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Actualités Farge Associés

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lanceurs d’alerte, droit fiscal, droit pénal, pro-bono, culture…

Coronavirus : faut-il sanctionner la Chine ? – Pierre Farge à BFM TV

Coronavirus : faut-il sanctionner la Chine ? – Pierre Farge à BFM TV

Peut-on sanctionner la Chine sur sa gestion de l’épidémie de coronavirus ?  C’est en tout cas la question que se sont posé Pierre Farge, avocat au barreau de Paris, et Odile Madar dans l’Express de ce jeudi 23 avril.

Sur le plateau de BFM TV aujourd’hui, il répond aux questions que posent la situation actuelle :

  • D’où vient le virus?
  • Y a t’il des responsabilités à établir et des réparations à exiger ?
  • Quels sont les éléments que l’on pourrait reprocher à la Chine ?
  • Pourrait on juridiquement engager la responsabilité de la Chine devant les instances internationales ?

Maître Pierre Farge propose également des pistes pour sortir du vide juridique international actuel.

REPLAY VIDÉO ci-dessous :

BFM TV, 1ère chaine d’information en continu de France sur le canal 15 de la TNT et sur BFMTV.com.

Covid-19 : peut-on déposer plainte contre la Chine ? – L’Express

Covid-19 : peut-on déposer plainte contre la Chine ? – L’Express

Suite à la multiplication des critiques contre la Chine, deux avocats imaginent différents scénarios juridiques pour réclamer des dommages et intérêts. Compliqué…

Article de Pierre Farge et Odile Madar publié dans L’Express

Tout a commencé à un seul endroit, à Wuhan, en République populaire de Chine à la fin de l’année 2019.

Le Covid-19 est mentionné pour la première fois le 17 novembre par les autorités locales, et le 30 décembre, le premier rapport de séquençage génétique de l’agent pathogène indique la découverte du coronavirus.

En dissimulant pendant plusieurs semaines la réalité de la létalité de l’épidémie, Pékin a une forte responsabilité dans sa propagation mondiale.

Le pays a minimisé la gravité du virus ; d’abord en prétendant qu’il n’était pas transmissible d’homme à homme, mais simplement d’animal à homme, et par contamination alimentaire ; puis en annonçant très tardivement la nature de la maladie ; enfin, en bridant tous les moyens de circulation de l’information non officielle.

Nous le savons : la Chine n’est pas connue pour la fiabilité de ses statistiques, et son manque de transparence génère depuis toujours de la défiance.

Et pour cause, un examen détaillé de la chronologie des faits, rapportés tant par les médias que les ONG et autres lanceurs d’alerte, démontre que si la Chine avait partagé des informations complètes, le nombre de décès dans les pays étrangers aurait pu être quasiment nul.

Une étude de l’université de Southampton révèle par exemple que si la province du Hubei avait appliqué des mesures de quarantaine strictes trois semaines plus tôt, la propagation du virus aurait été réduite de 95%.

Ce n’est donc que le 11 mars 2020 que l’OMS a déclaré la pandémie mondiale et a commis l’erreur fatale de faire confiance au régime chinois.

La riposte ne s’est pas fait attendre : le président américain, premier bailleur de l’organisation, a décidé de suspendre son financement annuel de près de 500 millions de dollars, l’accusant d’être trop proche de la Chine.

Plusieurs voies juridiques

La question de la responsabilité de la Chine, qui soulève celle de la réparation des dommages subis, se pose nécessairement. Mais comment agir ? Comment ne pas laisser impuni ce silence fautif ? Et devant quelle autorité se pourvoir ?

Le think tank britannique Henry Jackson Society, proche du parti conservateur, préconise plusieurs voies juridiques pour réclamer des dommages et intérêts à la Chine. Déjà plusieurs politiques anglais et américains ont exigé de leurs gouvernants des poursuites contre le gouvernement chinois devant les tribunaux, en estimant que le nombre de milliards dépensés dans cette « guerre » aurait pu être évité si la Chine avait été plus transparente. L’État du Missouri est le premier à l’avoir fait le 21 avril dernier.

Juridiquement, ces actions ont légalement peu de chances d’aboutir.

Le premier outil mis à la disposition des États est le Règlement sanitaire international qui régit le droit mondial de la santé. Ce RSI confère aux Etats le devoir d’agir pour prévenir la propagation de maladies infectieuses.

La notification de pandémie doit être rapide sur la base d’informations précises et complètes.

Wuhan et le Hubei ont enfreint les articles 6 et 7 de ce règlement en omettant de divulguer des données qui auraient révélé la preuve de la transmission interhumaine et ont attendu près de trois semaines avant de le faire. Mais le RSI ne prévoit pas de sanctions pour les États qui ne respectent pas ses dispositions.

La Cour internationale de justice, principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies (ONU), pourrait alors entrer en jeu. C’est sans compter que seuls les États se soumettant de manière volontaire à ce droit international doivent le respecter. Autrement dit, il est peu probable que la Chine se soumette à cette compétence en vue d’une probable condamnation, et donc toute saisine de la Cour internationale de justice sera rejetée.

La Chine et la justice internationale

La Cour pénale internationale pourrait, quant à elle, être compétente pour juger d’un crime contre l’humanité.

Elle examine d’ailleurs actuellement deux signalements d’États membres liés au Covid-19. L’un vise les décideurs chinois, l’autre le chef d’Etat brésilien Jair Bolsonaro.

Ces signalements s’appuient sur l’article 7 du statut de Rome définissant les crimes contre l’humanité en « une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile » ou « des actes inhumains » causant « intentionnellement des grandes souffrances« .

S’il n’est pas possible de déposer une plainte pénale devant la Cour pénale internationale en tant que personne physique (cela étant réservé aux États), tout particulier peut en revanche lui faire remonter des renseignements.

Le procureur, s’il les juge sérieux, peut alors ouvrir une enquête sur cette base. Cela dit, la Cour pénale internationale devant constater l’élément intentionnel, il sera néanmoins difficile de qualifier une préméditation du gouvernement chinois visant à tuer des vies humaines dans le cas du Covid-19.

En tout état de cause, il est peu probable que la Chine se soumette à la justice internationale, et cherchera par tous moyens à éviter la responsabilité judiciaire de ses actes. C’est sans doute l’une des raisons du silence du Conseil de sécurité des Nations Unies, dont la Chine assume la présidence depuis mars 2020.

La dernière polémique sino-américaine en est le meilleur exemple : les États-Unis ont demandé à inscrire l’origine du virus comme étant chinois dans les textes officiels, ce qui a été refusé fermement par les autorités chinoises, malgré l’évidence.

Sentiment d’impunité

Ce déni d’une quelconque responsabilité souligne l’enrayement de la mécanique onusienne, et la faillite du multilatéralisme institutionnel. Compte tenu du front commun russo-chinois, il y a donc fort à parier que seules des résolutions déclaratoires, et non coercitives, verront le jour.

L’épisode du Covid-19 a dévasté l’économie mondiale et tué des centaines de milliers de personnes.

La Chine a fait taire ses lanceurs d’alerte et aujourd’hui le régime de Pékin veut apparaître comme un soutien aux pays touchés. De responsable, il veut devenir sauveur.

Pourtant, comment ne pas sanctionner ce pays qui a bâillonné un médecin lanceur d’alerte quand ce dernier a révélé, deux mois avant tout le monde, ses inquiétudes concernant la propagation du virus, et ce juste avant de mourir ?

Comment ne pas sanctionner ce pays où les journalistes locaux affirment avoir tout aussi peur du virus que de leur gouvernement ?

Comment ne pas laisser enfin ce sentiment d’impunité à un pays qui curieusement se refuse depuis des années d’adhérer à tous les organismes de justice internationale ?

Si la communauté internationale n’agit pas maintenant pour éclaircir les « zones d’ombre », quand le fera-t-elle ?

Vide juridique

Malheureusement, le droit international est défaillant sur ce sujet. Un vide juridique à souligner dans ces circonstances exceptionnelles.

Aucun levier légal ne semble exister pour rendre justice.

Pour autant, il ne faut pas se décourager : des sanctions économiques et douanières sont encore possibles ; de même que des offensives diplomatiques, et une pression morale constante, doivent permettre à la Chine de rendre des comptes à la communauté internationale.

Il faut donc du courage et de la solidarité mondiale pour imposer des enquêtes indépendantes sur le territoire chinois, pour acter l’origine de cette crise, la comprendre, et ainsi éviter qu’elle ne se reproduise à l’avenir.

Ce qui rappelle ce mot de Churchill selon lequel « un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre« .

Pierre Farge et Odile Madar

Les assureurs pointés du doigt dans la crise sanitaire

Les assureurs pointés du doigt dans la crise sanitaire

Depuis le début du confinement, les assurances sont pointées du doigt en raison de leur refus d’indemniser leurs assurés au titre de la perte d’exploitation sans dommage comme le précise pourtant le contrat.

Tribune publiée par Maître Pierre Farge dans Contrepoints

Depuis l’annonce il y a un mois du président de la République abordant le sauvetage de l’économie dans le cadre de la crise sanitaire, tous les secteurs d’activité se sont mobilisés pour apporter leur aide aux Français. Tous, sauf un : celui des assurances, qui se fait encore discret pour soutenir le tissu économique du pays constitué essentiellement de PME et TPE.

Depuis le début du confinement, les assurances sont pointées du doigt en raison de leur refus d’indemniser leurs assurés au titre de la perte d’exploitation sans dommage comme le précise pourtant le contrat.

Le refus des assureurs de prendre en charge les pertes d’exploitation

En théorie, l’assurance des pertes d’exploitation vise en effet à permettre à une entreprise, en cas de sinistre, de compenser les effets de la diminution de son chiffre d’affaires et d’assumer ses charges fixes en couvrant les frais généraux permanents.

Nombreuses étaient donc celles qui comptaient sur cette clause pour faire face à l’arrêt partiel ou souvent total de leur production compte tenu du confinement imposé par l’exécutif.

Or, les entreprises sont confrontées au refus de toute aide de la Fédération Française des Assurances, au prétexte d’une mutualisation qui ne serait plus en mesure de fonctionner ; à savoir, ce principe selon lequel, en temps normal, les assurés n’ayant pas de sinistre financent par leur cotisation ceux des autres.

La crise sanitaire ne permettrait ainsi plus la mutualisation au regard de l’étendue du sinistre, touchant toute la population au même moment.

Et d’ajouter que le montant global des pertes d’exploitation s’élève à près de 60 milliards d’euros, montant qui « mettrait le secteur de l’assurance par terre ».

Quoique ce chiffre soit discutable, rappelons encore qu’une telle position ignore totalement les réserves et autres capitalisations du secteur, à peu près du même montant, sinon supérieures, à celui nécessaire pour prendre en charge ces pertes d’exploitation et relancer l’économie.

Au lieu de cela, la FFA se contente à ce jour de promettre de contribuer au fonds de solidarité de manière epsilonesque à hauteur de 400 millions d’euros.

La justice saisie

Un restaurateur parisien propriétaire de plusieurs tables dans toute la capitale s’apprête à saisir la justice face au refus de son assureur d’indemniser sa perte d’exploitation conformément au contrat et consécutive aux fermetures administratives dont ses établissements font l’objet depuis le 14 mars 2020.

En réponse, l’assureur met en avant deux arguments. À savoir, qu’une fermeture d’entreprise, de commerce ou de restaurant imposée par le gouvernement n’est pas un aléa, et que celui-ci est l’un des éléments de validité du contrat d’assurance. Dans ce sens, la pandémie, de par « son caractère systémique et global », empêche toute mutualisation, l’ensemble de la population étant impactée en même temps.

Bien que ces arguments paraissent fragiles pour écarter la prise en charge des pertes d’exploitation, il revient dès lors à se poser la question de l’état de catastrophe naturelle, seul à même de garantir aux assurés leur prise en charge de façon certaine.

La pandémie, une catastrophe naturelle ?

