+33 1 45 24 54 73 contact@pierrefarge.com

Intervention de Pierre Farge à la 15e Journée Nationale des Dys, à Paris le 9 octobre 2021.

Maître Pierre Farge dénonce l’absence de prise en compte du handicap des Dys dans l’enseignement supérieur, en particulier pour l’égalité d’accès aux concours des grandes écoles.

Dans son témoignage d’avocat, il assure la défense d’un jeune client Dys qui a échoué à un concours, faute d’avoir pu bénéficier des aménagements auxquels il avait pourtant droit du fait de son handicap et que l’institution organisatrice du concours n’a pas jugé bon de mettre en œuvre.

Présentation de la Journée Nationale des Dys

Comme chaque année, cette Journée a mobilisé les parents membres des associations de la Fédération et les professionnels partout en France. Depuis 15 ans, les manifestations organisées par les bénévoles à l’occasion de la JND ont permis de faire progresser à pas de géant la cause des enfants et adultes porteurs de troubles des apprentissages. La dyslexie, la dysphasie et la dyspraxie sont ainsi mieux connues du grand public et la famille des troubles « DYS » de mieux en mieux repérée :  site de la 15e Journée nationale des Dys

Vidéo de  l’intervention

Transcript de l’intervention de Pierre Farge

« Bonjour à tous,

Je parcourais tout à l’heure à mon arrivée les stands et constatais les remarquables innovations pour les Dys, dont ce correcteur d’orthographe, absolument génial, adapté au handicap des Dys. Il est unique au monde puisqu’il dispose d’un algorithme basé sur les corpus de textes des Dys, incluant donc les fautes type de Dys. Je trouvais ça formidable, mais je me suis dit que toutes ces innovations sont effectivement formidables, remarquables, mais ne servent à rien si elles ne sont pas effectivement exploitables par le biais de ce qu’on appelle les aménagements, lors des examens.

Si la loi n’est pas appliquée dans l’enseignement supérieur et l’Education nationale afin de placer tous ces étudiants dys sur un pied d’égalité, c’est ce qu’on appelle l’égalité des chances, un des grands principes de la République, sanctionnée dans notre droit par la discrimination. C’est la raison pour laquelle je suis là aujourd’hui. En tant qu’avocat, je défends les intérêts d’un étudiant brillant qui candidatait à une grande école et qui n’a bénéficié que de 10% des aménagements auxquels il avait droit.

10%, avec un stress que vous imaginez, il a, sans surprise, raté son concours. En demandant des comptes à l’école en question, que je ne citerai pas, il y a une procédure qui est en cours, en raison de cette absence d’aménagement. Nous avons trouvé un mur, un silence absolument total. A commencer par celui de son dirigeant, qui doit pouvoir répondre, comme vous le savez, au nom de l’institution. Silence absolument total de son dirigeant. Ensuite, nous avons saisi toutes les autorités compétentes pour savoir comment de telles négligences vis à vis d’un dys avaient été possibles.

Ce sont des courriers qui ont été adressés, il y a un peu plus d’un an, le 7 septembre 2020, à savoir à Madame la secrétaire d’Etat au Handicap, à la chargée de mission ou handicap, à la déléguée interministérielle compétente, à la médiatrice de l’Education nationale et au Défenseur des droits. On n’a pas obtenu davantage de réponses, sauf du défenseur des droits, qui, lui, nous a répondu et nous a assuré instruire notre dossier depuis un an, ça fait donc un an qu’on attend.

Alors, après ce second silence, j’ai sollicité les organes inférieurs à l’organisation de ce concours. Ils ont répondu, pas officiellement mais officieusement, ils ont répondu par téléphone. Ils ont reconnu les faits et ils se sont renvoyé la responsabilité l’un à l’autre, se cachant courageusement derrière le mammouth de l’administration. Comme si le simple fait d’agir au sein d’un groupe, aussi grand fusse-t-il, puisqu’on parle de l’administration, suffise à considérer tout le monde irresponsable de ces manquements individuels.

Je sens que vous êtes sensible à tout ce que je vous raconte, comme si vous l’aviez chacun individuellement vécu.

Alors, qu’est ce que je fais là ? Vous aurez le temps de répondre, madame le secrétaire d’État. La compassion à la famille, au féminisme, l’écriture inclusive. Je ne suis pas là pour ça.

Qu’est ce que je fais là alors ? En représentant en justice cet étudiant dys dans le cadre d’une action pénale pour discrimination, en essayant de comprendre grâce aux associations, comment de telles énormités avaient été possibles, j’ai conclu que le problème était bien plus large que celui du concours aux grandes écoles et ne pouvait donc pas se limiter à l’enceinte d’un débat judiciaire devant une juridiction. Le problème, c’est celui de l’application du droit des dys, en général mineurs, par tous les majeurs, à tous les niveaux de la société.

D’où l’importance de témoigner devant vous et de tenter de mobiliser. Ce que je veux dire aujourd’hui solennellement, c’est que la Journée Nationale des Dys, ce n’est pas une journée officielle obligeant la secrétaire d’Etat à se déplacer poliment en vue des prochaines échéances électorales. Mais c’est une journée où vous avez tous individuellement le pouvoir de changer les choses, changer les choses politiquement et juridiquement. Il ne faut pas hésiter à saisir systématiquement les juridictions pour faire appliquer ces aménagements.

Je dis bien que ces aménagements soient appliqués à 100%. On est dans un Etat de droit, il faut s’en servir.

Alors, je sais bien qu’une société qui est obligée de faire appel systématiquement à un juge pour faire valoir ses droits, c’est une société malade. Je sais bien qu’on ne peut pas compter sur pareille  judiciarisation long terme, mais à ce stade, la judiciarisation est le moyen le plus démocratique que je connaisse. Pour vous faire entendre des dirigeants politiques.

Sur ces dirigeants politiques, et j’en aurai terminé, toutes vos manifestations. depuis 15 ans, à l’occasion de cette journée nationale des dys ont permis de faire progresser à pas de géant et de faire connaître du grand public ce handicap qui n’en est pas un quand il est considéré, quand il est aménagé. Les dys, vous représentez, sept millions de personnes en France, cela représente 10% de la population française. Alors, vous n’avez peut être pas encore tous le droit de vote, mais vos parents l’ont, c’est donc colossal.

Vous avez donc politiquement enfants, mais surtout parents, la possibilité d’obtenir des engagements des candidats à ce sujet. Vos représentants associatifs, médicaux, syndicaux sont là aujourd’hui pour cette journée nationale. En cette période de campagne présidentielle, croyez moi qu’ils vous écoutent plus que jamais. C’est donc le moment ou jamais. Un dernier mot puisque cette journée est sous le haut patronage de Monsieur Emmanuel Macron, président de la République. Je l’interroge ainsi que son épouse engagée officiellement, je cite, « à l’inclusion des personnes en situation de handicap » sur ce qu’ils ont fait et sur ce qu’ils ont encore l’intention de faire.

Il en va plus que de leur image. Il en va de leur responsabilité, de notre responsabilité à tous. Merci. »

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

Légende de la photo à la Une : de gauche à droite, Concepción El Chami (Présidente de la Fédération Dyslexique de France), Pierre Farge, Nathalie GROH (Présidente de la Fédération Française des Dys), Rémi Munier (Jeune Dyslexique de France).

Suivre
Facebook
Twitter
LinkedIn
Instagram