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Actualités Farge Associés

Actualités du Cabinet et de Pierre Farge, avocat associé fondateur :
lanceurs d’alerte, droit fiscal, droit pénal, pro-bono, culture…

Damien Abad : nouveau ministre, nouveau tribunal médiatique

Damien Abad : nouveau ministre, nouveau tribunal médiatique

Dans l’affaire Abad, au nom de la présomption d’innocence, rien n’autorise de réclamer une sanction comme une démission, ou plus simplement salir une image.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints

La formation du nouveau gouvernement entraîne son lot habituel de révélations sur la vie des ministres. La dernière d’entre elles vise Damien Abad pour de présumées violences sexuelles… datant de plus d’une décennie, et déjà classées sans suite par la justice.

Malgré le rapport d’octobre 2021 de l’ancienne garde des Sceaux Élisabeth Guigou sur la protection de la présomption d’innocence mise à mal par la presse, ce principe est de nouveau piétiné quelques jours après la formation du gouvernement avec la mise en cause d’un nouveau ministre.

Ancien député de l’Ain et Président LR, c’est curieusement lorsqu’il est nommé membre du gouvernement que son passé refait subitement surface, comme si les plaignantes retrouvaient la mémoire en le voyant sur le devant de la scène.

Il est important de respecter la présomption d’innocence. Fort du phénomène #MeToo, la voix des victimes est entendue plus que jamais partout en France, et c’est une excellente nouvelle que la justice puisse être rendue plus utilement et plus rapidement. Pour autant, cette libération de la parole doit intervenir dans le respect d’un des principes les plus fondamentaux de notre droit : la présomption d’innocence.

Et en l’espèce, la présomption d’innocence devrait avoir un sens d’autant plus important que ces deux femmes ont porté plainte pour viols entre 2010 et 2011, plaintes donnant lieu à deux classements sans suite en 2012 et en 2017.

Attention à la justice populaire.
Partant, rien n’autorise – sinon peut-être la volonté de faire polémique et vendre du papier – de réclamer une sanction comme une démission, ou plus simplement salir une image.

Sauf donc à considérer que n’importe qui peut se faire justice lui-même en un tweet ou une simple déclaration péremptoire dans un média, l’institution judiciaire demeure garante du respect de cette présomption d’innocence, des suites qu’elle donne, ou non, à une plainte conformément au droit en vigueur.

Pierre Farge.

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La mort annoncée de Julian Assange

La mort annoncée de Julian Assange

L’extradition de Julian Assange par l’Angleterre vers les États-Unis marque un nouveau recul de la protection des lanceurs d’alerte.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints

D’abord, rappelons nous. Onze ans après les révélations WikiLeaks, Julian Assange finit par être interpellé à l’ambassade d’Équateur à Londres. Il est immédiatement livré à la justice britannique et placé en détention provisoire. Les États-Unis réclament alors son extradition.

Le lanceur d’alerte avait de sérieux espoirs d’y échapper pour trois raisons :

  • Un état de santé préoccupant,
  • La liberté d’expression et le droit à l’information dont son alerte est le symbole,
  • Et la jurisprudence Snowden.

Ce n’est en effet qu’à la faveur de fragilités psychiatriques que le refus d’extradition a d’abord été accordé, le magistrat appréciant un risque de suicide élevé, plutôt que les arguments sans cesse invoqués par le lanceur d’alerte comme la liberté d’expression ou le droit à l’information issus de ses leaks.

Il est en effet malheureux que le refus d’extradition d’un lanceur d’alerte, ayant permis par exemple de révéler des crimes de guerre au Moyen-Orient, se fonde essentiellement sur un état mental fragilisé, plutôt que sur des droits aussi fondamentaux.

Le cas de d’Edward Snowden mérite aussi d’être rappelé, tant il témoigne de la différence de traitement avec Julian Assange.

Tous deux font l’objet de poursuites de la part des autorités américaines pour avoir divulgué des informations confidentielles. Tous deux se sont réfugiés dans un État différent de celui dont ils sont ressortissants. Tous deux font l’objet d’une demande d’extradition des États-Unis.

À la différence que la Russie a d’abord accueilli Snowden, refusé de l’extrader, sans jamais le placer en détention. Il a même successivement obtenu l’asile temporaire, un permis de séjour, et peut aujourd’hui librement se déplacer sur ce territoire ; aussi restreint soit-il depuis la guerre en Ukraine née entretemps.

« Des garanties suffisantes » ou un procès Kafkaïen à venir pour Julian Assange

En dépit de ses espoirs légitimes du lanceur d’alerte, en décembre 2021, l’appel devant la justice britannique fait droit à la demande des États-Unis, estimant que des garanties suffisantes avaient été fournies quant au traitement réservé à Julian Assange.

Ces garanties suffisantes sont donc à ce jour les suivantes :

  • Rien de moins qu’une prévention maximale de 175 ans de prison.
  • Rien de moins qu’un ancien Président (Donald Trump) qui a promis d’en faire « un exemple » pour tous les journalistes d’investigation.
  • Rien de moins qu’une incarcération promise dans une prison de « très haute sécurité », en l’occurrence l’ADX dans le Colorado, aux côtés de membres d’Al-Qaida.
  • Et une incarcération d’autant plus exceptionnelle qu’elle sera en isolement total.

Preuve supplémentaire de cette décision politique, la Suprem Court britannique refuse d’examiner le recours du lanceur d’alerte au prétexte qu’il ne soulèverait pas de question juridique particulière.

L’extradition vers les États-Unis ainsi ordonnée le 20 avril 2022 est donc définitive. Très concrètement, cela signifie que Julian Assange dépend maintenant de l’ordonnance d’extradition du ministre de l’Intérieur britannique. Une fois signée, il quittera le pays sous 28 jours.

Un départ donc sous forme de sentence, ici synonyme de condamnation à mort, preuve supplémentaire de l’allégeance de Londres à la puissance américaine, et signal fort du peu de cas que fait la Couronne à la cause des lanceurs d’alerte.

Pierre Farge.

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Comment juger Vladimir Poutine – Le Journal du Dimanche

Comment juger Vladimir Poutine – Le Journal du Dimanche

L’avocat, Pierre Farge, démontre l’intérêt de pointer la responsabilité de Vladimir Poutine, et non pas de l’État russe, pour l’invasion de l’Ukraine. 
Retrouvez la tribune de Pierre Farge publiée dans Le Journal du Dimanche, ce 13 mars 2022.

Différents scénarios pour juger Poutine

Saisir la Cour internationale de justice contre la Russie ?

Une responsabilité étatique de la Russie. On pense d’abord logiquement à la Cour internationale de justice (CIJ), principal organe judiciaire de l’ONU. Mais elle n’est compétente que pour les seuls États qui s’y soumettent, c’est‑à-dire qui reconnaissent volontairement sa compétence.

Il est peu probable que la Russie se soumette à cette juridiction… en vue d’une condamnation quasiment garantie, à en croire l’unanimité des opinions émises dans le monde sur ce conflit.

