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OPINION : plutôt qu’un tribunal franco-français jugeant nos ministres, il faudrait avoir le courage d’exiger une enquête en Chine, responsable de la crise actuelle.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints 

Des milliers de plaintes déposées devant la Cour de justice de la République

Des milliers de plaintes sont déposées devant la Cour de justice de la République contre des membres du gouvernement, et les actions en justice contre les élus continuent de se multiplier dans le cadre de présumées négligences de l’action publique à gérer la crise du Covid-19.

Déjà l’an dernier, nous alertions sur les risques de dérive populiste :

Coronavirus : faut-il porter plainte contre les élus ?

Peut-on espérer qu’au moins ces plaintes aboutissent ?
Faut-il s’attendre à de grands procès ?

L’Assemblée nationale et le Sénat ont mis en place des commissions d’enquête aux pouvoirs étendus et aux missions spécifiques, notamment aux fins d’évaluer les erreurs que le gouvernement aurait pu éviter dans le cadre de la crise du Covid-19.

L’ouverture de ces commissions d’enquête parlementaire marque une pratique tout à fait récente dans l’histoire française.

La commission d’enquête sur l’affaire Benalla avait par exemple été la première du genre sous la Cinquième République.

La mode des commissions d’enquête parlementaire

Obéissant sans doute à un effet de mode, l’exécutif réalisait l’an dernier son propre audit sur sa gestion de la crise.

Le gouvernement souhaite se pencher sur les efforts fournis aux côtés de l’administration dans le cadre d’un « travail indépendant et collégial » (chacun appréciera cette idée à la lumière de la séparation des pouvoirs).

Sans polémiquer, je pense qu’il revient plutôt d’écarter tout risque de dérive populiste visant à accabler tel ou tel élu, ou tel ou tel ministre, des initiatives qu’il aurait eu, ou n’aurait pas eu dans l’exercice de ses fonctions.

La Cour de Justice de la République à réformer

Ce rôle revient en effet à la Cour de justice de la République.

Et l’exercice de cette voie de recours assure qu’elle reste très limitée au regard du nombre important de classements sans suite, du délai énorme d’instruction des affaires lorsque les poursuites sont engagées – et traduisent finalement les intéressés lorsqu’ils n’ont souvent plus de mandat -, sans parler des victimes qui ne peuvent se constituer partie civile.

L’exercice de cette voie de recours est d’autant plus regrettable qu’il aggrave le rapport déjà tendu entre politique et magistrat, parasitant qui plus est le rôle de la justice dans la gestion de la crise sanitaire.

Avec la masse inédite de plaintes déposées devant la Cour de justice de la République, révélant donc ses lacunes, une réforme serait bienvenue.

En attendant, sans plaider pour une totale irresponsabilité pénale de nos politiques, rappelons plutôt qu’ils ont fait ce qu’ils pouvaient, avec les informations incomplètes et souvent contradictoires dont ils disposaient.

Ils ont pris des décisions à certains moments, avec des arguments fondés, assumant la part de risque, et expliquant l’impératif d’avancer.

Le pire dans cette crise aurait été de ne prendre aucune décision.

Le pragmatisme impose plutôt aujourd’hui de se relever économiquement, et ce n’est pas un ministre derrière les barreaux qui le permettra.

L’impunité de la Chine

Dans une tribune parue dans Le Figaro – Un État peut-il déposer plainte contre la Chine ? – et co-signée avec ma consœur Odile Madar, nous déplorions en droit le peu de recours envisageables devant les instances internationales, et nous appelions à une coalition d’États occidentaux pour imposer une enquête indépendante sur le territoire chinois, sur l’exemple malheureusement resté isolé de l’Australie.

Un État peut-il déposer plainte contre la Chine ? – Le Figaro Magazine

Ce sentiment d’impunité de la Chine devant les instances internationales est sans doute à l’origine de son silence coupable : elle s’est autorisée à manœuvrer, à mentir au monde entier, parce qu’elle savait qu’elle n’aurait pas à répondre devant aucune instance.

L’origine de ce virus est avant tout chinoise, la Chine en a volontairement caché l’origine et la gravité pendant de longues semaines qui auraient pu éviter la propagation que nous connaissons aujourd’hui.

C’est donc vers elle qu’il revient de se tourner en exigeant une enquête indépendante qu’elle se refuse curieusement à tenir jusqu’à aujourd’hui, promettant plutôt de le faire lorsque l’épidémie sera terminée et les preuves détruites.

Coronavirus : faut-il sanctionner la Chine ? – Pierre Farge à BFM TV

En exigeant encore l’engagement de sa responsabilité pour le mensonge, en exigeant des comptes pour les milliards de frais auxquels elle nous a contraint, et nous obligera encore longtemps.

Plutôt qu’un tribunal franco-français jugeant nos ministres, c’est cette solidarité de tout le pays parlant d’une seule voix dans le monde qui permettra de se reconstruire.

Nous pouvons être le pays qui redonne confiance et courage en exigeant une enquête en Chine pour la contraindre à accepter une enquête indépendante.

Nous sommes la France aux yeux du monde et nous avons tout à gagner en exigeant cette enquête avec nos partenaires européens.

La question de représailles commerciales éventuelles de la Chine peut évidemment se poser.

Toutefois, les chiffres ne donnent pas raison : la Chine n’est que la septième destination des investissements français à l’étranger, et ne représente que 15 % du volume des échanges avec l’Union européenne. La majorité de notre commerce est intra-européen.

Seul un courage politique et une solidarité mondiale pour imposer une enquête indépendante sur le territoire chinois, pour acter l’origine de cette catastrophe mondiale permettront d’en prévenir une nouvelle.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris,
Auteur du livre Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur paru aux éditions J.C.Lattès

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