est une institution indépendante et n’a aucun lien avec la mairie de Montmorency ».

Une audience est prévue le 1er juillet 2019 à Paris, où le conseil des prud’hommes statuera sur sa compétence ou non à se prononcer sur la nullité du licenciement. « Paris ne va pas déjuger Montmorency ! », s’avance, confiante, la maire.

Quatre ans de combats

Depuis le jugement du conseil des prud’hommes, au-delà du retard de versement de la condamnation, des documents de fin de contrat ne seraient toujours pas parvenus à l’employée licenciée, l’empêchant de s’inscrire à Pôle Emploi. Une situation qui prolonge le conflit.

Employée de l’association La Briqueterie depuis le 17 mai 1994, madame R. aurait vu ses conditions de travail se dégrader en novembre 2014 lorsqu’elle formula, après vingt ans d’ancienneté, une première demande de formation à laquelle l’association peinera à donner suite. Elle réitéra sa requête en février 2015. Sa demande traîna avant d’être autorisée, mais sans que la salariée puisse être remplacée à son poste de comptable. Durant sa formation, des heures de retard se sont accumulées dans son travail, contribuant à dégrader ses conditions de travail. Elle décalera alors ses congés d’été, pour rattraper son retard.
Elle finit par craquer. Devant la complexité à assurer de front son travail et sa formation, les arrêts maladie se succèdent. À son retour, rien ne changea. L’équipe encadrante restant sur ses positions. Cela va même jusqu’à un nouveau report, par son employeur, de ses congés d’été 2017, une demi-heure avant son départ effectif en vacances. Toujours en dépression, elle se voit délivrer un nouvel arrêt de travail. D’autres suivront. Des médecins psychiatres alerteront de son état de santé, qui n’ira pas en s’arrangeant lorsque la Cpam (Caisse primaire d’assurance maladie) convoqua la salariée, à la suite de ses nombreux arrêts.

En novembre 2017, madame R. décide de saisir la justice en prenant conseil auprès d’un avocat, qui proposa une transaction à l’amiable. À l’époque, la mairie n’était pas au courant de l’affaire. Si elle subventionnait l’association, elle ne l’avait pas encore municipalisé. Apprenant le projet de municipalisation de La Briqueterie, l’avocat de madame R. décide d’informer la mairie, mais celle-ci fait savoir que le contentieux « n’intéresse en rien la Ville ».
Cependant, au moment de reprendre l’association, la mairie aurait également commis plusieurs maladresses, comme des erreurs sur un salaire de référence erroné, qui aurait eu pour conséquence de fausser l’indemnité de licenciement et le solde de tout compte.

Pierre Farge, avocat de madame R. « Une collusion avec la mairie ! »

Dans quel état psychologique se trouve votre cliente ?

Je reste inquiet pour son état de santé. Aujourd’hui, ses jours ne sont plus en danger, mais je m’interroge sur son avenir tant elle appréhende le monde du travail depuis les faits de harcèlement dont elle a été victime après vingt-quatre ans de bons et loyaux services. Elle est également effarée de la collusion de la mairie avec le conseil des prud’hommes de Montmorency.

Vous parlez de « harcèlement », comment le justifiez-vous ?

J’ai demandé que les conditions de travail de ma cliente soient reconnues entachées de harcèlement moral et discrimination au regard, notamment, de l’absence totale de formation pendant vingt ans, d’une surcharge de travail et d’objectifs intenables, l’ayant finalement conduite au burn-out et à un an et demi d’arrêt total de travail. Pour rappel, ma cliente a tout de même reçu un courrier en main propre de son employeur trente minutes avant un départ en congés d’été, pour lui demander de reporter ses vacances !

Qu’entendez-vous par « collusion avec la mairie » ?

Lorsque nous avons appris que l’association serait municipalisée, nous avons craint un risque de conflit d’intérêts. En effet, en cours de contentieux devant le conseil des prud’hommes de Montmorency, nous avons compris que la présidente de l’association siégeait encore quelques mois auparavant à ce même tribunal. C’est la raison de ma demande de dépaysement, qui n’a pas été accordée, au mépris d’une jurisprudence pourtant claire. Le conseil des prud’hommes n’a fait droit que marginalement aux demandes de ma cliente. C’est pourquoi j’ai demandé aux prud’hommes de Paris de se prononcer sur la nullité du licenciement.

Qu’attendez-vous de la mairie, qui a repris cette affaire avec la municipalisation de l’association ?

Qu’elle respecte le jugement prononcé par le conseil de Montmorency. Autrement dit, que soient remis à ma cliente ses documents de fin de contrat afin qu’elle puisse toucher ses indemnités chômage, et que son solde de tout compte soit conforme aux jours effectivement travaillés. Cela n’a toujours pas été fait malgré nos multiples relances. Je veux aussi que les habitants de Montmorency sachent comment la Ville se comporte dans cette affaire, en refusant toute issue amiable, non pas parce qu’elle est convaincue d’avoir raison, mais parce qu’elle se refuse à toute transaction pour la seule raison qu’elle nécessiterait une délibération du conseil municipal, qui est public.

Vous pensez que la Ville a cherché à étouffer cette affaire ?

Absolument, la mairie préfère tout miser sur les aléas et la lenteur judiciaires avant de refiler le contentieux à la prochaine majorité. Plutôt que de transiger aujourd’hui à moindres frais pour le tort causé à ma cliente, la maire préfère confier à son successeur l’exécution d’un jugement financièrement plus sévère. C’est de la pure stratégie électoraliste au mépris des administrés, du gaspillage d’argent public aux dépens de l’intérêt général !

