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Droit du travail : Maître Farge interviewé dans l’affaire de La Briqueterie à Montmorency

Une procédure de justice oppose la mairie à une salariée licenciée de l’association La Briqueterie à Montmorency (Val-d’Oise). Un jugement a condamné la Ville de Montmorency (Val-d’Oise) à régler 4 132 euros à une employée. Le versement n’a toujours pas été effectué.

L’origine du conflit remonte à novembre 2017, lorsque madame R., en place depuis plus de vingt ans dans l’association, saisissait les prud’hommes pour une résiliation judiciaire de son contrat de travail. Sa demande était accompagnée d’une requalification de son licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».

Peu de temps après, le 22 janvier 2018, la municipalisation de l’association La Briqueterie était annoncée pour le 1er juillet 2018. La mairie reprenait alors l’affaire dans sa gestion. Le 8 juillet, l’employée était licenciée, par la Ville, au prétexte d’une « impossibilité de reclassement ».

Le contentieux aux Prud’hommes

L’affaire est passée au conseil des prud’hommes de Montmorency le 21 février 2019.

« Un jugement a été rendu, qui a débouté madame R. », résume l’avocate de la mairie, maître Joëlle Bérenguer, qui se refuse à tout autre commentaire en renvoyant à la décision de justice.

Or, les prud’hommes ont débouté pour partie de ses demandes l’employée licenciée et ont, tout de même, condamné la mairie à lui verser 4 132 euros au titre d’indemnités compensatrices, de préavis de congés payés et de frais de procédure.

La commune a, par ailleurs, été déboutée de toutes ses demandes. Le jugement renvoyant les deux parties dos à dos.

Une affaire qui aurait pu se régler par une transaction, via une délibération municipale, mais la mairie a préféré aller au contentieux. « Parce que nous ne devons rien à cette personne. Elle a été déboutée de tout, au-delà des erreurs à la marge », estime Michèle Berthy, maire (Lr) de Montmorency, alors que la Ville n’a pas réglé la condamnation et fourni les attestations nécessaires à l’inscription au chômage de madame R.

Collusion entre la mairie et le conseil des prud’hommes ?

« On va payer », assurait l’élue, au lendemain d’une audience qui s’est déroulée le 16 avril 2019 aux Prud’hommes de Paris, depuis que maître Pierre Farge, avocat de madame R., a engagé une nouvelle action pour demander une nullité du licenciement.

La défense de la salariée s’est déjà vue rejeter un dépaysement de l’affaire, alors qu’elle soupçonne une « collusion » entre la mairie et le conseil des prud’hommes de Montmorency.

La présidente de l’association La Briqueterie ayant siégé à cette même juridiction. « Elle n’y siège plus depuis deux ans », soutient la maire de Montmorency.

Le président de la juridiction a aussi assuré que : « le conseil des prud’hommes est une institution indépendante et n’a aucun lien avec la mairie de Montmorency ».

Une audience est prévue le 1er juillet 2019 à Paris, où le conseil des prud’hommes statuera sur sa compétence ou non à se prononcer sur la nullité du licenciement. « Paris ne va pas déjuger Montmorency ! », s’avance, confiante, la maire.

Quatre ans de combats

Depuis le jugement du conseil des prud’hommes, au-delà du retard de versement de la condamnation, des documents de fin de contrat ne seraient toujours pas parvenus à l’employée licenciée, l’empêchant de s’inscrire à Pôle Emploi. Une situation qui prolonge le conflit.

Employée de l’association La Briqueterie depuis le 17 mai 1994, madame R. aurait vu ses conditions de travail se dégrader en novembre 2014 lorsqu’elle formula, après vingt ans d’ancienneté, une première demande de formation à laquelle l’association peinera à donner suite. Elle réitéra sa requête en février 2015. Sa demande traîna avant d’être autorisée, mais sans que la salariée puisse être remplacée à son poste de comptable. Durant sa formation, des heures de retard se sont accumulées dans son travail, contribuant à dégrader ses conditions de travail. Elle décalera alors ses congés d’été, pour rattraper son retard.
Elle finit par craquer. Devant la complexité à assurer de front son travail et sa formation, les arrêts maladie se succèdent. À son retour, rien ne changea. L’équipe encadrante restant sur ses positions. Cela va même jusqu’à un nouveau report, par son employeur, de ses congés d’été 2017, une demi-heure avant son départ effectif en vacances. Toujours en dépression, elle se voit délivrer un nouvel arrêt de travail. D’autres suivront. Des médecins psychiatres alerteront de son état de santé, qui n’ira pas en s’arrangeant lorsque la Cpam (Caisse primaire d’assurance maladie) convoqua la salariée, à la suite de ses nombreux arrêts.

En novembre 2017, madame R. décide de saisir la justice en prenant conseil auprès d’un avocat, qui proposa une transaction à l’amiable. À l’époque, la mairie n’était pas au courant de l’affaire. Si elle subventionnait l’association, elle ne l’avait pas encore municipalisé. Apprenant le projet de municipalisation de La Briqueterie, l’avocat de madame R. décide d’informer la mairie, mais celle-ci fait savoir que le contentieux « n’intéresse en rien la Ville ».
Cependant, au moment de reprendre l’association, la mairie aurait également commis plusieurs maladresses, comme des erreurs sur un salaire de référence erroné, qui aurait eu pour conséquence de fausser l’indemnité de licenciement et le solde de tout compte.