Sans présumer des débats judiciaires sur la prise en charge de la perte d’exploitation, un certain nombre de PME, de producteurs et artisans de bouche français ont appelé le président de la République à décréter l’état de catastrophe naturelle sanitaire de toute urgence.

Ces PME considèrent ce statut comme étant le seul moyen de responsabiliser les assureurs conformément à l’alinéa second de l’article L. 125-1 du Code des assurances : « … si l’assuré est couvert contre les pertes d’exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles dans les conditions prévues au contrat correspondant. »

Dès lors, la garantie de perte d’exploitation trouve de fait à s’appliquer en cas de catastrophe naturelle, et permettrait donc aux entreprises assurées à ce titre de faire face sans que les assurances ne puissent discuter.

Cette réflexion revient donc à s’interroger sur l’origine naturelle du virus, une question faisant d’autant plus débat au lendemain de la polémique autour de la manipulation chinoise présumée du Covid-19, dans le laboratoire P4 notamment.

La réponse apportée à cet état de catastrophe naturelle sera donc éminemment politique.

Dans ces conditions, est déterminant le lobbying des syndicats de PME, de petits commerçants, ou autres restaurateurs, constituant, rappelons-le, le tissu économique du pays.

Ce sont eux, par exemple concernant les loyers commerciaux, qui ont convaincu le gouvernement de l’importance d’une exonération des loyers, permettant récemment cette annonce symbolique d’une foncière immobilière venant de décider, magnanime, d’annuler les loyers dus pour la période du 15 mars au 15 mai 2020, pour tous ses locataires en France, à l’exception des commerces ouverts.

C’est d’ailleurs dans ce sens que le président de la République mettait en garde lors de sa dernière allocution du 13 avril 2020 : « … les assurances doivent aussi être au rendez-vous de cette mobilisation économique. J’y serai attentif. »

Pierre Farge, Avocat à la Cour.

Locataires : le décalage entre discours politique et réalité juridique

Locataires : le décalage entre discours politique et réalité juridique

Suite à une multitude de demandes de locataires s’interrogeant sur la suspension de leurs loyers telle qu’annoncée par le Président de la République le 16 mars dans son allocution relative à la crise sanitaire, revenons sur la différence entre discours et réalité des décrets qui ont suivi.

Article de Maître Pierre Farge publié dans Contrepoints

Suite à une multitude de demandes de locataires s’interrogeant sur la suspension de leurs loyers telle qu’annoncée par le Président de la République le 16 mars dans son allocution relative à la crise sanitaire, revenons sur la différence entre discours et réalité des décrets qui ont suivi. Force est de constater que la suspension généralisée des loyers reste une idée loin de la réalité.

Pour répondre aux bailleurs et locataires inquiets quant au paiement de leurs loyers, reprenons la chronologie des évènements, à commencer par l’allocution du président de la République le 16 mars 2020 assurant que « Les factures d’eau, de gaz ou d’électricité, ainsi que les loyers devront être suspendus ».

Suspendus, vous avez bien entendu. Le mot a été lancé.

C’est donc avec une attention particulière que l’on examine la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 du 23 mars 2020, et notamment son article 11g  permettant au gouvernement « de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être  appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des  microentreprises […] ».

La loi précise donc l’allocution : par « suspension », il faut en réalité entendre « report intégral ou étalement des loyers ». Dès lors, il fallait attendre les ordonnances du 25 mars 2020, que le gouvernement était désormais habilité à prendre, pour en savoir davantage.

En l’occurrence, son article 4 confirme la contradiction par rapport au discours présidentiel : il n’est plus question de suspendre tout loyer durant le confinement, mais d’empêcher d’encourir des « pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou  cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives  afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux […] ».

En résumé, il n’est pas question d’une « suspension des loyers » telle qu’annoncée le 16 mars par le président de la République, mais d’aménagement des délais de retards de paiement.

Dans ces conditions, il faudra impérativement concilier ces annonces contradictoires avec la pratique des tribunaux, certainement saisis dans les mois à venir par un bailleur qui se servirait du non-paiement de loyer pour activer les clauses résolutoires du contrat.

S’il n’y a plus en théorie de « suspension de loyers », il se peut dès lors,

  • qu’en procédure de référé, des délais soient accordés largement et quasi-systématiquement aux locataires qui en feront la demande, même lorsque ces derniers ne justifieront pas remplir toutes les conditions ;
  • qu’en procédure au fond, ce soient les dispositions plus générales du droit des
    contrats qui aient vocation à être débattues, à savoir, notamment, la force majeure, l’imprévision, ou l’exception d’inexécution.

Des errements législatifs et réglementaires qui promettent donc d’engorger un peu plus les tribunaux.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

Locataires : le décalage entre discours politique et réalité juridique

Le confinement a été décidé trop tard : lettre ouverte au Premier Ministre

Le confinement a été décidé trop tard : lettre ouverte au Premier Ministre

Une conférence de presse organisée le 28 avril dernier devait permettre au Premier Ministre de s’expliquer sur la gestion de la crise du coronavirus. Le ton, autant que le contenu utilisés ont révolté l’avocat Pierre Farge. S’inquiétant d’un comportement menaçant sur fond d’état d’urgence et de confinement, il s’exprime sous forme de lettre ouverte à Édouard Philippe.

Lettre ouverte de Maitre Pierre Farge publiée sur Mediapart

Monsieur le Premier Ministre,

Vous avez donné, accompagné du ministre de la Santé, le 28 avril dernier une conférence de presse se voulant une « opération de transparence et d’explications face à une confiance des Français qui s’érode dans la crise du coronavirus ».

Dans ce cadre, vous avez fermement insisté sur la décision de confinement, rejetant les critiques, de plus en plus nombreuses, sur une mesure prise trop tard.

Sur un ton et une gestuelle professorale devant un journaliste – mué, ou éberlué – et des français – tout aussi résignés, et confinés – qui seraient vos élèves, vous lâchiez : « je ne laisserai personne dire que la décision a été prise trop tard ».



 

Sans vouloir revenir sur ce qui a été fait dans la situation grave que nous vivons, appelant plutôt à la solidarité nationale, ces propos péremptoires, répétés de façon vertigineuse dans les menus déroulant de toutes les chaines d’info, méritent néanmoins une réponse. Ou plutôt une réaction. Une réaction en toute humilité, qui n’est ni celle du donneur de leçons, ni de l’affinité prononcée à la critique gratuite.

N’en déplaise donc : cette décision de confinement a bien été prise trop tard, beaucoup trop tard.

« Cette décision a été prise trop tard » au prétexte d’impératifs démocratiques tenant à une élection municipale maintenue au mépris des cris d’alarme du monde de la santé depuis des semaines, et confirmé en direct par l’Infectiologue de la Pitié-Salpêtrière le soir même de l’annonce du confinement.

C’est donc bien trop tard que le gouvernement prenait des mesures drastiques; alors même que l’Angleterre décidait de reporter ses élections d’un an; et alors même que in fine, un report aussi lointain que celui de juin du second tour pourrait entrainer une annulation de l’ensemble du scrutin. Tout recommencer au prix d’une propagation inutile de l’épidémie d’un dimanche du premier tour, quel gâchis !

« Cette décision a été prise trop tard » dans la mesure où un pays comme la Grèce, berceau de notre civilisation, que je connais un peu pour y garder une partie de ma famille, est entré en confinement après seulement 624 contaminés et 15 morts; réduisant donc à néant votre argument selon lequel notre confinement aurait été raisonnable comparé à nos voisins européens au regard de « moins de 8.000 cas confirmés en France, et moins de 200 décès ». Cela fait 13 fois plus de contaminés, et 14 fois plus de morts !

« Cette décision a été prise trop tard », au même titre que la commande de tests l’a été, témoignant donc bien d’un retard politique général dans la gestion de la crise. La France n’est en effet toujours pas livrée du matériel nécessaire pour procéder aux examens PCR, et autres sérologies permettant d’informer les personnes ayant été contaminés sans symptômes.

Il est par exemple insensé d’imaginer qu’une commande tardive de tests expliquera bientôt de nouvelles prorogations du confinement, voire justifiera un déconfinement par paliers discriminants par âge et par région. Tout cela est un mensonge d’État !

Alors que j’ai défendu, depuis le début de la crise, l’acceptation d’un confinement strict face à la diffusion exponentielle de ce virus, je n’arrive pas à trouver l’excuse de la maladresse à votre propos.

J’y vois plutôt une espèce de régression autoritaire pour légitimer, par l’intimidation, par la menace du doigt levé du « je ne laisserai personne », et donc par la force, une autorité affaiblie par sa propre inertie.

J’y vois une arrogance du politique face à un peuple défiant, qui fait craindre toutes les dérives de l’état d’urgence sur fond de rhétorique martiale et autres vertus militaires du Président de la République.

J’y vois le sentiment de toute puissance d’un Gouvernement autorisé à légiférer par décret, autrement dit les pleins pouvoirs d’un régime qui peut prendre toutes mesures restrictives de liberté, comme par exemple prolonger le confinement sans consultation du Parlement, ou suspendre les audiences du Conseil Constitutionnel, gardien, pourtant, de nos libertés.

J’ y vois l’accoutumance à ce qu’une mesure d’urgence devienne une mesure de droit commun.

J’y vois une mise à pied de notre liberté, sans encadrement dans le temps et sans garantie de rétablissement dans son intégralité dès la fin de la pandémie.

Alors qu’il est interdit à tous les français de partir en vacances, il nous reste la liberté d’expression, la liberté de questionner, de juger, de s’insurger et ne jamais oublier nos droits fondamentaux, face aux comportements choquants, menaçants, et révoltants.

C’est un combat collectif à mener pour concilier liberté, égalité, fraternité et responsabilité.

Rien n’est plus urgent en des situations aussi extrêmes.

Si votre comportement inquiétant renvoie finalement à l’étymologie même du mot « confinement », « cum finis », « envoyé aux limites, aux extrêmes », cela rappelle aussi cette réplique d’André breton selon laquelle « on ne prend pas sans danger des libertés avec la liberté ».

Pierre Farge

Quelles conséquences du report du second tour des municipales?

Quelles conséquences du report du second tour des municipales?

Au prétexte d’impératifs démocratiques, les élections municipales ont été maintenues. Le soir même, le gouvernement prenait pourtant des mesures drastiques aux antipodes avant le confinement total que nous vivons maintenant. Se pose la question de la régularité de pareilles élections. Comment, en droit, cette situation devrait-elle être réglée ?

Tribune de Maitre Pierre Farge publiée sur Mediapart

Au prétexte de velléités politiques et d’impératifs démocratiques, les élections municipales étaient maintenues. Le soir même, le gouvernement prenait pourtant des mesures drastiques aux antipodes avant le confinement total que nous vivrons maintenant pour un total de six semaines.

Sans polémiquer sur la légitimité d’appeler la France entière à voter, puis dès le lendemain ne plus sortir de chez elle en raison d’une pandémie, se pose la question de la régularité de pareilles élections. Comment, en droit, cette situation devrait-elle être réglée ?

Si le mot d’ordre depuis quelques semaines est de limiter au maximum les déplacements et de rester chez soi, il n’en demeure pas moins que les citoyens ont été appelés à voter malgré la pandémie à laquelle la France fait face.

Dans ces conditions, fort d’une abstention sans précédent de 55%, des voix politiques se sont élevées dès la fermeture des bureaux de vote pour remettre en question cette élection.

Le Président de la République a ensuite annoncé le report du second tour. Cela est-il vraiment possible en droit ? Et quelles en seront les conséquences ?

Rappelons tout d’abord qu’une annulation du premier tour, compte tenu du taux record d’abstention, ne saurait, en droit, justifier son annulation.

En effet, contrairement à certains pays, le vote en France reste un devoir civique et non une obligation.

La loi ne prévoyant pas ce que l’on appelle de « quorum » pour valider une élection, cette faible participation ne peut donc pas justifier d’une annulation du premier tour.

Compte tenu du confinement strict annoncé, et donc l’impossibilité à chaque citoyen de sortir de chez lui six semaines durant renouvelable, le Président de la République a donc annoncé un report du second tour.

Mais est-ce seulement possible?

