« Si nous comptons les occasions perdues, la vie semble n’avoir été que cela » disait Aline Giono, regrettant à l’époque de n’avoir jamais osé frapper à la porte de Michel Déon.
Elle le fera finalement.
Moi pas.
C’est sans doute mon plus grand regret.
Michel Déon, de l’autobiographie par petites touches
Le Midi qui se dore au soleil, la Méditerranée, les îles grecques, les archipels siciliens, les terrasses des Cyclades et les siestes de Toscane ; les pins, les lacs de montagne, les vacances éternelles, les voyages éperdus… Michel Déon m’a appris à jouer, à vivre, à aimer, et m’a donné envie d’écrire.
Il m’a convaincu à vingt ans qu’un univers romanesque discrètement autobiographique, léger, impertinent, patient, pudique et apolitique pouvait prendre le dessus sur l’existence comme il faut, les clients, les conférences, les cours à préparer, et la peur de n’arriver que le deuxième.
Il m’a convaincu de ce sentiment qui vous donne un peu moins peur de mourir chaque jour et d’être oublié (je crois comme un enfant à l’immortalité des livres). Il m’a convaincu de l’art du roman, de la possibilité de supporter la réalité en la modifiant, en l’imaginant.
Michel Déon en exil
Il y a aussi bien sûr l’exil. Cet état si stimulant pour les créateurs. Cet état d’âme itinérante, d’être en fuite, s’éloignant de son pays pour se réfugier dans l’écriture et trouver l’inspiration. En Suisse (Je me suis beaucoup promené), en Italie (Je ne veux jamais l’oublier, Les Trompeuses Espérances, Je vous écris d’Italie) puis aux États-Unis (La Cour des grands) et au Canada (Bagages pour Vancouver).
Mais aussi au Portugal (Un parfum de Jasmin), dans le Tessin, puis l’île de Spetses en Grèce (Pages grecques, Le Balcon de Spetsai, Le Rendez-vous de Patmos et Spetsai revisité), et enfin le comté irlandais de Galway (Les Poneys sauvage, Un taxi mauve).
De ces romans les plus remarqués, l’ensemble de l’œuvre compte plus de quarante livres. Quarante !
Une œuvre dont je ne sais finalement si je dois admirer le plus l’intelligence, l’intemporalité ou la cohérence. Une cohérence énorme en plus de son savoir et ses qualités d’écrivain.
Une cohérence que je comprends d’autant mieux en relisant Un déjeuner de soleil, dont Michel Déon lui-même disait qu’il était la clef de toute son œuvre.
Pierre Farge
Avocat à la Cour
www.pierrefarge.com