C’est d’autant plus improbable que la CIJ ne dispose d’aucun moyen pour faire respecter ses décisions, comme faire appliquer un ­cessez-le-feu.

Saisir la Cour pénale internationale ?

Deuxième hypothèse, celle de la Cour pénale internationale (CPI), compétente pour juger des crimes contre l’humanité.

Pour la saisir, il faut que les États soient signataires du statut de Rome de 1998. Cependant, ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié cet accord.

La CPI est donc incompétente pour connaître de ces faits.

Saisir la Cour européenne des droits de l’homme ?

Troisième hypothèse pour condamner la Russie, recourir à une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Cette option, d’ailleurs déjà engagée par l’Ukraine, promet d’être longue et n’est pas répressive au sens pénal du terme.

Créer un tribunal pénal international spécial ?

Dernière possibilité, sans doute la plus crédible, mais toujours pas immédiate : créer un tribunal pénal international spécial, comme nous l’avions fait pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.

Ces hypothèses visent donc toutes une responsabilité de la Russie, mais pas de la personne de son président, qui serait pourtant la plus efficace.

Une responsabilité individuelle de Vladimir Poutine et de son entourage ?

Comme le tribunal de Nuremberg l’a prouvé, la responsabilité individuelle d’un dirigeant politique est possible s’il est démontré un crime de guerre en violation des lois de la guerre prévues par la convention de Genève et la convention de La Haye.

Un mandat d’arrêt international devrait être émis par Interpol contre Vladimir Poutine et son entourage politique impliqué dans le conflit.

Si cette perspective est juridiquement possible, à ce jour elle n’a jamais été mise en œuvre contre un président en exercice.

Comme il y a un début à tout, c’est une question de détermination et de volonté politique. Cette volonté pourrait se manifester en France, et Paris donner l’impulsion, à l’occasion de sa présidence de l’Union, à l’ensemble de l’Europe.

Plus largement, même si ni l’Ukraine ni la Russie n’ont ratifié le traité créant la Cour Pénale Internationale, l’Ukraine a néanmoins reconnu en 2014 sa compétence pour les crimes commis sur son territoire.

Il serait donc possible, dans le même temps, de poursuivre les ressortissants russes impliqués dans cette invasion en les arrêtant sur le territoire d’un État qui reconnaît la compétence de la CPI.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.

 

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Une filiale d’ENGIE gaspille des milliers de M3 de gaz : réaction de Pierre Farge

Une filiale d’ENGIE gaspille des milliers de M3 de gaz : réaction de Pierre Farge

Maître Pierre Farge est interviewé par RMC, dans l’émission « Apolline Matin », concernant l’enquête sur le gaspillage de milliers de M3 de gaz par une filiale d’ENGIE.

Environ 2,5 millions de mètres cubes de gaz seraient ainsi rejetés chaque année, car « trop coûteux à recycler ». Non seulement, c’est une aberration écologique mais en plus, il y aurait de quoi chauffer des milliers de ménages !

Depuis 2014, un arrêté impose pourtant aux entreprises de « prendre toutes les dispositions de leur ressort pour limiter les purges ou rejets à l’atmosphère de gaz à effet de serre« .

Mais à l’heure actuelle, aucune sanction n’existe pour celles qui ne respectent pas la loi, et il n’existe pas non plus de seuil d’émissions pour le méthane.

Réaction de Pierre Farge : « On se moque du monde et malheureusement, le droit n’est pas respecté parce qu’il y a trop peu de sanctions en conséquence. Quelles sont les autorités judiciaires qui se sont saisies pour faire appliquer la loi ? Il n’y en a aucune. C’est ça qui est révoltant ».

Une situation paradoxale au moment où la question de l’indépendance énergétique européenne est posée suite au conflit en Ukraine…

Quelques exemples de « Greenwashing »

En réalité, la politique d’ENGIE en matière de Développement Durable relève de ce que l’on appelle depuis quelques années le « greenwashing », ou éco-blanchiment.

Il est ainsi défini par Wikipédia : « procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation (entreprise, administration publique nationale ou territoriale, etc.) pour se donner une image trompeuse de responsabilité écologique. La plupart du temps, les dépenses consenties concernent davantage la publicité que de réelles actions en faveur de l’environnement et du développement durable ».

L’opinion commence, lentement, à ouvrir les yeux sur sa réalité. Les exemples sont légion et se multiplient.

On pense, entre autres, aux belles publicités d’enfants qui disent à leurs parents merci de prendre soin de la planète en souscrivant auprès de tel producteur d’électricité; ce dernier présumant sans doute qu’un enfant peut toucher davantage un adulte…

Mais l’opinion ignore encore trop largement que le mépris écologique continue en réalité de plus belle.

Prenons trois exemples, parmi d’autres :

1. Bilans d’émissions de gaz à effet de serre

Les bilans établis après le 1er janvier 2016 doivent être transmis et publiés via la plate-forme informatique des Bilans d’émissions de gaz à effet de serre administrée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), accessible au public.

Les manquements à cette obligation peuvent être sanctionnés, en théorie, par une amende de 10.000 €.

En pratique, les bilans de toutes les entités du groupe ne sont pas publiés, et ce parfois jusqu’à quatre ou cinq ans en arrière.

Cela autorise certains des plus grands groupes d’énergie à publier les résultats exemplaires d’une filiale, tout en n’étant pas transparent sur sa pollution consolidée au niveau du groupe.

2. Rapport sur les risques et la prévention des risques environnementaux

Au mépris encore du droit en vigueur (articles L.225-102-1, et R.225-104 à R.225-105-2 du Code de commerce), ces mêmes producteurs d’énergie français doivent publier un rapport concernant les risques et la prévention des risques environnementaux.

Ces informations doivent ainsi faire l’objet d’une publication encore librement accessible sur le site internet de la société dans un délai de huit mois à compter de la clôture de l’exercice et pendant cinq ans.

Aucune déclaration de performance extra-financière n’est pourtant en ligne sur le site de STORENGY, filiale d’ENGIE, qui est donc en infraction à ces dispositions, pour ne citer qu’elle.

3. Déclaration de réduction des émissions de méthane

Même groupe, autre exemple. Une déclaration de performance est disponible sur le site de GRTgaz, filiale à 61% d’ENGIE.

Dans ce rapport, la société annonce une réduction par trois des émissions de méthane (de 30,9(n)m3 en 2016 à 10,2(n)m3 en 2020)… sauf que le système européen d’échange de quotas d’émission ne couvre pas le méthane !

Des efforts très récents de la Communauté européenne proposent d’ajouter un seuil d’émission pour les entreprises concernées, mais ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui.

Partant, il est aisé d’assurer d’une réduction de ses émissions pour un gaz qui ne fait l’objet d’aucune restriction. Un peu comme si l’on s’engageait à réduire par trois la dette sur trois ans, sans pour autant être tenu par une méthodologie claire, objective et rigoureuse pour le permettre réellement et témoigner de la sincérité de ses intentions.

Maître Pierre Farge, avocat défenseur des lanceurs d’alerte.

