Le Projet de Loi de Finances pour 2020 est arrivé vendredi à l’Assemblée nationale. En écho à la hausse contre la fraude hissée parmi les revendications du Grand débat national, il est urgent d’ici le 15 novembre de faire des amendements au PLF 2020 qui offrent une protection aux lanceurs d’alerte. L’enjeu est de permettre un recouvrement sans précédent en faveur du budget de l’État qui se chiffrerait en milliards d’euros.
En pratique, les modalités de leur indemnisation fait l’objet d’une approche au cas par cas souffrant de nombreuses carences :
– à commencer par une limitation de l’indemnisation aux seules infractions de fraude fiscale, excluant toute possibilité d’exploiter l’information d’un aviseur révélant des faits hors champ du dispositif comme du blanchiment ou une fraude à la TVA;
– aussi, aucun barème, ni grille de rémunération n’ont été prévus ou publiés, rendant l’indemnisation discrétionnaire et donc opaque de l’administration, qui ne rend compte à personne de ses arbitrages, que ce soit au Parlement, ou à la Cour des comptes;
– enfin, l’indemnisation est soumise à un plafond de seulement un million d’euros par affaire.
Six propositions
Un premier rapport d’information rédigé par Christine Pires Beaune publié le 5 juin 2019 prévoit six propositions pour améliorer les règles en vigueur du statut d’aviseur fiscal. Parmi les plus importantes, celles répondant à ses faiblesses, à savoir:
1) Étendre le champ des manquements aux opérations portant sur la TVA, dont la fraude est estimée entre 10,7 et 16,6 milliards d’euros;
2) Supprimer le plafond d’un million d’euros applicable à l’indemnité, ce dernier limitant l’attractivité du dispositif.
3) Codifier le dispositif dans le livre des procédures fiscales afin d’apporter davantage de sécurité juridique.
4) En outre, mais cela ne figure pas encore au rapport, dans le respect des principes républicains, il est déterminant d’instaurer un barème obligeant l’administration à ne plus fixer discrétionnairement l’indemnisation, autant que de pouvoir rendre compte devant les représentants du peuple du montant des sommes recouvrées par rapport à l’indemnisation de ceux ayant permis ce recouvrement.
Sur ce point, rappelons la question très claire d’un député au ministre du Budget demandant la méthode de calcul, et à laquelle il était répondu: « L’indemnisation des aviseurs fiscaux (…) est proportionnelle à la qualité de l’information fournie ». Comment calculer cette « proportion » en l’absence de grille officielle formalisant de quelconques seuils? Qu’entend-on par « qualité », ou même « information »? S’agit-il de termes à comprendre comme le ministre les comprend, ou comme les comprennent les services sous sa tutelle censés les appliquer?
En dépit d’un accueil favorable du gouvernement en début d’été, et d’un soutien unanime des parlementaires en raison des premiers résultats encourageants du dispositif (100 millions d’euros dans les caisses de l’État en deux ans), aucune de ces propositions n’est pour autant reprise dans le Projet de loi de finances 2020 arrivé vendredi 27 septembre à l’Assemblée nationale.
C’est pourtant ce secours financier qui est clef de voûte des révélations des aviseurs. Il permet de faire face au changement de vie, au licenciement, à l’impossibilité de retrouver un emploi, à la nécessité de se défendre en justice face aux procédure bâillon, voire aider à accepter les représailles en tous genres dans lequel peut être plongé l’aviseur plusieurs mois ou années durant.
Ce secours financier clair et transparent permettrait donc de convaincre les aviseurs encore frileux à partager leurs informations en l’absence de véritablement garanties, et représentant à mon seul cabinet d’avocats, dans trois dossiers, un potentiel de recouvrement entre 8 et 10 milliards d’euros.
Ce secours financier est l’occasion de maîtriser notre fiscalité et tenir les objectifs de politiques publiques sans que cela ne pèse sur qui que ce soit d’autre que les fraudeurs.
Une perspective d’autant plus fidèle aux attentes des français telles que révélées dans le Grand débat national.
Protéger la spoliation organisée du bien public
Le lancement d’une alerte ne consiste donc pas à se poser la question dérangeante de savoir s’il vaut mieux résister ou collaborer. Mais donne plutôt la possibilité à chacun de pouvoir protéger la spoliation organisée du bien public, les dysfonctionnements de nos États, et ainsi contribuer à l’intérêt général, à renforcer l’égalité, et encourager la conscience démocratique.
Ce paradigme est tout à fait possible: il tient au dépôt de quatre amendements au PLF 2020 (extension du champ de l’indemnisation à la TVA, déplafonnement du million d’euros, création d’un barème et codification de l’ensemble).
Le texte objet de ces quatre amendements est arrivé à l’Assemblée nationale vendredi 27 septembre 2019, jusqu’au 15 novembre 2019 avant sa navette au Sénat, et son adoption définitive fin décembre.
Nous avons donc exactement un mois et demi pour agir.
Pierre Farge, avocat à la Cour, spécialisé dans la cause des lanceurs d’alerte.