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Vacances de février. Pendant que la France d’en haut glisse vers le bas, les exilés de Calais espèrent toujours sortir du camp de Calais. Le point sur les dernières annonces du gouvernement et ses perspectives catastrophiques d’ici le printemps 2016.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans LA RÈGLE DU JEU.

Alors que nous rappelions en début d’année que se jouait à Calais la réussite du projet européen par une gestion communautaire de la répartition des migrants, l’État s’enfonce dans la pire crise migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale.

Dix jours après la première réduction du camp, la Préfecture persiste et signe un nouvel arrêté annonçant la destruction complète de sa partie sud dès la semaine prochaine. Conduisant à l’anéantissement des deux tiers du camp en populations et services – la moitié en taille.

Seront bientôt rasés l’école inaugurée la semaine dernière, le centre juridique opérationnel depuis le début de l’année ainsi que trois points de distribution indispensables à l’alimentation. L’État détruit donc aujourd’hui ce qu’il a refusé de faire, et que les associations ont construit à sa place depuis des mois.

Expulsant officiellement 1000 migrants – le double est en réalité concerné par cet arrêté – la volonté du gouvernement vise à forcer l’occupation des 700 places encore vides du centre d’accueil composé de containers alignés et empilés derrière des grillages.

Refusant la mise en boîte, les 1300 autres, rejoints par l’afflux de migrants attendu au printemps, se disperseront probablement dans de plus petits camps comme celui de Grande-Synthe. Comparable dans ses conditions à Calais il y a six mois, il est un moyen pour l’État de déplacer le problème.

C’est donc cette fois près de Dunkerque, au bruit des bulldozers et des sirènes, de l’odeur des poubelles et des lacrymogènes, que sont réunis 2000 âmes, bientôt le double si le démantèlement de Calais continue, dans un camp de réfugiés qui n’en a pas le statut mais la couleur.

Grande-Synthe dispose d’un accès toujours très problématique. Certains bénévoles s’y voient refuser de façon discrétionnaire l’accès par la gendarmerie, sous prétexte qu’il faudrait une autorisation signée de la mairie. Un accès inconditionnel permettrait pourtant aux bénévoles, en pleine trêve hivernale, de livrer le matériel nécessaire à la construction d’abris solides.

Grande-Synthe est ainsi non conforme aux procédures imposées par les Nations Unies, et d’ailleurs à une bonne vingtaine d’autres procédures françaises. C’est pour cette raison qu’un camp voisin est en cours de construction. A peine plus respectueux du droit international, ses immenses tentes blanches se sont déjà envolées aux premières intempéries. Éloignant les réfugiés de la ville pour les placer au bord de l’autoroute, il a au moins le mérite d’offrir un message clair.

Grande-Synthe est composé d’exilés principalement kurdes d’Irak et afghans. Ces nouveaux harkis qui ont aidé les Forces de l’armée française entre 2001 et 2012 se retrouvent ainsi abandonnés aux filières de passeurs entretenant les pires réseaux criminels d’Europe.

Face à ce recul de l’État, les avocats se mobilisent comme jamais. Outre l’assistance que nombreux apportent déjà aux réfugiés, un appel à la solidarité de tous les barreaux doit voir le jour pour financer une maison d’accès au droit dans le camp. Un témoignage éclatant du serment prêté d’humanité.

Par Pierre Farge, avocat.

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