 

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Lexbase : Pierre Farge avocat des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences

Lexbase : Pierre Farge avocat des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences

Dans cet entretien avec LEXBASE, Me Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris, raconte son métier d’avocat pénaliste et son engagement auprès des lanceurs d’alerte et des femmes victimes de violences.

La vidéo est accessible ci dessous :

Transcript de l’entretien LEXBASE / Pierre Farge

Quand as-tu commencé à défendre les lanceurs d’alerte ?

C’est très tôt, quand j’ai commencé à exercer, que j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de droit en tant que tel qui protégeait les lanceurs d’alerte. Il y avait beaucoup d’affichage sur les dispositions qui étaient censées les protéger, mais quand on était avocat et qu’on avait des clients lanceurs d’alerte et il y avait très peu de dispositifs applicables pour les protéger réellement. J’ai donc beaucoup écrit dans la presse à ce sujet et ça a fait boule de neige. Il y a plein de lanceurs d’alerte qui se sont identifiés dans les histoires que je racontais, dans le vide juridique que je dénonçais. Et petit à petit, ils sont venus de plus en plus à moi.

J’ai voulu rendre accessible au plus grand nombre un sujet qui est d’apparence compliqué. On sait avec Erin Brockovich, avec les films qu’il y a eu d’Oliver Stone sur Julian Assange et les WikiLeaks. On vulgarise la question des lanceurs d’alerte, mais là, j’ai voulu en 200 pages, c’est un livre qui se lit très rapidement,  expliquer la genèse des lanceurs d’alerte, leurs histoires. Quand est ce qu’ils sont apparus dans l’Antiquité gréco romaine ?  Expliquer qu’ils ont toujours existé.

Et aujourd’hui, ils ont un besoin très important pour que les pouvoirs publics prévoient une protection digne de ce nom. Et on voit que, faute d’un droit applicable, d’un droit qui les protège réellement, on est obligé de faire appel aux journalistes pour dénoncer et se faire le relais des alertes des lanceurs d’alerte.

Quid de l’association AMALA ?

Amala est une association que j’ai créée, dans le cadre justement de la protection des lanceurs d’alerte. Dans la mesure où le lancement d’une alerte est en général multi juridictionnelle, ça peut très bien concerner des juridictions comme la France, mais aussi beaucoup et très souvent les Etats-Unis.

Et j’ai remarqué qu’on manquait souvent de correspondants et que c’était important de les relier, que tous les spécialistes de la matière, des lanceurs d’alerte en France, en Europe ou aux Etats-Unis, voire même en Amérique latine, puissent avoir un réseau et communiquer entre eux. Aujourd’hui, grâce à cette association, quand on a besoin d’un correspondant aux Etats-Unis, on sait comment le trouver par où passer.

Tu as également créé l’asso Avocat Stop Féminicide, peux-tu nous en parler ?

Avocat-Stop-féminicide.org, plus qu’une association, c’est un collectif d’avocats, le premier collectif d’avocats venant en aide aux femmes victimes de violences conjugales. J’ai créé ça le jour de l’ouverture du Grenelle contre les violences conjugales en 2019. Et il a trois missions principales :

  1. La première mission, c’est d’orienter les femmes victimes de violences conjugales. C’est à dire les aider à constituer leur dossier pour qu’il soit utile, qui soit recevable par les autorités judiciaires. Et à ce titre, en général, on a beaucoup d’associations qui nous envoient des femmes victimes pour les orienter, pour les accompagner, les aider à constituer leur dossier.
  2. Puis, éventuellement, si le dossier est suffisamment solide, c’est de les accompagner devant les juridictions françaises, aussi bien des juridictions civiles que les juridictions pénales.
  3. Et fort de cette expertise, de ces témoignages de terrain, on essaie de faire du lobbying comme on le fait depuis 2019 auprès des pouvoirs publics pour témoigner de ce qui fonctionne, mais surtout de ce qui ne fonctionne pas, dans la chaîne pénale pour protéger ces femmes victimes de violences conjugales le plus rapidement possible.
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Travail en prison : vers plus de réinsertion

Travail en prison : vers plus de réinsertion

La réforme du travail en prison proposée par Éric Dupont-Moretti vise à rapprocher le statut des travailleurs détenus à celui du droit commun par de nouvelles mesures.

Tribune de Maître Pierre Farge publiée dans Contrepoints 

En parallèle du Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire réduisant la peine des détenus faisant preuve de bonne conduite en détention, le garde des Sceaux entend maintenant leur donner les moyens d’assurer leur réinsertion. Cette ambition tient notamment à une réforme du travail en prison.

Une peine privative de liberté concilie plusieurs objectifs :

  • la protection de la société,
  • la sanction du condamné,
  • la défense des intérêts de la victime,
  • la réinsertion du détenu.

Ce dernier point apparaît avec la fameuse réforme de la politique pénale de 1945, dite « Réforme Amor ».

Son objectif : réadapter le détenu à la vie en société afin de prévenir la récidive.

Et cela peut notamment prendre deux formes : l’éducation ou la professionnalisation.

L’évolution du travail en prison

Malgré cela, le travail en prison n’a pas toujours été perçu comme un moyen de réinsertion.

D’abord parce que pendant longtemps, il était partie intégrante de la peine privative de liberté et donc obligatoire. La volonté de se réinsérer était donc, de fait, limitée…

Ce n’est qu’avec une loi 1987, relative au service public pénitentiaire, que ce paradigme évolue. Conformément à l’article 717-3 Code de procédure pénale, toute personne incarcérée doit en faire la demande. 

En 2009, cette liberté est encore étendue : le détenu prouve ses efforts de réinsertion lorsqu’il exerce au moins l’une des activités relevant de l’un des domaines suivants : travail, formation professionnelle insertion par l’activité économique, enseignement, activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques (article R-57-9-1 du Code de procédure pénale).

Cette idée de travail est d’autant plus attractive que les détenus sont ensuite rémunérés de 20 à 45 % du SMIC selon l’activité. Cela leur permet ainsi soit d’améliorer les conditions de vie en détention, soit de capitaliser en vue de leur sortie, par exemple pour se loger, se déplacer, se nourrir ou se vêtir, éloignant d’autant le risque de récidive.

Ces velléités politique et juridique ignoraient cependant la réalité carcérale, à savoir des offres très limitées, en raison notamment de la surpopulation.

À titre d’exemple :

  • fin 2017, le nombre d’heures d’activités proposées dans les établissements pénitentiaires s’élevait en moyenne à 3 heures 46 par détenu et par jour ;
  • les volontaires sont ainsi fréquemment placés sur liste d’attente pour accéder à un travail, à un enseignement ou à une formation professionnelle.

La folie en prison : la détention plutôt que les soins pour une question de coût ?

Une réforme du travail des détenus qui va dans le bon sens

Le garde des Sceaux tente donc aujourd’hui de rendre effectifs ces droits, et d’améliorer les conditions des détenus, notamment ceux condamnés à des moyennes et longues peines, où la routine est d’autant plus écrasante que l’espoir de réinsertion est mince.

La réforme proposée par monsieur Éric Dupond-Moretti vise donc à rapprocher le statut des travailleurs détenus à celui du droit commun par de nouvelles mesures.