Cette ambition oblige au vote d’une loi au Parlement en session extraordinaire. Cette même loi, qui serait une première dans l’histoire de la Vème République, devrait inclure deux articles, à savoir :

– Un article concernant la prolongation de la durée du mandat des maires sortant ; – Un article énonçant le décalage officiel de la date du scrutin.

Rappelons par exemple qu’en 1973, le second tour des élections législatives sur l’île de la Réunion avait été reporté d’une semaine en raison d’un cyclone. L’arrêté pris par le Préfet avait alors fait l’objet d’un recours devant le Conseil Constitutionnel, lequel jugeait que rien n’autorisait le préfet à prendre un tel arrêté, mais que compte tenu des circonstances exceptionnelles, ledit arrêté était légal.

La possibilité d’un report du second tour est donc, en théorie, possible.

Cela dit, au regard du confinement de six semaines minimum renouvelable imposé ici, l’opinion pourrait tout à fait changer dans ce délai.

Les scrutins formant ce que l’on appelle un tout, dont l’espacement pourrait entrainer d’importants changements sur les votes, il semble donc inéluctable qu’un report du second tour, qui plus est à une date incertaine, ne soit pas légal.

En conséquence, le report du second tour entrainerait l’annulation du premier, lui-même à l’origine de l’annulation de l’ensemble de l’élection, qui serait alors à refaire.

L’éventuelle annulation du scrutin pose alors la question de ses conséquences pour les maires élus au premier tour sur la majorité du territoire, comme Jean-François Coppé à Meaux avec 76,4%, ou encore François Baroin à Troyes avec 66,8% des suffrages.

En pratique, ces candidats élus dès le 1er tour pourraient donc effectuer un recours constitutionnel si leur élection était annulée par une annulation générale.

Cela dit, leur élection pose le problème de la durée des mandats et des différences qui existeraient entre les maires élus le 15 mars, et ceux élus plus tard dans le cadre d’une nouvelle élection faisant suite à une annulation.

En réponse donc, les candidats élus d’office pourraient voir leur élection remise en cause compte tenu des difficultés pratiques que poseraient les discordances de début de mandat, sauf à ce que le ce début de mandat soit également reporté.

***

En résumé, le report lointain du second tour devrait entraîner l’annulation des résultats du premier, et, de fait, la réorganisation des élections municipales dans leur globalité, de même que la remise en cause des élus au premier tour.

Si toutes ces réflexions apparaissent comme étant respectueuses de la légalité, la théorie des circonstances exceptionnelles pourrait néanmoins permettre au Président de la République de déroger à cette analyse.

Tout peut donc encore arriver.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.

COVID-19 : le confinement, jusqu’à quand ?

COVID-19 : le confinement, jusqu’à quand ?

Le confinement que nous vivons depuis bientôt une semaine sera prolongé et durci par un confinement total dans les prochains jours. L’État s’organise pour normaliser l’exception, et nous faire passer d’une société libérale à une société « de dictature de coronavirus » jusqu’à fin avril, au moins.

Article de Maître Pierre Farge publiée dans La Tribune

« Confinement », le mot commence mal. Pourtant nous y sommes. Et cela peut encore empirer. Pour que le confinement endigue le coronavirus, nous savons qu’il doit durer au moins six semaines. L’exemple de la Chine suffit à en témoigner : le 19 mars, le pays n’annonçait aucun nouveau cas local.

Sans revenir sur la question de savoir pourquoi les mesures de confinement ne sont pas uniformes au sein de l’Union européenne – autorisant par exemple les Allemands et Néerlandais à circuler librement chez eux, mais les Espagnols et Italiens à rester confinés, ou les enfants britanniques à continuer à aller l’école, alors que la plupart de leurs camarades européens n’y vont plus, voire à constater l’ouverture des magasins en Suède alors qu’ils sont fermés ailleurs -, la question se pose de savoir jusqu’à quand le confinement va-t-il durer, et comment ses conditions pourraient se durcir.

Sur la durée

Malgré les beaux jours, et l’heure d’été prochaine promettant de rendre les journées plus longues, le gouvernement prépare la prolongation du confinement de 15 jours à au moins 4 semaines supplémentaires sous forme de confinement total.

Pour ce faire, un projet de loi habilitera l’exécutif à légiférer par ordonnance pour prendre toute mesure permettant de faire face notamment aux conséquences de nature administrative ou juridictionnelle de la propagation du coronavirus.

Le titre II de ce texte prévoit par exemple la création d’un régime d’état d’urgence sanitaire permettant de fonder toute mesure réglementaire ou individuelle limitant certaines libertés afin de lutter contre l’épidémie.

Plus précisément, l’article 5 prévoit notamment que :

« la déclaration de l’état d’urgence sanitaire donne au Premier ministre le pouvoir de prendre par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la Santé, les mesures générales limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tous biens et services nécessaires afin de mettre fin à la catastrophe sanitaire (…). Ces mesures peuvent inclure l’interdiction du déplacement de toute personne hors de son domicile dans la zone géographique qu’elles déterminent ».

Des mesures kafkaïennes sont donc à venir, visant à restreindre nos libertés individuelles pour une durée inconnue et probable de six semaines au total.

Cette loi devrait ensuite permettre au gouvernement d’entériner le passage au confinement total dès l’inscription du décret au journal officiel pour entrer en vigueur dès le lendemain. Tout cela en tout cas en début de semaine prochaine.

Sur la fermeté

A ce jour, le confinement de 15 jours est généralisé à notre domicile par une interdiction d’en sortir sauf motifs impérieux, et par la fermeture de tous les lieux de vie collectifs.

Mais ces mesures n’ont pas convaincu tout le monde de la gravité de l’épidémie, certains quartiers de Paris continuant à avoir une vie sociale, ou certaines plages remplies d’estivants. Face à cette population inconsciente, la guerre sanitaire peut se transformer en confinement total avec un risque de déploiement de l’armée.

Autrement dit, nous aurons exactement ce que nous voulions éviter, entrainant les pires mesures pour nos libertés.

Par exemple, si l’on s’en tient à ce qui a été disposé en Chine ou en Italie, nous pouvons imaginer la mise en place de prérogatives exceptionnelles soutenues par une technologie de surveillance basée sur une sorte de tracker de nos smartphones, ou encore des barrages de quartier, voire de couvre-feu à compter de 18h.

L’Italie est en effet là où nous en serons dans quelques jours, avec des courbes de l’épidémie parallèles, quelques pas devant nous dans la ligne du temps. Ce pays d’âme qui se comportait comme on se comporte aujourd’hui en France, affirmant qu’il ne s’agissait « que d’une petite grippe », avec éventuellement « quelques complications pour les plus fragiles », mais compte aujourd’hui plus de 600 morts par jour.

Alors que l’on apprend qu’une des conséquences à moyen terme du Covid-19 serait la perte de l’odorat et du goût, assumons donc quelques temps de sacrifier notre goût de la liberté pour relativiser nos besoins, apprécier la vraie nature des êtres, prendre conscience de l’absurdité de la vie, voire reprendre du temps pour nous.

Et, comme la planète se remet à respirer grâce à la diminution des émissions de CO2, nous soufflerons.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

Éolien : fausse promesse écologique, politique du vent et mensonges

Éolien : fausse promesse écologique, politique du vent et mensonges

Nous payons deux décennies de politique publique visant à implanter des éoliennes coûteuses et inutiles.

Alors que le président de la République remet en cause l’éolien à l’occasion d’une table ronde sur l’écologie, Pierre Farge, avocat au barreau de Paris, confirme l’aberration de ce mode de production au regard de la source mineure d’énergie en résultant, des nuisances à l’environnement, et des multiples désastres écologiques, pour l’Homme et pour les animaux. Fort d’une expérience de terrain, il témoigne également des prises illégales d’intérêts expliquant aujourd’hui comment de tels projets sont si nombreux, et perdus d’avance.

Tribune de Pierre Farge publiée dans Contrepoints

Le 14 janvier 2020, le président de la République lors d’une table ronde sur l’écologie déclarait « le consensus sur l’éolien est nettement en train de s’affaiblir ».

Pourtant les projets sont de plus en plus nombreux, au mépris du bons sens et du droit.

Tout d’abord, il convient de rappeler que l’éolien ne concerne qu’une infime part de l’énergie en France au profit aujourd’hui du nucléaire. Si les projets éoliens sont portés sur fond d’écologie, la réalité est bien différente, et n’a rien d’écologique. En effet, la mise en place de tels appareillages suppose au préalable le bétonnage des sols, la construction de routes. Donc rien d’éco-responsable.

Au surplus, cette production d’énergie issue des éoliennes est intermittente. Les aérogénérateurs convertissent l’énergie du vent en électricité. L’Homme n’étant pas encore en mesure de maîtriser le vent, la construction éolienne oblige donc la construction de centrales non intermittentes permettant ainsi de combler la production d’énergie en cas d’absence de vent.

Pire, les éoliennes sont la source de multiples désastres. D’abord un désastre esthétique, qui se traduit, d’un point de vue économique, par l’effondrement de l’immobilier et du tourisme. Ensuite un désastre sonore, comme en témoigne le ronronnement continu des pales pour les riverains. Et enfin un danger pour la faune dont on observe la mortalité des oiseaux se fracassant contre les hélices, la perturbation des circuits de migration, ou encore par exemple le brouillage des ondes désorientant les chauves-souris.

Pourquoi autant d’éoliennes ?

Dès lors, pourquoi les projets éoliens sont si nombreux ? Un simple exemple tiré de l’examen d’un dossier judiciaire permet d’y répondre, ou en tout cas d’apporter un début de réponse.

Un particulier achète une résidence secondaire dans la Creuse pour se reposer de sa vie tumultueuse à Paris.

À peine propriétaire, il découvre un projet éolien « validé » par la préfecture et la fin de ce que l’on appelle l’ « enquête publique »; enquête n’ayant de « public » que le nom puisque personne n’en a jamais eu connaissance.

Les éoliennes de 150 mètres de hauteur seront donc construites dans un rayon de 500 mètres en face de sa maison. Une association est immédiatement créée pour s’opposer à ce projet. C’est alors dans ce cadre qu’il est découvert que le projet a été acté sur fond de ce que l’on appelle en droit une « prise illégale d’intérêts ».

L’intérêt est tout d’abord d’ordre financier, puisque les producteurs éoliens ne sont pas à la recherche de zones venteuses mais plutôt de communes nécessiteuses.

La manœuvre est la suivante : les producteurs proposent aux propriétaires une location annuelle dont le montant est très souvent supérieur à la valeur même des biens ; sans préjudice pour la commune de bénéficier également de subventions. L’intérêt étant avant tout financier, l’on comprend mieux le soutien sans faille des élus locaux « pour l’avenir de la planète ».

L’absurde n’ayant pas de limites, à l’ouverture du projet, et pour donner un peu plus confiance aux propriétaires, quelques dizaines de milliers d’euros leur sont également versés, à titre de provision du futur démantèlement, qui au bout d’une vingtaine d’années devient un impératif.

Cela revient donc à rappeler qu’effectivement il n’existe aucune obligation légale au constructeur éolien de démanteler ce qu’il a lui-même construit, mais surtout de constater que cette charge incombant finalement au propriétaire terrien s’élève à minima à 400 000 euros, soit largement au-delà de ce qui lui est provisionné.

L’éolien est d’abord politique

Voilà donc pourquoi l’on constate des cimetières d’éoliennes abandonnées sur tout le territoire, mettant en péril la sécurité et la beauté du pays.

L’intérêt est également politique, puisqu’accepter un tel projet c’est laisser croire que l’on pense écologie, environnement, développement durable. C’est agir face à l’urgence climatique. C’est sauver la planète. C’est vert…

Et cela permet d’être réélu grâce aux subventions, qui elles-mêmes permettent d’équilibrer les budgets sans que l’on se demande trop pourquoi à court terme ; quitte à laisser courageusement aux générations futures, et aux prochains élus le soin de se poser la question du démantèlement de ces mastodontes.