Article de Fabrice Cahen paru dans l’édition régionale Val d’Oise de Actu.fr

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3 semaines plus tard, Actu.fr publiait la suite de ce feuilleton judiciaire.

Affaire de la Briqueterie : la cour d’appel propose une médiation

La cour d’appel de Versailles propose de recourir à une médiation, afin de trouver une solution amiable au conflit qui oppose la Ville à une ex-comptable de l’association La Briqueterie licenciée par la mairie le 8 juillet 2018 (notre édition du 1er mai).

Impayés

Le 21 février, le conseil de prud’hommes de Montmorency avait débouté l’employée de l’essentiel de ses demandes. Mais la Ville avait tout de même été condamnée à régler 4 132 euros à l’employée. Un versement que la commune n’a toujours pas effectué. De plus, des documents de fin de contrat de la licenciée, ne sont toujours pas parvenus à l’ex-salariée, l’empêchant de s’inscrire à Pôle Emploi.

Une affaire qui aurait dû se régler par une transaction, via une délibération municipale, mais la mairie a préféré aller au contentieux. La maire estimant « ne rien devoir à cette personne ! ». La défense de la salariée a fait appel du jugement.

Autre audience

Maître Pierre Farge, son avocat, avait déjà tenté un dépaysement de l’affaire, qui avait été rejeté, alors qu’il soupçonnait une « collusion » entre la mairie et le conseil de prud’hommes. La présidente de l’association ayant siégé, quelques mois auparavant, à cette même juridiction de Montmorency.

Le 16 avril 2019, une audience a eu lieu au conseil de prud’hommes de Paris, qui a renvoyé au 1er juillet sa décision à statuer sur sa compétence ou non à se prononcer sur la nullité du licenciement.

Éviter l’appel

La médiation, fixée au 21 juin à Pontoise, doit permettre à la mairie d’éviter une audience en appel à Versailles, en s’engageant à transiger.

« Je serais curieux de savoir pour quel motif la Ville de Montmorency refuserait de donner suite à cette médiation, sinon pour des raisons politiques afin de gagner du temps et ne pas faire peser une éventuelle transaction sur son mandat… », s’interroge maître Farge.

F.C.

Article de Fabrice Cahen paru dans l’édition régionale Val d’Oise de Actu.fr

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Loi Travail : quand le juge devient médecin…

Loi Travail : quand le juge devient médecin…

La loi Travail, dite El Khomri confère dangereusement au juge le pouvoir de se faire médecin.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints

Les premières applications de la loi Travail, dite El Khomri du 8 août 2016, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, témoignent de ses premières difficultés, comme notamment conférer au juge prud’homal le pouvoir de remplacer celui de médecin. Une dérive dangereuse pour les droits des justiciables, s’agissant des accidents et souffrances au travail.

Tous les salariés sont potentiellement un jour amenés à rencontrer le médecin du travail suite à des souffrances professionnelles, qu’il s’agisse d’accidents d’ordre physiques ou psychologiques. Ce dernier émet alors un avis, qui peut être contesté.

Avant : recours devant l’inspection du travail.

La procédure antérieure de contestation d’un avis médical émis par le médecin du travail était soumise à moindre formalisme : l’employeur ou le salarié pouvait saisir directement l’Inspecteur du travail dans les deux mois qui suivaient la notification de l’avis médical tout en s’informant mutuellement de l’initiative.

Cette procédure assez simple entrainait néanmoins une contestation quasi-systématique des avis médicaux, engorgeant ainsi l’Inspection du travail.

Pour pallier cet état de fait, la loi El Khomri est donc venue réformer, mais pour le pire.

Aujourd’hui, le juge devient médecin.

Depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2017, l’article L.4624-7 du Code du travail confère au Conseil de prud’hommes le pouvoir de se substituer à l’Inspection du travail en ces termes :

 » III.- La décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.« 

Alors que l’objectif théorique était d’assurer la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail afin de rendre les recours plus rapides, nous voilà aujourd’hui avec un employé, ou employeur, qui doit former un recours en référé devant la juridiction prud’homale dans les quinze jours suivant la notification de l’avis contesté.

Le salarié, ou son employeur, doit donc aujourd’hui faire face à l’aléa judiciaire devant le juge prud’homal. Et l’aléa est d’autant plus grand que ces mêmes juges peuvent confirmer une décision déclarant inapte un salarié qui se sent la force de travailler, ou inversement déclarer apte un employé souffrant d’un handicap, et ce sans aucun avis médical.

Le pouvoir de l’arbitraire.

Dès lors, il n’y a pas besoin d’avoir fait l’École nationale de la magistrature pour comprendre l’arbitraire conféré aux juges prud’homaux afin d’apprécier l’état de santé réel des justiciables qui se présentent à eux.

Cette loi vient donc sur le papier remplacer un dispositif clair et éprouvé pour soi-disant désengorger l’administration du travail. Néanmoins, dans la pratique, force est de constater qu’elle fait exactement l’inverse :

  • Elle complexifie la procédure en droit du travail, alimentant l’inflation législative.
  • Par cette judiciarisation rajoutant une compétence au Conseil de prud’hommes, elle engorge un peu plus les tribunaux.
  • Enfin, pire, elle confère dangereusement au juge le pouvoir de se faire médecin.

 

Par Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.