Elle leur garantit non seulement un salaire minimum, mais également une meilleure régulation de la relation de travail et l’ouverture de droits sociaux, à savoir :

  • l’extension des droits à l’assurance vieillesse,
  • l’ouverture de droits à l’assurance-chômage,
  • l’indemnisation en cas d’accidents, de maladies professionnelles et de congés maternité.

Mieux, cette rémunération promet également de ne pas servir qu’au détenu, puisqu’une partie pourrait être allouée aux victimes. Cela pourrait passer par le règlement des dommages intérêts dus par les condamnés, souvent insolvables. Ce qui allègerait d’autant le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions (SARVI), à ce jour assumé par le contribuable et obligeant encore trop souvent les victimes dans des procédures chronophages.

Encore mieux, cette professionnalisation en détention permettrait de pallier la pénurie de main-d’œuvre sur le marché du travail, en particulier aux postes de techniciens ne nécessitant pas ou peu de diplômes (un tiers des PME tournent de ce fait au ralenti).

Ce serait une occasion pour les entreprises de retrouver la main-d’œuvre bon marché qui lui manque, et d’incarner cette idée de la deuxième chance, souvent utile aux valeurs de l’entreprise pour communiquer sur son image.

Outre garantir une meilleure réinsertion, le travail en prison promet donc au détenu d’améliorer l’indemnisation des victimes, et de dynamiser largement le tissu économique du pays.

Pierre Farge

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Dézoom : Lanceur.se.s d’alerte au Théâtre du Point du jour à Lyon

Dézoom : Lanceur.se.s d’alerte au Théâtre du Point du jour à Lyon

Demain Samedi 4 décembre 2021 à 16h00  :

DÉZOOM Lanceur.se.s d’alerte au Théâtre du Point du Jour à Lyon

Cette saison au Théâtre du Point du Jour, les lanceur·se·s d’alerte montent sur scène, s’affichent sur les murs et inspirent les artistes. Mais qui sont ces personnes, traitres pour les uns, héro·ïne·s pour les autres, qui s’opposent aux multinationales, aux banques et aux États ? Quels sont leurs droits ?

Alors que l’Assemblée nationale examine mercredi 17 novembre les moyens de mieux les reconnaître et protéger, le Dézoom nous fait prendre du recul dans une actualité brulante.

En écho à Pale Blue Dot, la dramaturge Catherine Ailloud-Nicolas convie deux membres du Collectif Metoo, Charlène Magnin et Krystel Le Ribler, l’ancien espion de la DGSE Maxime Renahy et l’avocat spécialiste des lanceur•se•s d’alerte Pierre Farge. Ensemble, ils interrogent les définitions, expliquent la réalité et les risques qu’encourent celles et ceux qui dénoncent les puissant•e•s.

Venez nombreux !
Accès libre sur réservation sur le site du théâtre
: https://pointdujourtheatre.fr/actualites/dezoom-lanceurses-dalerte

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Public sénat : La présomption d’innocence existe-t-elle encore ?

Public sénat : La présomption d’innocence existe-t-elle encore ?

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris, est intervenu dans l‘émission « Sens Public » du 1er décembre 2021 sur la chaîne Public Sénat a propos d’une question au centre de notre système judiciaire et au centre de l’actualité depuis l’affaire Nicolas Hulot : Comment concilier le droit à l’information et la présomption d’innocence ?

Rediffusion de l’émission Sens Public du 1er décembre 2021 sur Public Sénat

Élisabeth Guigou a remis un rapport au gouvernement sur ce thème. L’ancienne garde des Sceaux était entendue au Sénat.
Débats et analyse sur Public Sénat avec les invités :

  • Élisabeth Guigou, Ancienne ministre de la justice
  • Marine Turchi, Journaliste à Mediapart
  • Pierre Farge, Avocat pénaliste
  • Sophie Obadia, Avocate
  • Matthieu Croissandeau, Éditorialiste Public Sénat

Extrait :  Pierre Farge : « Il faudrait alourdir les sanctions et obliger les organes de presse à publier les non-lieux, avec le même battage médiatique que lorsqu’il était question de vendre et de mobiliser l’opinion autour d’un nom »

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Le secret professionnel des avocats attaqué

Le secret professionnel des avocats attaqué

Le Sénat adopte définitivement le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Malgré un amendement de dernière minute dangereux, les atteintes au secret professionnel restent sauves.

Tribune de Maître Pierre Farge parue du Contrepoints

En France, le secret professionnel de l’avocat est défini par la loi du 31 décembre 1971.

Il s’agit d’un principe fondamental à la base de la profession d’avocat : pour pouvoir utilement défendre, il doit y avoir une confiance absolue avec son client, qui doit pouvoir tout dire. Le secret professionnel était jusque récemment absolu. Il était un et indivisible.

C’est sans compter qu’avec l’évolution de la profession, l’avocat n’est plus seulement un défenseur, il est aussi un conseiller.

LE RÔLE DU SECRET PROFESSIONNEL

La chambre criminelle de la Cour de cassation faisait ainsi une distinction dans la protection des correspondances entre un client et son avocat selon l’activité de l’avocat :

  • lorsqu’elles interviennent dans le cadre d’une activité de conseil, la Cour autorise la saisie de ces correspondances.
  • En revanche, la chambre civile de la Cour de cassation couvrait du secret professionnel toutes les correspondances avec un avocat, quel que soit le domaine d’intervention.

Afin de rendre la jurisprudence cohérente, la loi du 7 avril 1997 modifie l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et étend clairement le secret professionnel à « toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense ».

En dépit de ce texte pourtant très clair, la chambre criminelle de la Cour de cassation reste toujours dans la nuance.

Encore récemment, dans un arrêt du 23 décembre 2020, alors même qu’elle rappelle le principe de la protection des correspondances entre un client et son avocat en toutes matières, elle juge légale la saisie de ces correspondances lorsqu’elles ne concernent pas l’exercice des droits de la défense.

UN PRINCIPE SOUS ATTAQUE

C’est dans ce contexte que le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire intervient, avec pour objectif affiché de renforcer le secret professionnel de l’avocat. En réalité, c’est l’inverse qui a failli se passer, et un jeu à somme nulle qui a finalement abouti.

La loi modifie directement le Code de procédure pénale par un article en ces termes :

« Le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 665 de la loi n° 711130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code ».

C’est la première reconnaissance de la divisibilité du secret professionnel, de la défense et du conseil. Mais surtout une formulation malheureuse qui divise le secret professionnel entre l’activité de défense et l’activité de conseil.

Et pour cause, la loi prévoit également l’ajout d’un nouvel article 56-1-2 selon lequel le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquêtes ou d’instructions en matière de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence, financement du terrorisme et blanchiment de ces délits.

Autrement dit, si l’avocat est complice même à son insu (en vertu d’un conseil qu’il aurait donné sans tout savoir du caractère frauduleux des agissements du client), le secret ne tient plus.

Autrement dit encore, une présomption de culpabilité permettait de mettre à mal le secret professionnel au prétexte de poursuites pour fraude fiscale, corruption ou trafic d’influence.