Rien n’est pourtant plus faux et dangereux. Ces belles idées sont une source mineure d’énergie, nécessitent de nombreuses installations préalables nuisant à l’environnement, elles-mêmes entraînant de multiples désastres écologiques pour l’Homme et pour les animaux.

En somme, nous payons deux décennies plus tard ces politiques inconséquentes par des déserts d’éoliennes sur le point de s’effondrer et que personne n’a plus les moyens de démanteler.

Voilà le mensonge de l’éolien.

Maître Pierre Farge, Avocat en droit pénal au Barreau de Paris.

Crise au Chili : une révolte ? Non, une révolution !

Crise au Chili : une révolte ? Non, une révolution !

A feu et à sang, Santiago du Chili fait l’objet de la plus grande crise sociale et politique depuis le coup d’État d’Augusto Pinochet en 1973.

Par Maître Pierre Farge et Francisca Russo, tribune publiée initialement dans Contrepoints

L’augmentation de dix centimes d’euros du prix du ticket de métro a mis le feu aux poudres, et compte aujourd’hui dix-huit morts dans les rues à travers le pays. Plus qu’un épiphénomène international, Pierre Farge, avocat au barreau de Paris, élevé au Chili, compare les circonstances de cette crise, avec la prochaine en France, assurant ainsi que l’épisode des Gilets jaunes n’a été qu’un avant-goût du cataclysme encore à venir, selon lui avant mars 2020.

Dans l’arbitrage politique du gouvernement chilien, l’augmentation du prix du ticket de métro de 30 pesos, soit moins de dix centimes d’euros, semblait anodine.

Pour la population, elle symbolise 30 ans d’abus de la classe politique, rappelant que le coût des transports en commun représente pour la majorité 30 % de leurs revenus mensuels. C’est en tout cas ce que scandent depuis dix jours les manifestants par millions dans les rues de Santiago, bien que le projet d’augmentation ait depuis été abandonné.

https://twitter.com/biobio/status/1187865340295995392

Ce n’est plus une révolte dans la capitale, mais une révolution dans tout le pays

Cette déconnexion du Président Piñera, (cinquième fortune du pays), avec son peuple aurait déjà dû se lire quelques jours plus tôt dans ses propos, décrivant son pays comme « une véritable oasis dans un Amérique latine prise de convulsions ».
Une oasis partie en fumée lorsque la communication gouvernementale a commencé par répondre aux premières critiques à cette augmentation du prix du métro en invitant les usagers à « se lever plus tôt » pour éviter la hausse des tarifs aux heures de pointe !
Résultat : ce n’est plus une révolte dans la capitale, mais une révolution dans tout le pays.

À défaut de pain, il reste la brioche au peuple chilien

Pour ne rien arranger, dans un enregistrement clandestin fuité dans la presse, la Première dame a comparé la situation à une « invasion extraterrestre » rappelant ainsi avec le même sens de la mesure qu’à défaut de pain, il reste la brioche.
Et son Président de mari n’a rien trouvé de mieux pour apaiser la situation que de déclarer l’État d’urgence, et donc la « guerre » à son propre peuple, « ennemi puissant » et « implacable », muni de casseroles et de cuillères en bois, en déployant un véritable arsenal dans toutes les villes du pays avec des militaires lourdement armés.
Fort de cet état d’urgence autorisant à tirer avec un bazooka sur une mouche, le Président a donc ouvert le feu sur les manifestants, coûtant la vie à dix-huit personnes à ce jour, au mépris des libertés publiques et des droits de l’Homme.

Un pays très inégalitaire

Si ces événements paraissent lointains dans l’espace des 12 000 kilomètres qui nous sépare du Chili, dans le temps, ils ne sont pas sans rappeler la crise des Gilets jaunes, et les conséquences des mesures politiques cosmétiques lorsque l’état d’urgence est d’abord social.

Car si le Chili est aujourd’hui le pays le plus développé d’Amérique latine, il est aussi le plus inégalitaire de l’OCDE.
Alors que le salaire de 70 % de la population active est inférieur à 615 euros, rappelons quand même que 1 % des plus riches concentre 33 % du PIB, étant souligné une rémunération des parlementaires chiliens la plus élevée de la planète.

Dans cette veine, rappelons que tous les postes d’État qui impactent directement les Chiliens dans leur quotidien, comme l’éducation, la santé, le système des retraites, voire la distribution de l’électricité et de l’eau, ont été privatisés ; et leurs prix constamment en hausse oblige une population surendettée à faire sans cesse appel au micro-crédit, si bien qu’un niveau de vie digne est aujourd’hui devenu une valeur monnayable à coups d’intérêts d’emprunts.

Il n’est pas prophétique d’avancer que lorsque les inégalités se creusent, le conflit est latent. Nous pouvons néanmoins assurer qu’une totale déconnexion du pouvoir avec la société civile et sa classe moyenne alimente l’insurrection à venir de façon certaine en France, qui au regard des échéances économiques, politiques et sociales, sera là avant mars 2020.

Maître Pierre Farge, avocat à la Cour,
Francisca Russo est étudiante chilienne à Sciences Po Paris, Avocat-stagiaire chez Farge Associés.

Surveillance de masse : l’État lui-même n’applique pas le droit

Surveillance de masse : l’État lui-même n’applique pas le droit

Tribune de Maître Pierre Farge, publiée initialement dans Contrepoints

L’accès des particuliers aux données personnelles est toujours impossible, et les différents services de l’État, quand ils répondent, se renvoient courageusement leur compétence l’un l’autre.

À la veille de la parution des mémoires d’Edward Snowden, lanceur d’alerte connu pour avoir rendu publique la surveillance de masse à laquelle se sont livré les États-Unis, Pierre Farge, avocat au barreau de Paris, révèle que la France n’applique pas elle-même la loi créée depuis pour encadrer la collecte de métadonnées, et la protection de la vie privée.

Mettant à l’épreuve le RGPD applicable en France depuis le 25 mai 2018, l’avocat des lanceurs d’alerte a réclamé à l’administration les données le concernant à titre personnel. Après le silence de l’administration, il s’est ainsi heurté au service du ministère de l’Intérieur renvoyant la compétence à la CNIL, et vice-versa ; autrement dit d’un refus de partage des données, au mépris total des nouveaux dispositifs en vigueur.

La preuve ici que l’État n’applique pas lui-même les règles qu’il dispense.

Comme tous les pays du monde, et notamment les États-Unis, la France se défend d’opérer toute surveillance de masse depuis les révélations d’Edward Snowden en 2013 témoignant des abus de la NSA.

Ces révélations ont permis un examen minutieux des pratiques des services de renseignement du monde entier, à l’origine de grandes avancées comme le règlement général sur la protection des données, dit RGPD.

Face aux faibles garanties n’ayant pas force de loi, le RGPD du 27 avril 2016 a été adopté par l’Union Européenne afin de renforcer et unifier la protection des données personnelles dans les 27 États membres. En France, il est applicable depuis le 25 mai 2018.

Son article 15, dispose ainsi que : « La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu’elles le sont, l’accès auxdites données à caractère personnel […] ».

Afin de vérifier l’application de ce nouveau dispositif, comme par déformation professionnelle, j’ai donc, naïvement, adressé, à la CNIL, l’autorité créée à cet effet, un courrier recommandé demandant l’accès à mes données à caractère personnel, susceptibles de figurer, d’une part, dans le Fichier des Personnes Recherchés (FPR), et d’autre part, dans le Fichier des Enquêtes Administratives liées à la Sécurité Publique (FEASP).

Un amiable courrier d’accusé réception m’a tout d’abord informé que : « un membre de notre Commission va procéder aux vérifications demandées, en application de l’article 108 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Je vous précise que, sous réserve de l’accord du responsable de traitement, les données vous concernant pourront vous être communiquées à l’issue de ces vérifications ».

Puis quelques semaines plus tard d’apprendre, dans un retournement de veste, par un nouveau courrier de la même CNIL, qu’elle ne serait tout d’un coup plus compétente pour traiter ma demande, me précisant néanmoins « vous disposez désormais d’un droit d’accès et de rectification direct à ces fichiers auprès du ministère de l’intérieur. Notre Commission a donc transmis votre demande à ce ministère qui a deux mois pour vous répondre ».

Nous restons donc naïvement plein d’espoir devant ces promesses d’un service de l’État d’obtenir ces données auprès du ministère de l’Intérieur.

C’est sans compter le silence de ce dernier, ayant donc nécessité une relance.

Las mais non moins déterminé, nous avons alors reçu un courrier informant que la « communication d’informations contenues dans ce fichier est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique et la sécurité nationale. En conséquence, je ne puis communiquer d’information sur votre inscription ou votre absence d’inscription dans ce fichier. Néanmoins, vous pouvez, si vous l’estimez utile, demander à exercer votre droit d’accès par l’intermédiaire (tenez-vous bien) de la CNIL » (!).

En résumé, en pratique, l’accès des particuliers aux données personnelles est donc toujours impossible, et les différents services de l’État, quand ils répondent, se renvoient courageusement leur compétence l’un l’autre.

Un état de fait d’autant plus inadmissible, que non seulement l’administration bafoue le droit en vigueur, et notamment le récent RGPD, mais en plus se comporte aux antipodes des annonces gouvernementales promettant une meilleure protection sur la collecte des données et la vie privée.

Pierre Farge, avocat des lanceurs d’alerte.

Balkany : Une sévérité exceptionnelle digne d’un régime… populiste

Balkany : Une sévérité exceptionnelle digne d’un régime… populiste

Condamné pour fraude fiscale, le maire de Levallois a dormi à la prison de la Santé…

Article de Maître Pierre Farge publié initialement dans Causeur

Condamné à 4 ans de prison ferme et 10 ans d’inéligibilité pour fraude fiscale, l’opinion reconnait le jugement de Patrick Balkany légitime. Mais elle s’interroge sur la légitimité de son mandat de dépôt. Pierre Farge, avocat pénaliste, regrette un jugement pour l’exemple, qui relève davantage d’une influence d’alors et d’une amitié payée chère avec un ancien Président de la République, lui aussi toujours objet de poursuites judiciaires… Un tribunal correctionnel rend toujours un jugement, pas nécessairement la justice.

L’opinion publique compare à l’envi depuis hier la condamnation en première instance de Patrick Balkany à celle rendue alors pour Jérome Cahuzac, à l’époque condamné sévèrement, mais jamais incarcéré.

À la lecture in extenso du jugement correctionnel de 67 pages, l’on comprend que la justice n’a pas été aussi clémente dans l’affaire Balkany, en raison notamment du comportement du prévenu à son procès. Ce dernier a gardé la tête haute face à ses juges, préférant relativiser les faits de fraude à hauteur de quelques millions d’euros, plutôt que de prendre toute la mesure de la lutte souhaitée contre la fraude fiscale au lendemain du Grand Débat National. Balkany a préféré présenter toute l’assurance d’un maire soutenu par ses administrés depuis 20 ans plutôt qu’un mea culpa national.

La dichotomie de jugements entre Balkany et Cahuzac est d’autant plus regrettable au regard des sommes fraudées toutes relatives. Soyons un peu cyniques : comment ne pas considérer ce sévère jugement comme politique, pour les quelques millions d’euros détournés ?

Le même jour, Google entérine discrètement un accord avec l’administration fiscale française de près d’un milliard d’euros (!) en échange de renoncer à toute poursuite pénale pour fraude fiscale, permettant ainsi à l’entreprise de négocier une amende sans aller en procès, ni passer par une procédure de « plaider coupable » : à savoir 500 millions d’euros d’amende en vertu d’une accord soldant de poursuites pour fraude fiscale depuis quatre ans par le Parquet national financier, et 465 millions d’euros de taxes additionnelles pour mettre un terme aux procédures de redressement fiscal engagées par Bercy.