Pierre Farge, avocat de madame R. « Une collusion avec la mairie ! »

Dans quel état psychologique se trouve votre cliente ?

Je reste inquiet pour son état de santé. Aujourd’hui, ses jours ne sont plus en danger, mais je m’interroge sur son avenir tant elle appréhende le monde du travail depuis les faits de harcèlement dont elle a été victime après vingt-quatre ans de bons et loyaux services. Elle est également effarée de la collusion de la mairie avec le conseil des prud’hommes de Montmorency.

Vous parlez de « harcèlement », comment le justifiez-vous ?

J’ai demandé que les conditions de travail de ma cliente soient reconnues entachées de harcèlement moral et discrimination au regard, notamment, de l’absence totale de formation pendant vingt ans, d’une surcharge de travail et d’objectifs intenables, l’ayant finalement conduite au burn-out et à un an et demi d’arrêt total de travail. Pour rappel, ma cliente a tout de même reçu un courrier en main propre de son employeur trente minutes avant un départ en congés d’été, pour lui demander de reporter ses vacances !

Qu’entendez-vous par « collusion avec la mairie » ?

Lorsque nous avons appris que l’association serait municipalisée, nous avons craint un risque de conflit d’intérêts. En effet, en cours de contentieux devant le conseil des prud’hommes de Montmorency, nous avons compris que la présidente de l’association siégeait encore quelques mois auparavant à ce même tribunal. C’est la raison de ma demande de dépaysement, qui n’a pas été accordée, au mépris d’une jurisprudence pourtant claire. Le conseil des prud’hommes n’a fait droit que marginalement aux demandes de ma cliente. C’est pourquoi j’ai demandé aux prud’hommes de Paris de se prononcer sur la nullité du licenciement.

Qu’attendez-vous de la mairie, qui a repris cette affaire avec la municipalisation de l’association ?

Qu’elle respecte le jugement prononcé par le conseil de Montmorency. Autrement dit, que soient remis à ma cliente ses documents de fin de contrat afin qu’elle puisse toucher ses indemnités chômage, et que son solde de tout compte soit conforme aux jours effectivement travaillés. Cela n’a toujours pas été fait malgré nos multiples relances. Je veux aussi que les habitants de Montmorency sachent comment la Ville se comporte dans cette affaire, en refusant toute issue amiable, non pas parce qu’elle est convaincue d’avoir raison, mais parce qu’elle se refuse à toute transaction pour la seule raison qu’elle nécessiterait une délibération du conseil municipal, qui est public.

Vous pensez que la Ville a cherché à étouffer cette affaire ?

Absolument, la mairie préfère tout miser sur les aléas et la lenteur judiciaires avant de refiler le contentieux à la prochaine majorité. Plutôt que de transiger aujourd’hui à moindres frais pour le tort causé à ma cliente, la maire préfère confier à son successeur l’exécution d’un jugement financièrement plus sévère. C’est de la pure stratégie électoraliste au mépris des administrés, du gaspillage d’argent public aux dépens de l’intérêt général !

Article de Fabrice Cahen paru dans l’édition régionale Val d’Oise de Actu.fr

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3 semaines plus tard, Actu.fr publiait la suite de ce feuilleton judiciaire.

Affaire de la Briqueterie : la cour d’appel propose une médiation

La cour d’appel de Versailles propose de recourir à une médiation, afin de trouver une solution amiable au conflit qui oppose la Ville à une ex-comptable de l’association La Briqueterie licenciée par la mairie le 8 juillet 2018 (notre édition du 1er mai).

Impayés

Le 21 février, le conseil de prud’hommes de Montmorency avait débouté l’employée de l’essentiel de ses demandes. Mais la Ville avait tout de même été condamnée à régler 4 132 euros à l’employée. Un versement que la commune n’a toujours pas effectué. De plus, des documents de fin de contrat de la licenciée, ne sont toujours pas parvenus à l’ex-salariée, l’empêchant de s’inscrire à Pôle Emploi.

Une affaire qui aurait dû se régler par une transaction, via une délibération municipale, mais la mairie a préféré aller au contentieux. La maire estimant « ne rien devoir à cette personne ! ». La défense de la salariée a fait appel du jugement.

Autre audience

Maître Pierre Farge, son avocat, avait déjà tenté un dépaysement de l’affaire, qui avait été rejeté, alors qu’il soupçonnait une « collusion » entre la mairie et le conseil de prud’hommes. La présidente de l’association ayant siégé, quelques mois auparavant, à cette même juridiction de Montmorency.

Le 16 avril 2019, une audience a eu lieu au conseil de prud’hommes de Paris, qui a renvoyé au 1er juillet sa décision à statuer sur sa compétence ou non à se prononcer sur la nullité du licenciement.

Éviter l’appel

La médiation, fixée au 21 juin à Pontoise, doit permettre à la mairie d’éviter une audience en appel à Versailles, en s’engageant à transiger.

« Je serais curieux de savoir pour quel motif la Ville de Montmorency refuserait de donner suite à cette médiation, sinon pour des raisons politiques afin de gagner du temps et ne pas faire peser une éventuelle transaction sur son mandat… », s’interroge maître Farge.

F.C.

Article de Fabrice Cahen paru dans l’édition régionale Val d’Oise de Actu.fr

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