Et pour cause, où placer cette frontière de la défense et du conseil d’un client qui consulte, par exemple, un avocat pour dissoudre sa société ; puis l’avocat de comprendre que le client est finalement poursuivi pour fraude fiscale, et se voyait consulté sans doute pour organiser son insolvabilité ?

Cette extension des pouvoirs du juge n’est pas sans rappeler celle communément admise de placer un avocat sur écoute téléphonique pour un dossier précis, mais qui finalement permet d’écouter tous les échanges, et ainsi potentiellement n’avoir plus qu’à choisir celui le plus utile pour engager des poursuites.

Soit encore une fois au mépris de l’esprit et de la lettre du secret professionnel.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

Crédit photo de couverture : Eric Dupond Moretti by Pierre Metivier (creative commons) (CC BY-NC 2.0)

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L’animal n’est pas un meuble

L’animal n’est pas un meuble

Preuve de l’intérêt grandissant de l’opinion pour la cause animale, le premier Code de l’animal en Europe nait en France le 22 mars 2018.

Il rassemble toutes les dispositions légales et réglementaires en droit interne, européen et international, ainsi que les arrêts de jurisprudence les plus significatifs pour la protection des animaux de compagnie, d’élevages et sauvages.

En France encore, le 18 novembre 2021 est adoptée définitivement la loi pour la lutte contre la maltraitance animale. Elle prévoit notamment de nouvelles réglementations pour lutter contre l’abandon des animaux domestiques et durcit les peines applicables en cas de sévices et d’actes de cruauté.

Malgré ces avancées, les animaux restent toujours considérés, au sens juridique du terme, comme des biens meubles, comme l’explique Maître Pierre FARGE dans cet article paru dans Madame Figaro.

En cas de séparation, à qui revient la garde de l’animal ?

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Handicap et études supérieures : un étudiant porte plainte contre son école d’ingénieurs

Handicap et études supérieures : un étudiant porte plainte contre son école d’ingénieurs

Un étudiant «multidys» n’a pas obtenu les aides auxquelles il avait légalement droit pour passer un concours d’écoles d’ingénieurs et a porté plainte contre les Arts et Métiers pour discrimination. L’audience se tient ce vendredi 19 novembre 2021.

Après avoir témoigné de cette affaire lors de la Journée Nationale des Dys, son avocat Pierre Farge appelle aujourd’hui à la mobilisation générale pour cette audience cruciale pour l’égalité d’accès à des études supérieures des personnes en situation de handicap.

Venez nous soutenir en assistant au procès le 19 novembre 2021 à 13h30 au Tribunal judiciaire de Paris, 17e chambre, situé Parvis du tribunal judiciaire de Paris, 75017 Paris.
C’est à la Porte de Clichy : Métro lignes 13 et 14, RER C, Tramway ligne T3b, Bus RATP 28, 54, 74, 163 et 173.
Audiences publiques : comment accéder au Tribunal judiciaire de Paris pour assister à un procès.

Discrimination des Dys : Pierre Farge témoigne à la Journée Nationale des Dys

Article d’Elsa Maudet paru dans LIBERATION > Le handicap au quotidien

« Raphaël se bat un peu pour lui-même et beaucoup pour les autres. A quasi 22 ans, en quatrième année d’école d’ingénieur, il ne lui reste plus qu’un an à tirer. «Je sais très bien que je ne vais pas intégrer une autre école. Une fois que le dossier sera clos, je n’aurai rien gagné», estime le jeune homme.

Le 19 novembre, il a rendez-vous au tribunal correctionnel de Paris, devant qui il poursuit l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam) et son directeur général, Laurent Champaney, pour «discrimination fondée sur le handicap avec la circonstance aggravante d’avoir été commise par une personne dépositaire de l’autorité publique».

L’affaire remonte à 2020. En début d’année, Raphaël s’inscrit à la Banque PT, un concours commun aux écoles d’ingénieurs recrutant des étudiants parmi les classes préparatoires de la filière physique-technologie (PT). Ce pour quoi il bûche depuis près de deux ans.

Lors de l’inscription, il coche la demande d’aménagements, dont peuvent bénéficier les étudiants handicapés. Le jeune homme est «multidys» : dyslexique, dysorthographique, dyscalculique, dysphasique, dysgraphique et dyspraxique. «La parole n’est pas innée, l’écriture n’est pas innée. Le spontané n’existe quasiment pas», résume-t-il depuis le cabinet de son avocat, à Paris.

Sans ordinateur, il rend des copies à l’apparence brouillonne. Sans correcteur orthographique, elles sont truffées de fautes. Sans calculatrice, il ne peut pas faire de graphiques ni d’opérations simples. Bref, il a besoin de ces aménagements pour pouvoir montrer ce qu’il vaut, son intelligence et ses compétences académiques n’étant en rien amoindries par ses troubles. Raphaël fait donc une demande d’aménagements, puis envoie les documents justifiant ses besoins. «J’avais fait en sorte de voir tous les médecins et spécialistes avant», resitue l’étudiant.

Notes catastrophiques

Les semaines passent et aucune validation de sa demande ne lui parvient. Dans la dernière ligne droite avant l’échéance, censée être une phase d’intenses révisions, «je passais beaucoup de temps à chercher à comprendre à qui il fallait m’adresser pour avoir des réponses». Ses coups de fil et courriers sont sans réponse depuis des mois.

A force d’acharnement, il obtient notamment un tiers-temps, c’est-à-dire davantage de temps pour composer au concours, et un ordinateur. Sans correcteur orthographique ni logiciels adaptés. Il continue donc de demander la totalité des aménagements dont il a besoin pour passer son concours dans des conditions équitables par rapport aux étudiants valides. En vain.

«Le jour J, j’ai essayé de faire au mieux, en perdant un temps monstrueux sur la recherche de mots. Dès le début de l’énoncé, c’est écrit “lisibilité et orthographe sont déterminants”. Comment un dyslexique peut compenser son orthographe s’il n’a pas son correcteur d’orthographe ?», souffle Raphaël.

Le jour des résultats, le couperet tombe : ses notes sont catastrophiques. Avec notamment un 2/20 en français, qui lui laisse à penser que son travail n’a même pas été lu – ses demandes de consultation de copies sont restées lettre morte. Les portes des meilleures écoles d’ingénieurs se ferment. «J’avais la possibilité d’intégrer une école post-bac mais j’avais fait le choix d’aller en classe préparatoire pour avoir mieux, s’agace Raphaël. Je ne demande pas à être catapulté en haut du classement, je connais mes compétences. Mais les Arts et métiers, c’était réalisable. Je pense qu’ils se sont dit que je n’avais rien à faire ici.» 

Le vingtenaire a saisi le tribunal par une citation directe en octobre 2020. Aujourd’hui, il étudie dans une école accessible après le baccalauréat, qu’il a intégrée directement en troisième année.