Prison ferme

On le voit, cette condamnation en première instance à quatre ans fermes est lourde, très lourde, qui plus est assortie d’un mandat de dépôt à l’audience. Elle est la preuve que le maire ami de Sarkozy n’a pas été traité comme il aurait dû l’être, c’est-à-dire comme un primo-délinquant (en tout cas pas en état de récidive légale). Elle est la preuve que la mauvaise publicité faite à la classe politique se paye d’un traitement particulier. Elle est la preuve que l’égalité dont nous avons fait notre devise n’est qu’un mot et que la balance, symbole de sa justice, n’a pas le même poids qu’il s’agisse d’un élu ou d’un citoyen lambda.

À vouloir être exemplaire, cette justice en devient injuste.

Pour défendre depuis quelques années maintenant une misère humaine multirécidiviste, allant du chauffard imbibé d’alcool et de stupéfiants, au père de famille non moins sobre qui perd patience sur femme et enfants, en passant par les petits trafiquants de drogue empoisonnant quelques dizaines d’âmes, la pratique veut que la prison ferme ne soit prononcée qu’après un sursis simple, puis au moins un ou deux sursis avec mise à l’épreuve, accompagnés le cas échéant de travaux d’intérêt général.

Combien de vies Balkany a-t-il brisées ?

Cette pratique veut en effet — sauf infractions d’une particulière gravité comme les crimes, les agressions sexuelles, les violences ayant entraîné une incapacité de travail considérable, apanage des assises — que les juges évitent de prononcer une peine ferme à la première condamnation.

Et, au plus sévère, dans le cas où le juge condamne à de la prison ferme, la pratique veut toujours qu’il soit inférieur ou égal à deux ans afin d’envisager un aménagement ab initio, c’est-à-dire à tout prix éviter, dès le début, l’incarcération pour l’effectuer en semi-liberté ou sous bracelet électronique.

Cette pratique est tellement bien ancrée, qu’en droit, c’est ce que l’on appelle la subsidiarité de la peine d’emprisonnement, disposée au Code pénal, et d’ailleurs renforcée par la loi Taubira du 15 août 2014.

Cette pratique codifiée, que l’on appelle la loi, signifie donc que la peine de prison ne doit être prononcée qu’en dernier recours, s’il n’existe aucun autre moyen de protéger la société et d’éviter la récidive.

Quand on y pense, qu’a vraiment fait Patrick Balkany, combien de vies a-t-il brisées, combien de destins a-t-il bouleversés ? L’ancien maire a virtuellement placé sur une ligne de compte (suisse) des fonds qui auraient dû l’être sur une autre (française). Personne n’est mort, personne n’a souffert. Il s’est simplement soustrait au contrat social, incontestablement.

Sans rien souhaiter minimiser, Patrick Balkany ne représente donc aucun danger et sa potentialité de récidive est nulle. Comme tel, il ne devrait pas aller en prison. Que gagne donc la société à son enfermement ? Rien, sinon l’esprit de vengeance — symptomatique d’une société morose — sur un homme de 71 ans !

Pierre Farge, Avocat pénaliste au Barreau de Paris

 

Crédit photo : Patrick Balkany en juin dernier © SOLAL/SIPA Numéro de reportage: 00912683_000015

Comment la loi PACTE tue à petit feu l’économie (et la démocratie)

Comment la loi PACTE tue à petit feu l’économie (et la démocratie)

Malgré un profond désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et en dépit d’une conformité toujours contestable en droit européen, la loi PACTE est tout de même entrée en vigueur le 23 mai 2019. Pourquoi une telle précipitation ? Et quels sont les dangers d’un pareil dispositif pour l’économie française ?
Décryptage par Pierre Farge, avocat en droit des affaires.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints

Depuis les privatisations des années 1980, la Grande-Bretagne, puis progressivement d’autres États membres de l’Union européenne ont mis en place ce que l’on appelle les golden shares ou « action spécifique ». Cet instrument confère aux États un pouvoir sans proportion de sa participation au capital d’une société, lui permettant par exemple de s’opposer à un investissement au capital, d’obtenir un droit de vote anormalement majoré, voire même un droit de veto sur des modifications statutaires.

À ce jour, le champ d’une action spécifique se limite à l’agrément préalable du ministre de l’Économie pour les cessions d’actions au-delà d’un certain seuil, la nomination au Conseil d’un représentant de l’État sans voix délibérative, et d’un droit de veto dans le seul cas de cession d’actif.

Toujours plus d’État dans l’économie

Le projet de loi intitulé « Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises », dit « PACTE », élargit un peu plus ces libertés en France. L’objectif officiel est de renforcer le contrôle de l’État sur les investissements étrangers pour éviter le pillage de nos technologies.

Mais l’objectif officieux beaucoup moins louable permet en réalité de donner au gouvernement le moyen de contrôler l’évolution du capital, la vie sociale et l’activité d’une société sans s’obliger à immobiliser des deniers publics pour maintenir sa position au sein d’entreprises stratégiques.

Autrement dit, la loi PACTE ouvre un pouvoir de contrôle de l’ensemble des sociétés françaises qui comptent, établissant ainsi un protectionnisme rigoureux interrogeant une économie qui se veut « libérale ».

Des risques multiples pour l’économie française et l’attractivité du pays

Cette mainmise étatique sur les intérêts économiques du pays inquiète en effet à plusieurs titres.

1– D’abord sur le respect du droit européen, et notamment la restriction à la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 63 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne, puisque la Cour de Justice de l’Union Européenne avait institué une présomption presque irréfragable de l’inconventionnalité des golden shares, restreignant par exemple ces derniers à des raisons impérieuses d’intérêt général et de respect du principe de proportionnalité très stricts.

2– Ensuite, les golden shares inquiètent pour la compétitivité française : un État possédant de tels pouvoirs entraîne nécessairement une réticence des investisseurs, et ce dans un pays, rappelons-le, dont l’attractivité est déjà largement contestée en raison d’une fiscalité des entreprises la plus élevée de la zone ainsi que d’une législation du travail à faire fuir tout entrepreneur.

3– Au surplus, cette nouvelle loi offre la possibilité de créer un golden share en dehors de l’hypothèse déjà connue de la cession de participation de l’État. Autrement dit, la création d’un golden share peut intervenir à tout moment dès lors que :

  • la société ou une de ses filiales est mentionnée à l’annexe du décret n°2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale ; autrement dit encore dans toutes les sociétés ou filiales qui auront été inscrites dans cette annexe, sans que l’on sache quels critères sont nécessaires pour intégrer cette liste.
  • toute société cotée dans laquelle BPI France, ou une de ses filiales, ou un fonds géré par BPI France, détient au moins 5 % du capital ; autrement dit, là encore, n’importe quelle société où l’État aura investi un minimum de capital pour s’autoriser un pouvoir de blocage.

4– Enfin, cette loi PACTE inquiète pour le principe même de démocratie : le veto dont elle dispose permet certes à l’État de s’opposer aux décisions portant atteinte aux intérêts essentiels du pays, mais surtout aux décisions ayant pour effet de céder, apporter ou transmettre sous quelque forme que ce soit des actifs de la société ou de sa filiale. Un postulat ayant donc pour ambition cachée de modifier les conditions d’exploitation des actifs ou d’en changer la destination.

5– Last but not least, rappelons que cette loi impose une réévaluation et contrôle de proportionnalité des droits attachés aux golden shares à la protection des intérêts essentiels du pays seulement tous les cinq ans. Autrement dit, une possibilité extrêmement longue de ne pas avoir à réviser les conditions nécessaires à l’attribution des golden shares.

Cet état de fait parvenant de ce décryptage vous parait aberrant ? Ça l’est. C’est en France, et c’est en vigueur.

Pierre Farge, Avocat en droit des affaires au Barreau de Paris

Thierry Atangana devant les tribunaux pour une dette de 378.000 euros, Jeune Afrique, mai 2019

Thierry Atangana devant les tribunaux pour une dette de 378.000 euros, Jeune Afrique, mai 2019

Cameroun – Justice: Astride Cheminel (ancienne Consule de France à Yaoundé) assigne Michel Thierry Atangana devant le tribunal de Grande Instance de Paris pour l’obliger à payer une dette contractée auprès d’elle entre 2014 et 2016. Ladite dette, d’un montant de 378.000 euros, a été contractée par Thierry Atangana dès sa sortie de prison en 2014.

Par Claude Paul TJEG, publiée dans Cameroon-Info.Net

C’est le magazine panafricain Jeune Afrique qui a révélé cette information dans son édition du 19 au 25 mai 2019.

Nos confrères précisent que le montant global de cette dette contractée par Michel Thierry Atangana auprès de la diplomate française s’élève à 378 000 euros ; perçue en plusieurs versement dès sa sortie de prison en 2014 jusqu’au 1er janvier 2016.

Michel Thierry Atangana a obtenu de sa créancière plusieurs moratoires mais n’a pas pu jusqu’à ce jour, apurer complètement sa dette.

C’est pourquoi «Astride Cheminel défendue par Me Pierre Farge a enjoint au Tribunal de Grande Instance de Paris de constater la mauvaise foi patente de Michel Thierry Atangana et de le condamner, en sus du remboursement, à 45.000 euros de dommages et d’intérêts». Précise Jeune Afrique.

Joint au téléphone par le magazine panafricain, Thierry Atangana révèle que le non paiement de sa dette est dû au fait que ses comptes bancaires en France ont été bloqués depuis 2006.

Pour mémoire, après 17  années passées dans les geôles d’une prison de Yaoundé, pour une affaire de détournements de fonds publics, le Franco-camerounais Michel Thierry Atangana  a été libéré en 2014. Après sa libération, l’ex chargé de mission auprès du secrétaire général de la présidence est retourné en France.

Nouveau privilège pour les parlementaires : le casier judiciaire

Nouveau privilège pour les parlementaires : le casier judiciaire

Quand les députés enterrent eux-mêmes la condition d’un casier judiciaire vierge pour être éligibles.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints

Tandis que la France connait sa quatrième semaine de manifestations sans précédent depuis cinquante ans, les députés enterrent eux-mêmes la condition d’un casier judiciaire vierge pour être éligibles. Soulignant un peu plus les problèmes de légitimité et de représentativité du pouvoir, le Parlement secoue une fois encore la démocratie de ses contradictions.

Après l’allocution du président de la République en réponse au mouvement des Gilets jaunes, exactement au moment où le Sénat votait l’allègement des taxes contre les exilés, une nouvelle contradiction accablait le pouvoir en place.

Se présenter aux élections avec un casier

Alors que la récente loi de moralisation de la vie publique disposait de « l’interdiction pour tous les détenteurs d’un casier judiciaire (niveau B2) de se présenter à une élection », le Parlement a en effet trouvé la parade juridique selon laquelle l’interdiction de se présenter à une élection si le casier n’est plus vierge peut être interprétée comme « une peine automatique », contrevenant au « principe d’individualisation des peines garanti par la Constitution ».

Quoi que cet argument n’ait gêné personne des décennies durant, voilà que nos députés y font droit.

Ainsi, sans polémiquer sur les membres du Parlement, objets de procédure judiciaire en cours, et donc passibles de peines qui les empêcheraient de renouveler leur mandat, la question de fond qui se pose est de savoir pourquoi les parlementaires votent eux-mêmes leur immunité par une loi les exemptant de casier judiciaire vierge pour se présenter, plutôt que de laisser, comme tout le monde, en vertu de l’article 755-1 du Code de procédure pénale, le soin de formuler une demande d’effacement de la condamnation mentionnée au casier judiciaire, à l’appréciation d’un magistrat le soin de juger, ou non, de cette désinscription ?

  • En effet, tous les citoyens condamnés à une peine — ferme ou avec sursis — peuvent
    formuler ab initio, à l’audience, en vue de la condamnation encore probable, une demande de non inscription au casier judiciaire de la peine éventuellement à venir ;
  • à défaut, dans les cas en général les plus graves, formuler a posteriori à la condamnation une requête aux fins de désinscription au B2 devant la Chambre correctionnelle ayant prononcé leur jugement (c’est ce qui est dans la pratique privilégié afin de donner au condamné la mesure de sa peine, et l’obligation de son amendement pour obtenir le retrait de sa mention).

