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Lettre ouverte sur l’installation d’un centre d’hébergement dans le Bois de Boulogne

En réponse à Morane Shemtov (*) et Pierre Cazeneuve, Pierre Farge signe une lettre ouverte sur l’installation d’un centre d’hébergement dans le Bois de Boulogne.

Avocat, engagé dans la cause des réfugiés, il a attendu le seuil symbolique des 50.000 soutiens pour exprimer sa préoccupation de la tournure que prend le débat du microcosme parisien au regard des enjeux de la crise migratoire européenne.

Article publié par Maître Pierre Farge dans MEDIAPART

« Chère Morane,

En octobre 2015, et encore aujourd’hui, j’étais dans le camp de Calais pour assister les réfugiés dans leurs demandes d’asile et dénoncer le désengagement de l’État dans la crise migratoire européenne.

Après ces jours et ces nuits passés au bruit des bulldozers et des sirènes, de l’odeur des poubelles et des lacrymogènes, me voici de retour dans le XVIème comme on dit, avec un début de légitimité pour parler de la réalité boueuse des migrants et témoigner de cette réunion à l’Université Paris-Dauphine.

Comme la moitié des riverains, j’ai d’abord été refusé à l’entrée. Pour autant, je n’ai vu autour de moi aucune révolte mais de l’indignation.

Pendant que cette foule prenait son froid en patience, j’ai réussi à pénétrer, à la faveur d’un agent de sécurité, à l’intérieur de l’établissement, puis, à la faveur de Laurent Batsch, dans l’amphithéâtre où se tenait le débat. Et je n’ai pas retrouvé les nantis extrémistes que vous décrivez.

On a toujours tort d’être en colère. Les circonstances qui provoquent cette colère ne l’excusent pas mais permettent de l’expliquer.

1. Le bois de Boulogne n’est pas constructible. La mairie de Paris construit.

2. Les principes chers à notre République dans le culte, au moins verbal, des droits de l’Homme imposent de discuter avant de décider. La mairie de Paris décide avant de discuter.

3. Lorsque l’on organise un débat public, le bon sens impose d’ouvrir les portes à cet entier public. La mairie de Paris ne l’a pas permis.

En somme, en droit, on construit sur de l’inconstructible, on débat après avoir voté et l’on invite au débat après avoir placé la moitié des participants, contre toute attente, hors d’atteinte.

On bafoue la loi au prétexte de nobles fins et l’on continue de mentir sur la durée de ce centre d’hébergement provisoire qui n’a de provisoire que le nom. Car vous le savez, ce projet sera un nouveau Vincennes reconduit après cinq ans.

• Parce qu’il est essentiel de faire « entendre une autre voix » dites-vous, commençons par celle des élus locaux et des riverains. Le « respect d’autrui », « l’accueil » et le « partage » commencent là ;

• Parce qu’il est bon de s’engager pour soutenir « quelque chose » poursuivez-vous, engageons-nous par une approche plus juridique que politique ;

• Et parce qu’avant de loger deux cents migrants dans le XVIème, il faut consacrer toute notre énergie aux trois millions qui arriveront en Europe d’ici la fin de l’année ;

Discutez et partagez avant de décider. »

Pierre Farge.

(*) Morane Shemtov étudiante de Dauphine ayant lancé la pétition Oui au centre d’hébergement pour SDF dans le Bois de Boulogne !

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