«Ça ne compensera jamais ce qu’il a perdu»

Du côté des organisateurs du concours, on assure tantôt n’avoir pas reçu le dossier médical, tantôt que l’intéressé s’y est pris trop tard. «J’ai bien vérifié, il n’y a pas de faute de la part de la famille, tout a été fait selon les règles», défend Concepcion El Chami, présidente de l’association Dyslexiques de France. Sollicité par Libération, l’Ensam, qui gère les dossiers d’inscription et l’organisation des épreuves écrites de la Banque PT, n’a pas souhaité s’exprimer car la procédure judiciaire est en cours.

Habituellement, ce type de litiges se règle au tribunal administratif, pas au pénal, mais «de plus en plus de jeunes qui sont dans le supérieur ont vécu cela et veulent être entendus. Derrière cette audience, il y a un ras-le-bol de cette légèreté. Il faut montrer la responsabilité des personnes qui traitent les dossiers et montrer qu’il y a un préjudice, un impact sur la vie des gens», assène Concepcion El Chami. «Quoi qu’on obtienne comme somme, ça ne compensera jamais ce qu’il a perdu. Toute sa carrière, il devra assumer le fait d’être dans cette école», moins prestigieuse, juge Pierre Farge, l’avocat de Raphaël«Quand je voudrai évoluer, il faudra que je me justifie. Les autres seront augmentés par défaut parce qu’ils auront fait une meilleure école», anticipe le jeune homme. Aujourd’hui, il peine à imaginer son avenir. Sa seule certitude : il rejoindra «une entreprise qui a des valeurs». Et traite correctement les travailleurs handicapés. »

Info relayée sur Twitter 

https://twitter.com/Pierre_Farge/status/1460608703619608579?s=20

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Quels sont les droits des lanceurs d’alerte ? Pierre Farge sur France Info

Quels sont les droits des lanceurs d’alerte ? Pierre Farge sur France Info

Le réseau social Facebook est secoué par les dénonciations de deux lanceurs d’alerte, qui l’accusent notamment de ne pas avoir assez lutté contre la désinformation. En France, quels sont les droits et la protection des lanceurs d’alerte ?

Maître Pierre Farge invité de Philippe Duport dans son émission « C’est mon affaire » sur France Info le 31 octobre 2021.

De nouvelles révélations font trembler Facebook. Le réseau social est notamment accusé par une lanceuse d’alerte, Frances Haugen, ancienne ingénieure chez Facebook. Selon elle, le géant américain diffuserait des fake news sur ses pages pour s’enrichir. Comment les lanceurs d’alerte sont-ils protégés en France ? Quels sont leurs droits ?

Ecouter l’émission du 31 octobre 2021

5 questions à Pierre Farge sur la protection des lanceurs d’alerte

Pierre Farge est avocat et auteur de Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur, paru cette année aux éditions Jean Claude Lattes.  Dans cet ouvrage, il souligne que la législation française ne protège pas assez les lanceurs d’alerte.

France Info : Comment définit-on un lanceur d’alerte, quelle est sa définition légale ?

Pierre Farge : Le lanceur d’alerte a été défini pour la première fois dans la loi Sapin 2 de 2018, à son article 6 : c’est une personne qui alerte de bonne foi, dans l’intérêt général et de façon désintéressée.

Peut-on perdre son emploi ou risque-t-on des poursuites pour avoir lancé une alerte ?

Bien sûr. Ce sont tous les inconvénients et les dangers de l’alerte. Il y a ce que l’on appelle des procédures baillons. On peut perdre son emploi, ce qui oblige à saisir un conseil de prud’hommes pour dénoncer le licenciement abusif, mais on peut aussi faire l’objet d’autres procédures baillons, comme des procédures en violation de la confidentialité du contrat, ou des procédures en diffamation, en droit pénal de la presse.

Et pourtant la loi est censée le protéger…

Cette loi, c’est de l’affichage, c’est-à-dire que certes, c’est une avancée parce qu’on définit pour la première fois ce qu’est un lanceur d’alerte, ça permet d’expliquer que les lanceurs d’alerte vont dans le sens de l’histoire, mais quand on est avocat et qu’on cherche à appliquer cette loi dans l’intérêt de ses clients, elle est absolument inapplicable.

Est-ce parce qu’avant de donner l’alerte, il faut d’abord en parler à son employeur ?

La loi prévoit trois paliers, et notamment ce premier palier qui oblige l’employé à dénoncer à son employeur les faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Ce dispositif était dangereux et il a mis trois ans avant d’être corrigé.

La directive européenne, que nous devons transposer avant mi-décembre a obligé à retirer ce premier palier, du moins désormais, le lanceur d’alerte a le choix de saisir directement l’autorité judiciaire ou de dénoncer les faits à son employeur. On lui donne le choix. L’employeur pouvait immédiatement prendre toutes les mesures répressives pour faire taire son lanceur d’alerte, à commencer par le licencier ou le poursuivre au pénal pour diffamation.

Est-ce que d’autres pays protègent mieux que nous les lanceurs d’alerte ?

Les États-Unis ont 20 ans d’avance sur la protection du lanceur d’alerte. On s’en inspire d’ailleurs. Il y a tout un mécanisme d’indemnisation, des délais qui sont beaucoup plus rapides qu’en France, le droit est beaucoup plus clair.

 

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Défense d’un ancien salarié d’Assala lanceur d’alerte au Gabon

Défense d’un ancien salarié d’Assala lanceur d’alerte au Gabon

Maître Pierre Farge assure la défense d’un ancien salarié de Assala Energy (groupe Carlyle) au Gabon, ce lanceur d’alerte dénonçant des pratiques discriminatoires en droit du travail qui lui sont également reprochées par le syndicat Onep.

Dépêche d’Africa Intelligence du 15 octobre 2021 sur cette affaire.


GABON : Assala aux prises avec un ex-salarié mécontent et le tout-puissant syndicat Onep

La junior du groupe Carlyle, Assala Energy, fait face à de nombreux vents contraires obligeant son management à contre-attaquer.

Les relations entre le management d’Assala Energy et ses salariés au Gabon sont mises à rude épreuve depuis quelques semaines.

Pour tenter d’apaiser la situation, Assala a dépêché la semaine dernière à Libreville trois de ses cadres du siège londonien
– la directrice des affaires externes et des ressources humaines Caroline Sourt,
– la nouvelle patronne Health, Safety, Security & Environment (HSSE) Lisa Brassil
– et la General Counsel Joelle Tobin.

Alors que le pétrolier, contrôlé par l’antenne britannique du fonds d’investissement américain Carlyle, sort à peine d’un épisode de crise (voir nos révélations, AI du 25/08/21), les mauvaises nouvelles continuent de s’accumuler.

L’un de ses anciens cadres, licencié en septembre 2020, menace ainsi d’assigner Assala Energy devant le tribunal du travail de Libreville.

En prévision de cette possible échéance judiciaire, l’avocat du plaignant, Pierre Farge, a écrit le 1er septembre 2021 à l’inspection du travail au Gabon afin d’expliquer les dispositions dans lesquelles son client se trouve.

Après avoir rappelé que la famille de ce cadre français avait dû quitter le Gabon sous 24 heures lorsque son licenciement lui avait été signifié, Farge affirme qu’il dispose de documents très compromettants pour Assala Energy qu’il pourra mettre à disposition de l’inspection du travail gabonaise.