Dans ces deux cas, il convient de justifier :

  • de raisons légitimes en apportant la garantie, ou la preuve, de l’amendement de l’intéressé depuis les faits, d’une distance avec l’infraction, voire d’une guérison dans le cas par exemple d’une pathologie de kleptomanie ou autre problème psychiatrique ;
  • et surtout de témoigner que la mention d’une telle condamnation au B2 constitue un véritable obstacle à la réussite d’un objectif (comme rejoindre un emploi dans la fonction publique, une charge assermentée, ou une élection au Parlement).

Laisser à l’appréciation de la justice indépendante

Par conséquent, si les parlementaires tiennent absolument à être éligibles malgré un casier judiciaire, il revient non pas de décider, entre eux, et de façon générale, leur immunité par une loi les exemptant, mais plutôt de laisser à l’appréciation d’une justice indépendante, le soin de juger s’ils justifient, au cas par cas, de la désinscription de toute mention, et in fine d’être en capacité d’être éligible.

Cette seconde solution placerait les représentants du peuple sur un pied d’égalité avec ceux qui sont censés les représenter, comme autant de témoignages d’un pays respectueux de l’équilibre des pouvoirs, sans parler de donner une image exemplaire de l’État, sinon plus vivifiante de la démocratie en pareille contestation populaire placardant par milliers de manifestants des demandes de Référendum d’initiative citoyenne (RIC).

Ce qui fait finalement penser au bon mot d’Alain Juppé, certes dans d’autres circonstances, mais toujours philosophe : « En matière judiciaire, il vaut mieux avoir un passé qu’un avenir ».

Par Maître Pierre Farge.

Big brother ou les nouveaux objectifs de l’administration fiscale

Big brother ou les nouveaux objectifs de l’administration fiscale

Dans un récent entretien télévisé, le ministre en charge du budget a enfin reconnu la possibilité au fisc d’utiliser les « données publiques » des réseaux sociaux pour alimenter tous les contrôles de l’administration. Suscitant l’indignation de milliers de contribuables, cette ambition soulève une nouvelle fois la question de la légitimité d’une telle pratique, tant d’un point de vue éthique que juridique. Le point par Pierre Farge, avocat fiscaliste.

Tribune de Pierre Farge publiée dans Fiscalonline

Défaut de base légale à l’annonce du ministre

Après avoir poursuivi les géants du web (Google, Apple, Facebook, Amazon ou GAFA) des années durant, et tenté en vain de redresser leur impôt, voilà que l’administration, qui n’est plus à une contradiction près, collabore avec ces mêmes GAFA pour diligenter ses contrôles.

Invité dans l’émission Capital diffusée dimanche dernier sur M6, le ministre en charge du budget, Gérald Darmanin, a en effet expliqué qu’une « expérimentation » allait être mise en place pour permettre à la lutte contre la fraude menée par l’administration d’utiliser les « données publiques issues des réseaux sociaux », et d’ajouter que ce dispositif serait prévu dans la loi anti-fraude de 2018 entrant en vigueur dès janvier 2019.

Pourtant, ce texte ne prévoit à aucun endroit pareille « expérimentation », laissant ainsi comprendre que cette annonce serait dépourvue, pour l’instant, de toute base légale.

Elle fera donc, selon toute probabilité, l’objet d’un décret ou d’un arrêté ministériel, c’est-à-dire dans la précipitation et au mépris d’une approbation du Parlement symbole de la représentation nationale.

L’utilisation des données imprécises des réseaux sociaux

Dans la pratique, quelle applicabilité donner à l’annonce du ministre ?

Pour répondre, il convient de rappeler que le droit fiscal français considère qu’une personne est résidente en France si elle y séjourne au moins 183 jours par an. Si l’on suit le raisonnement du ministre, son objectif serait donc par exemple de déterminer, via les réseaux sociaux, si d’anciens ressortissants français exilés ne passeraient pas en réalité plus de la moitié de leur temps en France, et ainsi requalifier leur résidence fiscale étrangère pour les imposer sur le territoire.

Pour autant, rappelons le peu de fiabilité à accorder aux données publiées sur les réseaux sociaux :

  • En premier lieu :

Les images publiées en ligne ne sont pas forcément datées ; c’est le cas par exemple des photos publiées sur Instagram. Dans la pratique, un résident belge peut ainsi très bien publier en 2018 autant de photos en France que de jours calendaire alors qu’il a pris des centaines de photos à l’occasion d’un voyage de seulement quelques jours en France.

Si l’on s’en tient au raisonnement du ministre, en s’appuyant comme il le dit sur le réseau social du contribuable, ce dernier serait reconsidéré à tort résident fiscal français, alors que la majorité des jours effectivement passés seraient sur un territoire étranger.

  • En deuxième lieu :

Rappelons que les données publiées sur les réseaux sociaux ne sont que le reflet d’un désir aussi humain que contemporain de « paraître ». Par définition, les photos prises traduisent un story telling dans lequel les objets mis en avant ne sont pas nécessairement propriétés de l’intéressé. Traquer ainsi tout signe extérieur de richesse comme l’annonce le ministre peut donc s’avérer vain.
Un récent dossier a pu illustrer cet état de fait. Il était reproché par exemple entre autres au client d’avoir été au volant d’une voiture de sport témoignant, en apparence, d’un train de vie faramineux, alors qu’en réalité il conduisait le véhicule à la demie-heure en contrepartie de quelques dizaines d’euros payées à une société de location sur un grand axe parisien.

Un dispositif imprécis, et donc dangereux

En outre, rappelons que le propos du ministre d’utiliser les « données publiques » des réseaux sociaux pourrait également signifier,de façon plus insidieuse, une réquisition à l’hébergeur des données dites « derrière la photo », c’est-à-dire celles contenant notamment désinformations confidentielles comme la géolocalisation.

L’administration se servirait ainsi d’un paravent d’informations publiques pour se saisir d’informations relevant de la vie privée.

L’opacité de l’Administration fiscale

Cette ambition du ministre ne vient donc que confirmer l’opacité, déjà dénoncée, de l’administration fiscale à communiquer dans le respect du contradictoire ses algorithmes et l’usage qu’elle fait du big data pour diligenter ses contrôles.

Il convient en effet de rappeler que depuis un décret du 21 février 2014 (3), l’administration dispose d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude, dit CFVR ou Ciblage de la Fraude et Valorisation des Requêtes ; mais encore que ce décret concernait initialement les entreprises et les professionnels mais qu’il a été étendu aux particuliers par arrêté du 28 août 2017.

Ce dispositif permet à l’administration de croiser de multiples bases de données afin de modéliser les comportements frauduleux et mener des actions de poursuite d’infractions fiscales. Autrement dit, ce big data permet au fisc d’établir un « profil type » de fraudeur et contrôler tous les particuliers et les entreprises dont le profil se rapprocherait de celui-ci, et ce sans communiquer, au mépris du contradictoire, la façon dont ces algorithmes sont modélisés.

En ajoutant donc ces nouvelles « données publiques » issues des réseaux sociaux, à la manne d’informations déjà à disposition de l’administration, le ministre en charge du budget ne vient donc qu’aggraver l’inquiétude quant à l’usage liberticide des données personnelles.

Par Maître Pierre Farge.

 

La CNIL a d’ailleurs déjà mis en garde le gouvernement en ces termes : « Si la lutte contre la fraude fiscale est un objectif à valeur constitutionnelle, la commission estime toutefois, au regard du nombre de personnes concernées et des techniques mises en œuvre, que des garanties appropriées doivent être prévues. A ce titre, le caractère expérimental de cette extension constitue une première garantie, dans la mesure où cela permettra au ministère de déterminer l’opportunité d’un tel dispositif ou les éventuelles améliorations à y apporter. La commission rappelle néanmoins qu’un rapport circonstancié devra être établi et lui être communiqué »(5).

 

  • [1]Emission Capital, diffusée sur M6, le dimanche 11 novembre à 21h00.
  • [2]Loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.
  • [3]Arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes (le CFVR) ».
  • [4]Arrêté du 28 août 2017 modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ».
  • [5]Délibération n°2017-226 du 20 juillet 2017 portant avis sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ».
Pourquoi et comment en finir avec l’ISF

Pourquoi et comment en finir avec l’ISF

Alors que le Sénat vient de supprimer la totalité de l’impôt de solidarité sur la fortune, faisons le point sur cet ISF.

Tribune publiée par Pierre Farge dans Contrepoints 

Pourquoi et comment en finir avec l’ISF

L‘Impôt de solidarité sur la fortune existe dans seulement 2 des 28 membres de l’Union européenne, alors que son dernier équivalent espagnol – l’Impuesto sobre el patrimonio – est en train de disparaître, et ne rapporte que quatre milliards d’euros par an à l’État, en lui faisant perdre tellement plus depuis trente ans.

L’ISF : un impôt idéologique

Comme l‘Impôt de solidarité sur la fortune, l’Impôt sur la Fortune Immobilière est un impôt idéologique, pour ne pas dire idiot.

Emmanuel Macron le sait. Il le sait en banquier, et en contribuable ayant fait les frais de cet impôt plus qu’aucun autre de ses prédécesseurs.

Un impôt absurde

Cet impôt est aussi absurde, en voici quelques raisons qu’on ne connaît pas forcément.

Le Qatar

Sans préjudice des milliers de contribuables s’organisant légalement pour échapper chaque année à l’ISF en déménageant, l’État lui-même dans son arbitraire s’est chargé d’en exonérer certains comme le Qatar.

En effet, seuls demeurent taxables à l’ISF les immeubles détenus par un non-résident… à l’exception notable de l’émirat dont tous les ressortissants sont exonérés d’ISF sur les investissements immobiliers réalisés en France, d’impôt sur les plus-values et de toute possibilité d’imposition extraterritoriale des dividendes en vertu d’une convention fiscale France / Qatar hors du commun signée en 1990 et amendée en 2008.

Son article 8 dispose ainsi que la France ne perçoive pas « la retenue à la source sur les bénéfices des établissements stables des sociétés qataries ».

Plus encore, « les biens situés hors de France d’un citoyen du Qatar résidant en France n’entrent pas dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune pour une période de cinq ans après qu’il soit devenu résident français » et « le citoyen qatari qui perd la qualité de résident de France pendant au moins trois ans, mais le redevient, est exonéré d’impôt sur la fortune sur ses biens situés hors de France pour une période de cinq ans après qu’il soit redevenu résident français ». 

Comment interpréter la concession d’un tel privilège, sinon comme la preuve que la France peut aussi fonctionner au regard de ses non-résidents comme une législation offshore, au même titre que Singapour, Panama ou encore les Caïmans pour ses ressortissants étrangers ?

Le régime du trust

Le régime du trust (*) est aussi édifiant en ce qu’il permet au contribuable le plus malin (ou le mieux conseillé) d’échapper légalement à l‘Impôt de solidarité sur la fortune.

Il est en effet de jurisprudence constante qu’un trust ne peut pas, faute de présomptions suffisantes, être assimilé à un propriétaire assujetti à cet impôt – l’administration ne pouvant démontrer que le contribuable est titulaire d’un quelconque droit réel sur les biens trustés, et ce même s’il bénéficie des revenus du trust.

Cette décision est en effet conforme à la règle d’assujettissement française selon laquelle, pour être assujetti à l’ISF, il faut être propriétaire (ce qui ne peut être le cas d’un bénéficiaire d’un trust en vertu du dédoublement de propriété que permet le mécanisme).

Petite histoire de la fiscalité des 3 dernières législatures

Puisque rien, ou si peu, n’empêche un ressortissant français d’organiser sa sortie, autant l’inciter à relocaliser ses actifs sur son territoire d’origine.

Dans cette logique, préférer une amnistie générale pour recouvrer les fonds de ressortissants français exilés depuis des décennies ferait preuve de pragmatisme. Une fois réintégrés, ils seraient évidemment imposables comme il se doit.

Des remises totales ou partielles sur les pénalités, ainsi qu’un plafonnement des intérêts, avaient été accordées par Éric Woerth, alors ministre du Budget sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy.

