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Le confinement que nous vivons depuis bientôt une semaine sera prolongé et durci par un confinement total dans les prochains jours. L’État s’organise pour normaliser l’exception, et nous faire passer d’une société libérale à une société « de dictature de coronavirus » jusqu’à fin avril, au moins.

Article de Maître Pierre Farge publiée dans La Tribune

« Confinement », le mot commence mal. Pourtant nous y sommes. Et cela peut encore empirer. Pour que le confinement endigue le coronavirus, nous savons qu’il doit durer au moins six semaines. L’exemple de la Chine suffit à en témoigner : le 19 mars, le pays n’annonçait aucun nouveau cas local.

Sans revenir sur la question de savoir pourquoi les mesures de confinement ne sont pas uniformes au sein de l’Union européenne – autorisant par exemple les Allemands et Néerlandais à circuler librement chez eux, mais les Espagnols et Italiens à rester confinés, ou les enfants britanniques à continuer à aller l’école, alors que la plupart de leurs camarades européens n’y vont plus, voire à constater l’ouverture des magasins en Suède alors qu’ils sont fermés ailleurs -, la question se pose de savoir jusqu’à quand le confinement va-t-il durer, et comment ses conditions pourraient se durcir.

Sur la durée

Malgré les beaux jours, et l’heure d’été prochaine promettant de rendre les journées plus longues, le gouvernement prépare la prolongation du confinement de 15 jours à au moins 4 semaines supplémentaires sous forme de confinement total.

Pour ce faire, un projet de loi habilitera l’exécutif à légiférer par ordonnance pour prendre toute mesure permettant de faire face notamment aux conséquences de nature administrative ou juridictionnelle de la propagation du coronavirus.

Le titre II de ce texte prévoit par exemple la création d’un régime d’état d’urgence sanitaire permettant de fonder toute mesure réglementaire ou individuelle limitant certaines libertés afin de lutter contre l’épidémie.

Plus précisément, l’article 5 prévoit notamment que :

« la déclaration de l’état d’urgence sanitaire donne au Premier ministre le pouvoir de prendre par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la Santé, les mesures générales limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tous biens et services nécessaires afin de mettre fin à la catastrophe sanitaire (…). Ces mesures peuvent inclure l’interdiction du déplacement de toute personne hors de son domicile dans la zone géographique qu’elles déterminent ».

Des mesures kafkaïennes sont donc à venir, visant à restreindre nos libertés individuelles pour une durée inconnue et probable de six semaines au total.

Cette loi devrait ensuite permettre au gouvernement d’entériner le passage au confinement total dès l’inscription du décret au journal officiel pour entrer en vigueur dès le lendemain. Tout cela en tout cas en début de semaine prochaine.

Sur la fermeté

A ce jour, le confinement de 15 jours est généralisé à notre domicile par une interdiction d’en sortir sauf motifs impérieux, et par la fermeture de tous les lieux de vie collectifs.

Mais ces mesures n’ont pas convaincu tout le monde de la gravité de l’épidémie, certains quartiers de Paris continuant à avoir une vie sociale, ou certaines plages remplies d’estivants. Face à cette population inconsciente, la guerre sanitaire peut se transformer en confinement total avec un risque de déploiement de l’armée.

Autrement dit, nous aurons exactement ce que nous voulions éviter, entrainant les pires mesures pour nos libertés.

Par exemple, si l’on s’en tient à ce qui a été disposé en Chine ou en Italie, nous pouvons imaginer la mise en place de prérogatives exceptionnelles soutenues par une technologie de surveillance basée sur une sorte de tracker de nos smartphones, ou encore des barrages de quartier, voire de couvre-feu à compter de 18h.

L’Italie est en effet là où nous en serons dans quelques jours, avec des courbes de l’épidémie parallèles, quelques pas devant nous dans la ligne du temps. Ce pays d’âme qui se comportait comme on se comporte aujourd’hui en France, affirmant qu’il ne s’agissait « que d’une petite grippe », avec éventuellement « quelques complications pour les plus fragiles », mais compte aujourd’hui plus de 600 morts par jour.

Alors que l’on apprend qu’une des conséquences à moyen terme du Covid-19 serait la perte de l’odorat et du goût, assumons donc quelques temps de sacrifier notre goût de la liberté pour relativiser nos besoins, apprécier la vraie nature des êtres, prendre conscience de l’absurdité de la vie, voire reprendre du temps pour nous.

Et, comme la planète se remet à respirer grâce à la diminution des émissions de CO2, nous soufflerons.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

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