Toujours selon le document du 1er septembre, Joelle Tobin aurait écrit au client de Pierre Farge pour lui signifier que la divulgation d’informations sensibles serait susceptible de pousser à des « troubles civils » dans le pays.

Selon l’avocat, toujours dans son courrier, Tobin aurait aussi menacé de « procédures baillons » l’ancien d’Assala.

Que compte divulguer le client de Pierre Farge ?

Dans ce document de deux pages transmis à l’inspection du travail gabonaise, l’avocat français souligne que son client n’a « plus rien à perdre » et pourrait s’étendre sur les procédures de discrimination au sein de son ancienne firme.

Il mentionne par exemple que certains salariés expatriés bénéficieraient de stock-options alors qu’ils sont sous les ordres de Gabonais qui ne profitent pas de cet avantage financier.

Il poursuit en écrivant que la direction londonienne souhaite « à tout prix taire » cette information.

Pierre Farge est un spécialiste de la protection des « lanceurs d’alerte », auxquels il a consacré un livre publié en France, et compte bien mettre la pression sur la compagnie enregistrée au Royaume-Uni et dirigée par un ancien de Tullow Oil, David Roux.

Le syndicat des ouvriers charge

Cet épisode survient alors que le syndicat des ouvriers du pétrole au Gabon, l’Onep, a rencontré l’inspecteur du travail le 27 juillet 2021 pour faire part de ses griefs quant aux conditions de travail au sein d’Assala Energy.

Dans un document daté du 11 août 2021 dont Africa Intelligence a pu obtenir la copie, le syndicat reproche à Assala :
– une cinquantaine de départs depuis un an en violation « des positions conventionnelles »,
– des « rétrogradations hiérarchiques » avec les noms à l’appui,
– l’existence d’une liste noire de salariés dont il faut freiner les carrières et d’une liste rouge de salariés à faire partir.

Selon l’Onep toujours, le directeur général – David Roux – est responsable d’avoir institué « un climat de peur et de méfiance » dans la société.

Contacté par Africa Intelligence, Assala fait valoir que des preuves ont été demandées à l’avocat Pierre Farge pour étayer les dires de son client, mais n’ont pas été obtenues.

La firme pétrolière affirme avoir également déposé en France une plainte pour chantage contre son ancien salarié et son avocat et insiste sur le fait que ces derniers « manipulent les autorités gabonaises et la presse sur ce dossier en vue d’endommager la réputation d’Assala« .


Faute d’argument sur le fond de l’alerte, Assala assure intenter des procédures bâillon contre le lanceur d’alerte lui-même, et son avocat. Une stratégie tout à fait classique d’intimidation, quoi que plus rare s’agissant d’un conseil ne faisant qu’exercer son métier.
Nous attendons donc avec sérénité ces prétendues plaintes (cela fait plusieurs semaines qu’on nous en menace). Elles seront l’occasion de faire valoir l’exception de vérité, c’est-à-dire blanchir de toute responsabilité le lanceur d’alerte dès lors qu’il apporte la preuve que les faits dénoncés sont vrais.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.

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Discrimination des Dys : Pierre Farge témoigne à la Journée Nationale des Dys

Discrimination des Dys : Pierre Farge témoigne à la Journée Nationale des Dys

Intervention de Pierre Farge à la 15e Journée Nationale des Dys, à Paris le 9 octobre 2021.

Maître Pierre Farge dénonce l’absence de prise en compte du handicap des Dys dans l’enseignement supérieur, en particulier pour l’égalité d’accès aux concours des grandes écoles.

Dans son témoignage d’avocat, il assure la défense d’un jeune client Dys qui a échoué à un concours, faute d’avoir pu bénéficier des aménagements auxquels il avait pourtant droit du fait de son handicap et que l’institution organisatrice du concours n’a pas jugé bon de mettre en œuvre.

Présentation de la Journée Nationale des Dys

Comme chaque année, cette Journée a mobilisé les parents membres des associations de la Fédération et les professionnels partout en France. Depuis 15 ans, les manifestations organisées par les bénévoles à l’occasion de la JND ont permis de faire progresser à pas de géant la cause des enfants et adultes porteurs de troubles des apprentissages. La dyslexie, la dysphasie et la dyspraxie sont ainsi mieux connues du grand public et la famille des troubles « DYS » de mieux en mieux repérée :  site de la 15e Journée nationale des Dys

Vidéo de  l’intervention

Transcript de l’intervention de Pierre Farge

« Bonjour à tous,

Je parcourais tout à l’heure à mon arrivée les stands et constatais les remarquables innovations pour les Dys, dont ce correcteur d’orthographe, absolument génial, adapté au handicap des Dys. Il est unique au monde puisqu’il dispose d’un algorithme basé sur les corpus de textes des Dys, incluant donc les fautes type de Dys. Je trouvais ça formidable, mais je me suis dit que toutes ces innovations sont effectivement formidables, remarquables, mais ne servent à rien si elles ne sont pas effectivement exploitables par le biais de ce qu’on appelle les aménagements, lors des examens.

Si la loi n’est pas appliquée dans l’enseignement supérieur et l’Education nationale afin de placer tous ces étudiants dys sur un pied d’égalité, c’est ce qu’on appelle l’égalité des chances, un des grands principes de la République, sanctionnée dans notre droit par la discrimination. C’est la raison pour laquelle je suis là aujourd’hui. En tant qu’avocat, je défends les intérêts d’un étudiant brillant qui candidatait à une grande école et qui n’a bénéficié que de 10% des aménagements auxquels il avait droit.

10%, avec un stress que vous imaginez, il a, sans surprise, raté son concours. En demandant des comptes à l’école en question, que je ne citerai pas, il y a une procédure qui est en cours, en raison de cette absence d’aménagement. Nous avons trouvé un mur, un silence absolument total. A commencer par celui de son dirigeant, qui doit pouvoir répondre, comme vous le savez, au nom de l’institution. Silence absolument total de son dirigeant. Ensuite, nous avons saisi toutes les autorités compétentes pour savoir comment de telles négligences vis à vis d’un dys avaient été possibles.

Ce sont des courriers qui ont été adressés, il y a un peu plus d’un an, le 7 septembre 2020, à savoir à Madame la secrétaire d’Etat au Handicap, à la chargée de mission ou handicap, à la déléguée interministérielle compétente, à la médiatrice de l’Education nationale et au Défenseur des droits. On n’a pas obtenu davantage de réponses, sauf du défenseur des droits, qui, lui, nous a répondu et nous a assuré instruire notre dossier depuis un an, ça fait donc un an qu’on attend.

Alors, après ce second silence, j’ai sollicité les organes inférieurs à l’organisation de ce concours. Ils ont répondu, pas officiellement mais officieusement, ils ont répondu par téléphone. Ils ont reconnu les faits et ils se sont renvoyé la responsabilité l’un à l’autre, se cachant courageusement derrière le mammouth de l’administration. Comme si le simple fait d’agir au sein d’un groupe, aussi grand fusse-t-il, puisqu’on parle de l’administration, suffise à considérer tout le monde irresponsable de ces manquements individuels.