Cela fonctionne. Quelques milliers de contribuables se sont présentés à l’époque, permettant de rapatrier plusieurs milliards d’euros. En dépit de l’impact que pouvait avoir à long terme une telle mesure si elle se généralisait à des dizaines de milliers de contribuables, cet avantage n’a pas duré.

Le dernier régime en vigueur sous François Hollande faisait en effet bénéficier aux régularisés, certes, de pénalités inférieures de 80% à celles qui s’appliqueraient aux fraudeurs dans le cadre d’une procédure judiciaire, mais leur anonymat était dévoilé au nom des principes démocratiques devant le Parlement (sic).

Par conséquent, et assez logiquement, très peu se sont pliés au lynchage public. Force est donc de constater qu’après 5 ans de répression acharnée, les chiffres recouvrés sont epsilonesques.

Puisqu’il vaut mieux faire que dire, voici donc deux idées glissées aux conseillers technique de l’Élysée, et particulièrement Laurent Martel, en charge de la fiscalité et des prélèvements obligatoires.

Je me souviens de nos échanges et de son expertise aux grandes tables de négociation du projet BEPS de l’OCDE (**). Puisse-t-il lire ces lignes…

Confidentialité et pénalités incitatives

Afin de remédier à cette instabilité fiscale, il conviendrait par exemple d’assurer la confidentialité du rapatriement aux repentis ainsi qu’un taux incitatif de pénalités inférieur à 10% – pour les frais de gestion de l’administration fiscale – des actifs étrangers relocalisés sur le territoire d’origine.

Pour si peu de pénalités, il est certain que de nombreux contribuables reviendraient au civisme fiscal.

Cette main intéressée, tendue à ceux dont les capitaux sont depuis des décennies hors de France, pourrait aussi consister à proposer aux ressortissants français de régulariser leur situation en participant à la croissance du pays.

Dans le cas où le taux incitatif de pénalités inférieur à 10% ne soit pas acceptable politiquement, il serait même possible de conserver un taux facial plus élevé mais de mettre en place des abattements pour ceux qui investiraient par exemple 50% des fonds rapatriés dans des entreprises innovantes de moins de 50 salariés.

Les liquidités offshore feraient ainsi office de business angels dans des PME en création ou en expansion.

Cette disposition fait écho au travail d’une Commission sénatoriale d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France de la précédente législature (2012), tombée aux oubliettes, mais qui invitait à un traitement plus favorable des fraudeurs s’engageant à réinvestir leurs capitaux en France.

Ce pragmatisme permettait d’apporter une réponse immédiate, sachant qu’il faudrait 25 ans à l’administration fiscale française pour régulariser les dossiers d’évasion fiscale pendants.

En dépit de tout ce que l’on pouvait imaginer jusqu’à lors, l’offshore serait vecteur de croissance et redonnerait tout son sens à la valeur redistributive de l’impôt. Il permettrait de rapatrier sans commune mesure tout en créant des emplois, au lieu de punir sévèrement les fraudeurs, alors stigmatisés, pour ne récupérer que quelques miettes.

À l’image de ce partenariat implicite consistant à attirer les investisseurs par une législation privilégiée pour ensuite les imposer une fois la richesse créée, cette mesure pourrait être conjuguée à une exonération fiscale de rapatriement.

Exonération fiscale de rapatriement

Pragmatique, la mise en place d’une exonération fiscale de rapatriement des personnes physiques et morales rendrait doublement son attractivité à la France. Elle permettrait une reterritorialisation des fonds exilés par un crédit d’impôt sur tous les fonds rapatriés, tout en attrayant les investisseurs du monde entier sur notre territoire.

Cet état de fait autorise donc à mettre en perspective tout ce qui a été fait jusqu’à présent en matière d’ISF, et qui n’a clairement pas fonctionné.

Le nouveau Président de la République, qui a aujourd’hui les pleins pouvoirs comme rarement dans la Vème République, a donc les moyens non seulement de changer le nom de cet impôt mais d’y renoncer complètement, et d’accompagner son manque à gagner pour les finances publiques directement par deux mesures tout à fait proposables au parlement à l’automne 2017 pour le vote du PLF 2018.

Cette ambition permettrait de distinguer en ce début de quinquennat un homme capable de dépasser l’affaire d’opinion pour l’intérêt national, et finalement ce qui fait la différence entre un homme politique d’un Chef d’État.

Par Maître Pierre Farge.

(*) Régime fiscal du Trust sur le Bulletin Officiel des Finances Publiques 

(**) BEPS ou Base erosion and profit shifting : projet lancé par le G20 en 2012 et mis en œuvre par l’OCDE visant à faire échec aux stratégies d’optimisation fiscale mises au point par des entreprises qui tirent profit de l’absence d’harmonisation fiscale à l’échelle internationale pour transférer artificiellement leurs profits vers des États dont le taux d’impôt sur les sociétés est très faible voire nul, diminuant ainsi fortement les recettes fiscales des États.

Quand Anne Hidalgo traverse Paris en voiture avec escorte

Quand Anne Hidalgo traverse Paris en voiture avec escorte

Indignation d’un Parisien sur la dangereuse politique anti-pollution du Maire de Paris

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints.

Paralyser Paris, voilà le mantra d’Anne Hidalgo.

Sur fond de crise migratoire européenne, de conflit en Syrie, d’insurrection au Venezuela et d’attentats à Barcelone, la Maire de Paris fait de la lutte contre la voiture le marqueur de son mandat. Chacun son cheval de bataille à essence.

Ce n’est ni une passion dévorante pour Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France tirant à boulet rouge sur la politique de la Ville de Paris, ni un anti-écologisme primaire craignant les discours catastrophistes, qui sont à l’origine de mon indignation.

La politique d’Anne Hidalgo : « une hérésie »

C’est plutôt la façon dont on essaie de nous faire avaler, soi-disant pour mieux respirer, une politique triplant nos temps de trajet matin et soir.

Et je ne vous parle pas de rapports d’experts plus ou moins indépendants mandatés par la Ville.

Je vous parle, en Parisien, de ce qu’est devenu Paris tous les jours travaillés de 8h à 10h et de 18h à 21h.

Je vous parle de ce que je subis au quotidien dans 45 minutes d’embouteillages pour faire moins de 5 kilomètres au minimum deux fois par jour.

Je vous parle de la majorité silencieuse et fataliste des millions d’automobilistes neutralisés parce qu’une administration a décidé que nous devions prendre le métro ou le vélo, et qui pour une raison ou pour une autre, ne peuvent envisager ni l’un ni l’autre.

Un moyen d’exercer son efficacité ? Un désir de gouverner ? Une manière d’exister ? Je ne crois pas.

Faut-il en effet rappeler qu’à peine 10% des déplacements à Paris s’effectuent en voiture ?

Faut-il rappeler que l’engorgement pour décourager ce peu de trafic est dangereux, pour le manque à gagner qu’il fait perdre à l’économie parisienne, et pour la santé.

Oui, pour la santé. D’abord la diminution de la pollution depuis le début de cette politique n’est pas prouvée, ensuite parce que, l’autre matin, c’est bien sous mes yeux qu’une ambulance hurlante se paralysait de longues minutes avec des infirmiers s’agitant à l’intérieur sur un malade, manifestement mal en point, incapable d’avancer d’un mètre malgré la bonne volonté des automobilistes pour ouvrir la voie.

Faut-il rappeler qu’une minute de perdue, c’est 10% de chance de survie en moins ?

C’est cela une politique anti-voiture pour améliorer la qualité de vie des usagers ?

Manuel Valls dénonçait justement voilà quelques mois je crois « l’hérésie » de la politique des transports de la capitale depuis qu’il n’est plus sous escorte ministérielle. Et Anne Hidalgo de répondre : « Prends le métro Manuel ! ».

Je ne sais pas si c’est davantage l’arrogance que l’ignorance qui motivait le propos, en tout cas un événement providentiel est venu à notre secours avec Manuel.

Quand Anne Hidalgo se déplace… et pas en métro!

D’une vérité d’évangile, l’anecdote serait passée inaperçue dans la foule de touristes de la rentrée, si après une audience au Palais de justice, je n’avais pas décidé de marcher un peu avant de héler un taxi rue de Rivoli.

Je marche donc, de l’île Saint Louis au pont d’Arcole, en fier étendard du Parisien à pied, minuscule symbole de cette France que tout le monde veut En Marche.

Traversant le quai pour rejoindre le parvis de l’Hôtel de Ville, quelle n’est pas ma stupéfaction de voir arriver du quai de la Mégisserie, comme dans un film de Luc Besson, une berline précédée de motards à gyrophares (souvenez-vous que la rhétorique écologiste veut éviter les nuisances).

Et là, comment dire ?

C’est une scène que seuls les grands événements vous font vivre au ralenti.

Notre Anne capitale, de noir vêtue, solaire, dans le vent de septembre (cet élément si cher aux écologistes), sortir d’une voiture de fonction (on ne lui a pas ouvert la porte, je dois avouer).

Notre Anne capitale incapable de respecter elle-même les mesures qu’elle dispense à tout Paris.

Notre Anne capitale en bon exemple de ce que la politique produit de meilleur : digne, accessible, et cohérente, autant que mon voisin pliant son vélo pour le mettre dans son diesel le dimanche.

Leçon à tirer de l’attitude d’Anne Hidalgo

Sans être spécialiste du problème écologiste, c’est donc décidé : je prendrai le métro avec Manuel le jour où Anne n’aura vraiment plus de voiture de fonction, de chauffeur et d’escorte.

Autrement dit, quand elle cessera de nous seriner avec ses sirènes et ses rengaines de Crit’Air.

En attendant dans mes embouteillages, et les 45 minutes pour relier mes quatre petits kilomètres jusqu’à mon cabinet, j’y repense… je n’ai pas vérifié si la plaque d’immatriculation de la berline était paire ou impaire pour le prochain pic de pollution.

Je parie que la Ville aura prévu le coup de la circulation alternée en mettant à disposition deux voitures. On ne s’improvise pas.

Par Pierre Farge, Avocat au Barreau de Paris.

 

Politique de l’Habitat Durable – ESPRIT

Politique de l’Habitat Durable – ESPRIT

«Le démantèlement commencera quand toutes les conditions de sa réussite seront réunies. Nous y sommes presque et nous irons jusqu’au bout», assurait le ministre du Logement et de l’Habitat durable.

Article de Pierre Farge paru dans la revue ESPRIT février 2017 

Voici donc «l’habitat durable» que notre gouvernement proposait dans son démantèlement de Calais. Le gouvernement assurait que toutes les personnes installées dans le camp de Calais se verraient proposer une solution d’hébergement.

En réalité, les autorités ont détruit les infrastructures qu’elles avaient laborieusement mises en place, à savoir le centre d’accueil de jour avec ses douches, le foyer pour femmes et enfants et le centre d’accueil provisoire constitué de conteneurs; et ce, sans mesures de substitution aux réfugiés autres que temporaires ou d’urgence.

Le gouvernement assurait en effet que des centres d’accueil et d’orientation, les fameux CAO, seraient à la disposition des migrants pour effectuer une demande d’accès au Royaume-Uni.
En réalité, aucune assurance n’existait que ces demandes aient des chances raisonnables d’aboutir; et absolument aucun logement de substitution n’était proposé à la moitié des migrants refusant ces centres parce qu’ils préféraient rester dans le Calaisis à tenter inlassablement de rejoindre l’Angleterre.

Ce démantèlement tombant du ciel à quelques mois d’une échéance présidentielle semble moins le fruit d’une préoccupation humanitaire qu’un calcul électoraliste.

Le gouvernement assurait qu’il était « hors de question de laisser encore plus longtemps ces personnes dans la boue et la détresse » car « un hiver de plus dans la jungle n’est pas possible¹ ».
En réalité, c’est dans une boue et une détresse encore plus profondes que sont plongés les migrants. En empêchant les avocats d’accéder au camp, le gouvernement méprise les droits de centaines d’entre eux.

