+33 1 45 24 54 73 contact@pierrefarge.com

Témoignant du délabrement de la justice de notre pays, Pierre Farge, avocat en droit pénal, confirme l’aggravation de l’état de santé des détenus en prison, et partage son inquiétude sur les conséquences à long terme sur la société.

Tribune de Maître Pierre Farge et Francisca Russo publiée dans Contrepoints.

« Accablant », voilà l’avis publié sur les prisons françaises la semaine dernière par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL).

Selon la dernière étude sur la santé mentale dans les prisons françaises, huit détenus sur dix souffrent d’au moins un trouble psychiatrique. Autrement dit, les personnes atteintes de troubles mentaux sont surreprésentées dans la population carcérale. Un état de fait laissant donc espérer que la prison soit d’abord un lieu de soins.

La réalité est pourtant tout autre puisque l’accompagnement psychothérapeutique individuel reste l’exception pour les cas seulement les plus graves. De telle sorte que les détenus ne sont pris en charge que dans le cadre d’urgences ambulatoires, et par l’administration de médicaments seulement, en général les assommants, sans jamais tenter de résoudre la cause du mal.

Des pathologies aggravées

En conséquence, il n’est pas surprenant que l’incarcération conduise à une détérioration de la santé mentale des détenus, allant même souvent jusqu’à développer de nouveaux troubles psychiatriques.

En conséquence encore, il n’est pas surprenant que le taux de suicide soit six fois plus élevé dans les prisons (un suicide tous les trois jours en moyenne). Tant et si bien que la Cour européenne des droits de l’Homme a même déjà condamné la France à plusieurs reprises.

Les alternatives à la prison

Dès lors que l’expérience témoigne que l’incarcération se révèle inadaptée aux personnes atteintes de troubles psychiques, dont l’état ne fait que s’aggraver, au point de compromettre sérieusement toute chance de réinsertion à leur sortie, si elles ne se sont pas suicidées avant, il n’est pas insolent de penser que la peine privative de liberté devrait avoir lieu au sein d’établissements adaptés.

À défaut de donner les moyens suffisants aux prisons, et afin de redonner à la sanction pénale tout son sens, il faudrait par exemple disposer de parties d’hôpitaux sécurisés, ou de centre de détention dits « légers » permettant un suivi psychiatrique en extérieur la journée.

Le développement de mesures alternatives à l’incarcération est donc indispensable. À commencer par la création de places spéciales dans les hôpitaux, vouées à accueillir les condamnés souffrant de pathologies psychiatriques pendant la durée de leur peine. Un dispositif qui pourrait être ensuite complété par leur transfert dans des centres de semi-liberté, avec injonction thérapeutique, vers la fin de la peine et en fonction des améliorations constatées.

Juger autrement

Enfin, encore revient-il de changer les mentalités des magistrats pour orienter autrement qu’en prison ceux dont on constate, dès le procès, dans le cadre des expertises psychiatriques par exemple, qu’ils souffrent de pathologies particulières, et qu’ils ont à ce titre besoin de soins.

La prison ne doit plus être la facilité des magistrats, qui en général par impératifs politiques, remplissent les prisons au prétexte qu’une place coûte une centaine d’euros, et une chambre d’hôpital cinq fois plus.

Maître Pierre Farge et Francisca Russo (avocate stagiaire chez Farge Associés).

 

Suivre
Facebook
Twitter
LinkedIn
Instagram