Pourquoi, me demanderez-vous, puisque ce gouvernement souhaite si fort « mettre à l’abri » les migrants ? Eh bien, parce que les avocats ont pour mission de les munir d’un formulaire à remettre aux autorités en cas d’interpellation, précisant leur identité, ainsi que leur volonté de bénéficier d’un avocat, d’un interprète et d’un examen médical, et que, s’ils sont trop nombreux à présenter ce formulaire, la gestion devient impossible aux policiers, qui préfèrent l’arrestation de masse afin de remplir les centres de rétention administrative.

En somme, ce démantèlement tombant du ciel à quelques mois d’une échéance présidentielle semble moins le fruit d’une préoccupation humanitaire qu’un calcul électoraliste. Le gouvernement profite de l’accalmie de la « saison » pour évacuer un camp devenu trop visible, confiant ainsi courageusement le fond du problème à la prochaine législature, au printemps, lorsque les conditions en Méditerranée seront à nouveau favorables.

Commencer par pleurer

De tous ces témoignages de l’écart mesurable entre la proclamation des droits et leur effectivité, je comprends que le plus grave reste la situation des mineurs non accompagnés. Ils étaient encore 1 300 dans le démantèlement. Un nombre alarmant.

Ce chiffre vous est indifférent ? C’est normal, j’y étais également insensible avant d’arriver sur le camp, autant que ceux entendus dans le concert d’égoïsmes et la compétition de victimes, quotidien de ma télévision.
Quelles relations notre conscience établit-elle entre les quelques dizaines de disparus d’un crash en avion, les millions de morts au Proche-Orient, l’éclatement d’une guerre ou la proclamation d’une nouvelle dictature ? Seule l’épaisseur du réel m’a permis de prendre conscience du drame de chaque miette de vie humaine.

Comme Sayed, m’ayant invité un après-midi à rejoindre sa tente pour me raconter le sien, après avoir cheminé dans un dédale d’abris, de sable humide et de boue merdeuse. À la lueur d’une bougie, au crépitement de la pluie sur le nylon du baraquement, il commençait par pleurer. Son père assassiné sous ses yeux par les talibans dans la province de Baghlân, sa fuite avec son frère perdu en route, la faim, la guerre, la prison, puis les milliers de kilomètres à pied pour parvenir jusqu’à Calais. Cela fait trois mois qu’il est là et prend des forces pour rejoindre l’Angleterre par tout moyen. Il a 16 ans. Il a tout vu. Et il n’a pas peur.

Pourquoi s’indigner ?

Parce que je n’arrive pas encore à croire que ce camp ait existé à deux heures de Paris et à quinze minutes d’une gare Sncf.

Parce que j’y ai vécu de longues semaines à sentir l’impuissance, l’injustice et par-dessus tout, la honte de voir s’immobiliser des mois entiers l’ombre de corps bouleversés, de regards vaincus, de destins transits.

Parce que j’y ai été habillé en réfugié, j’y ai mangé en réfugié, j’y ai été insulté en réfugié ; et parce que j’y ai finalement été du fond du cœur convaincu de l’égalité des hommes, de l’absence de hiérarchie, malgré tout ce que la logique dominante pousse à croire des diplômes, des revenus et des grandes écoles.

Parce qu’après cet engagement à Calais, me voilà à Lampedusa ; ce morceau de terre de 20 km2 à 70 milles des côtes d’Afrique et à 120 milles des côtes de Sicile, où 400 000 migrants ont atterri en vingt ans ; ce morceau d’Italie d’en bas où le pays se repose, mais où continuent d’échouer quotidiennement, un peu par hasard et de nulle part, des Kurdes, des Nigériens, des Somaliens, des Soudanais, des Libyens et des Érythréens suppliciés.

Parce qu’à l’heure où l’Occident court après les Pokémon Go et leur « professeur Saule qui a passé sa vie à s’intéresser à leur migration », des migrants bien réels continuent de s’échouer d’Orient.

Parce que cet antagonisme entre le virtuel et le réel s’illustre, à quelques encablures de bateau, dans la misère libyenne contemplant la richesse de Pantelleria.

Parce que l’arrivée massive de migrants, ces derniers jours à Lampedusa, a fini de me convaincre que ce flux n’est pas près de tarir les camps voisins de Calais qui grossissent, par exemple à Grande-Synthe ou à Norrent-Fontes.

Parce que je ne supporte plus de voir ces bateaux nous immerger dans le drame quotidien des migrants, entassés jusqu’à 250 alors que nous ne monterions pas à plus de 20, échappés du désert et à l’État islamique par les rives libyennes, le visage émacié, le corps chétif, déshydraté, à bout de force, aux vêtements puant l’essence et aux gilets de sauvetage cisaillant la peau.

  En quelques années, Mare Nostrum s’est transformée en mer monstrueuse, charriant les cadavres et la haine religieuse, tombeau oublié.

Sabratha, 3 000 migrants

Parce que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime qu’au moins 275 000 personnes attendent d’embarquer de l’autre côté, en proie au nouveau trafic d’esclaves et aux mafias de passeurs à Sabratha, port du Nord libyen, aussi familier des milices que des salafistes.

Parce que ces bateaux à la dérive symbolisent la dérive même de l’Europe qui a abandonné la Grèce en 2015, puis l’Italie en 2016, face à la crise migratoire.

Parce que cette Italie que l’on appelait la Grande Grèce, la Magna Graecia, plus grecque qu’italienne, est aussi l’Italie perdue de Matteo Renzi, l’ancien président du Conseil italien, aujourd’hui aux mains du comique Beppe Grillo et de ses amis du M5S.

Parce que je ne supporte plus de voir le fondement de l’Europe se déliter ; et abandonner Athènes et Rome, ces deux berceaux d’une humanité première, à l’origine de l’expression idéale de justice et de liberté entraînant le respect des lois, le civisme et le sens du courage.

Parce que dans ces conditions, la perspective d’une solution politique, en France à Calais ou en Italie à Lampedusa, forgée dans cette Union européenne ou autour de cette Méditerranée est plus éloignée que jamais.

Cette Méditerranée par laquelle notre histoire a commencé, où les Anciens ne voyaient qu’une civilisation des deux côtés de la rive et des trois continents, appelée par les Grecs et les Romains « notre mer », cette mer de proximité, avec ses côtes rassurantes et ses morceaux d’îles illuminées de promontoires en promontoires, de l’Égée à la mer Ionienne, cette Méditerranée, qui revient en force de la pire façon : en quelques années, Mare Nostrum s’est transformée en mer monstrueuse, charriant les cadavres et la haine religieuse, tombeau oublié.

Ce soir, après cette semaine de démantèlement à Calais, et sur cette île entre les bords de l’Orient et de l’Occident, tout semble irréel, presque beau malgré le drame alentour. La nuit n’est pas encore close, mais l’obscurité l’emporte, de minute en minute, sur les rivages bleus et roses de cette fin d’été, et de ce thé vert au goût sucré d’éternité. Dans cette ambiance de camp de réfugiés, je m’allonge et cherche le sommeil à même le sol. Ce sol que des milliers de migrants ont piétiné toute la journée à la recherche d’un nouveau départ, où maintenant ils fument et jouent aux cartes non loin de moi, où une partie de football improvisée se tient à quelques pas entre la Somalie et la Libye, et où, dès demain, ils reprendront la folle course vers un « habitat durable ».

Par Maître Pierre Farge, avocat à la cour.

Télécharger la parution dans ESPRIT en pdf

Notes

¹Entretien avec Emmanuelle Cosse, « Un hiver de plus dans la jungle de Calais n’est pas possible », Libération, 14 octobre 2016.

Référendum : une triple faillite pour l’Italie

Référendum : une triple faillite pour l’Italie

C’est à la fois une faillite politique, bancaire, et politique pour l’Europe.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans La Tribune

Cela fait plus de six mois que l’Italie parlemente sur l’organisation de son parlement. L’objectif était de garantir enfin la stabilité gouvernementale pour mettre fin à plus de 60 législatures en 60 ans, mais aussi accélérer l’adoption des lois et renforcer son exécutif.

Le choix d’hier vient de mettre fin à ces discussions byzantines et paradoxalement assurer l’exact inverse pour les prochains dix-huit mois.

Un des principaux points de cette réforme constitutionnelle visait notamment la fin du bicamérisme parfait. Autrement dit, savoir si le palais Madame (Sénat) aurait autant de pouvoir que le palais Montecitorio (Assemblée nationale).

Cette révolution de palais n’a pourtant pas convaincu les italiens, davantage préoccupés par 12% de chômage (40% chez les jeunes) et des perspectives de croissance toujours inférieures à 1% (sans compter une croissance par habitant équivalente à celle de 1997).

Une triple faillite pour l’Italie

Après le succès de son Italicum en 2015, Matteo Renzi s’est cru trop fort pour pouvoir échouer. Pourtant, son referendum transformé en vote de confiance est une triple faillite : politique, bancaire et européenne.

 Faillite politique

Faillite politique puisque le Président du Conseil des ministres a démissionné avant même les résultats définitifs du matin. Le parlement sera certainement dissout dans les prochains jours et le pays deviendra alors ingouvernable.

La forte prime majoritaire pour la Chambre des députés prévue par l’Italicum est en effet impossible avec un Sénat qui demeure puissant élu à la proportionnelle (en supposant la légalité de cette réforme encore soumise à l’appréciation de la cour constitutionnelle).

A défaut de trouver une loi électorale et de procéder à des élections anticipées courant 2017 ou fin de la législature 2018, cela laisse de quoi s’amuser au comique Beppe Grillo et ses amis du M5S.

 Faillite bancaire

En l’absence d’un gouvernement crédible, l’Italie plongera dans une crise bancaire qui fera couler l’Union européenne.

La plus vieille banque du monde encore en activité, et troisième institution d’Italie, Monte Dei Paschi di Siena sera victime de sa sous-capitalisation et du triplement de ses créances douteuses ses dix dernières années.

Si la réaction des investisseurs était déjà glaciale dans son opération de la dernière chance pour lever un milliard d’euros, nous sommes maintenant certains qu’ils ne se tourneront plus vers l’Italie, voire même que ceux encore existant se retireront aggravant ainsi le marasme.

Par ailleurs, le plan de sauvetage national prévu à hauteur de 5 milliards d’euros est moins sûr que jamais (un conseil d’administration est prévu demain). Pourtant, cette nécessité n’est pas isolée puisque quatorze des plus grandes banques italiennes détiennent près des deux tiers de toute les créances douteuses de la zone euro.

 Faillite de l’Europe

Cet échec politique et cette faillite bancaire aura des conséquences considérables sur la situation de l’Union européenne et de l’euro zone. En témoignent déjà les turbulences des dernières heures sur les marchés, allant du plongeon de l’euro face au dollar à l’effondrement de l’indice de Milan et de Tokyo.

Autrement dit, après parlementer sur l’organisation de son parlement, l’Italie oblige maintenant à parlementer sur le sort même de l’Europe.

Affaiblie par une crise grecque retentissante, puis d’un Brexit fracassant, voici donc la crise italienne plus silencieuse mais non moins grave puisque c’est de la sortie du troisième pays de la zone euro dont il est question.

Sans compter que cette nouvelle donne rend immédiatement obsolète les deux programmes économiques des favoris à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron et François Fillon.

Par Maître Pierre Farge.

 

Brexit : Leave’s Victory

Brexit : Leave’s Victory

Brexit, tournant dans l’histoire de l’Europe et de l’Occident.

Brexit, preuve que les peuples ne répondent jamais lors des referendums à la question posée mais à la popularité de celui qui la pose.

Brexit, preuve que la démocratie ne doit pas trop appartenir au peuple, au risque de remettre en cause inconsidérément de grands acquis niant la notion même de progrès.

Brexit, preuve du suicide de l’Europe, du délitement de ses fondements et de son Traité de Rome signé il y a presque soixante ans.

Brexit, et donc bientôt Europexit lorsque le continent sortira de lui-même force de toutes les menaces de ses membres.

L’Europe désagrégée.

L’Europe économique incapable d’une cohérence politique.

L’Europe sortie de l’Histoire comme l’Empire romain au IIIème siècle.