Je sens que vous êtes sensible à tout ce que je vous raconte, comme si vous l’aviez chacun individuellement vécu.

Alors, qu’est ce que je fais là ? Vous aurez le temps de répondre, madame le secrétaire d’État. La compassion à la famille, au féminisme, l’écriture inclusive. Je ne suis pas là pour ça.

Qu’est ce que je fais là alors ? En représentant en justice cet étudiant dys dans le cadre d’une action pénale pour discrimination, en essayant de comprendre grâce aux associations, comment de telles énormités avaient été possibles, j’ai conclu que le problème était bien plus large que celui du concours aux grandes écoles et ne pouvait donc pas se limiter à l’enceinte d’un débat judiciaire devant une juridiction. Le problème, c’est celui de l’application du droit des dys, en général mineurs, par tous les majeurs, à tous les niveaux de la société.

D’où l’importance de témoigner devant vous et de tenter de mobiliser. Ce que je veux dire aujourd’hui solennellement, c’est que la Journée Nationale des Dys, ce n’est pas une journée officielle obligeant la secrétaire d’Etat à se déplacer poliment en vue des prochaines échéances électorales. Mais c’est une journée où vous avez tous individuellement le pouvoir de changer les choses, changer les choses politiquement et juridiquement. Il ne faut pas hésiter à saisir systématiquement les juridictions pour faire appliquer ces aménagements.

Je dis bien que ces aménagements soient appliqués à 100%. On est dans un Etat de droit, il faut s’en servir.

Alors, je sais bien qu’une société qui est obligée de faire appel systématiquement à un juge pour faire valoir ses droits, c’est une société malade. Je sais bien qu’on ne peut pas compter sur pareille  judiciarisation long terme, mais à ce stade, la judiciarisation est le moyen le plus démocratique que je connaisse. Pour vous faire entendre des dirigeants politiques.

Sur ces dirigeants politiques, et j’en aurai terminé, toutes vos manifestations. depuis 15 ans, à l’occasion de cette journée nationale des dys ont permis de faire progresser à pas de géant et de faire connaître du grand public ce handicap qui n’en est pas un quand il est considéré, quand il est aménagé. Les dys, vous représentez, sept millions de personnes en France, cela représente 10% de la population française. Alors, vous n’avez peut être pas encore tous le droit de vote, mais vos parents l’ont, c’est donc colossal.

Vous avez donc politiquement enfants, mais surtout parents, la possibilité d’obtenir des engagements des candidats à ce sujet. Vos représentants associatifs, médicaux, syndicaux sont là aujourd’hui pour cette journée nationale. En cette période de campagne présidentielle, croyez moi qu’ils vous écoutent plus que jamais. C’est donc le moment ou jamais. Un dernier mot puisque cette journée est sous le haut patronage de Monsieur Emmanuel Macron, président de la République. Je l’interroge ainsi que son épouse engagée officiellement, je cite, « à l’inclusion des personnes en situation de handicap » sur ce qu’ils ont fait et sur ce qu’ils ont encore l’intention de faire.

Il en va plus que de leur image. Il en va de leur responsabilité, de notre responsabilité à tous. Merci. »

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

Légende de la photo à la Une : de gauche à droite, Concepción El Chami (Présidente de la Fédération Dyslexique de France), Pierre Farge, Nathalie GROH (Présidente de la Fédération Française des Dys), Rémi Munier (Jeune Dyslexique de France).

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Garde à vue : locaux insalubres et abus

Garde à vue : locaux insalubres et abus

En écho au rapport public dénonçant la totale indignité des conditions de garde à vue, et des réponses du ministre de l’Intérieur, Pierre Farge, avocat pénaliste, témoigne d’une réalité encore pire des commissariats parisiens.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints 

Dans un rapport publié le 21 septembre 2021 au Journal officiel, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté réclame la mise en place d’une politique gouvernementale pour améliorer les conditions d’accueil des gardes à vue en France.

Elle dénonce notamment « la totale indignité des conditions d’accueil dans les locaux de garde à vue », et accuse le ministère de l’Intérieur d’une « absence manifeste de volonté d’évolution », ne pouvant s’expliquer uniquement par les économies et les limites budgétaires.

En réponse, Gérald Darmanin rappelle courageusement que des travaux ont été réalisés et sont prévus entre 2019 et 2024 dans les locaux de garde à vue. Il conteste la véracité du rapport en soulignant qu’il se fonderait sur la visite d’un nombre limité de locaux.

Selon lui, « l’obligation de traiter avec dignité les personnes gardées à vue est rigoureusement respectée », notamment par un nettoyage renforcé des geôles et par la mise à disposition de kits d’hygiène (sic). Mieux, la saleté persistante des locaux serait imputable au comportement des « délinquants » (drôle de terminologie au regard de la présomption d’innocence), c’est-à-dire des gardés à vue.

Pour tenter de dépasser la polémique, et peut-être élever le débat, un témoignage de terrain me parait plus utile.

Pour avoir effectué quelques visites auprès de centaines de gardés à vue dans le cadre de mes fonctions d’avocat, parmi lesquelles un grand nombre alors que j’étais très jeune dans le cadre de commissions d’office, puis de façon continue dans des affaires plus complexes, je peux confirmer que ce rapport est encore en dessous de la réalité.

Ce rapport est encore en dessous de la réalité

Pour avoir donc écumé des dizaines de commissariats parisiens, et de nombreuses fois pour certains, je peux confirmer :

  • Le partage d’une cellule, parfois durant toute une nuit, pour une dizaine d’individus, soit une personne par mètre carré environ, dans un espace grand comme une chambre de service.

Une personne instable et donc potentiellement dangereuse n’est pas systématiquement isolée, si bien que la peur qu’elle génère et la distance qu’elle suppose, obligent les autres occupants à se serrer un peu plus !

  • Les odeurs pestilentielles, l’accumulation de crasse et le nettoyage impossible des cellules, découragent quiconque compte tenu de leur état plus que dégradé

Dans certains commissariats où l’on ne peut plus entasser personne en cellule les gardés à vue sont carrément laissés à l’avant-poste, c’est-à-dire que faute de pouvoir être enfermés avec les autres, ils doivent rester menottés à un banc toute la durée de leur garde à vue ; l’état des cellules est parfois tel que pour certains c’est même une chance.

  • Certains sont contraints de se coucher à même le sol, au mieux en se partageant un matelas ou une couverture tout aussi crasseux, quand il y en a.

Il n’est pas rare d’attraper ainsi la gale ; un client me l’a même transmise une fois, selon toute probabilité.

Les conditions de travail également dégradées pour les avocats

Cela permet d’en venir aux conditions de travail des avocats eux-mêmes dans des espaces pareils, puisque le local censé permettre un entretien confidentiel avec leur client, à raison de trente minutes maximum par 24 heures, est souvent à peine plus propre.

Normalement d’une superficie d’au moins 5 m2 il doit disposer d’une table et de deux chaises.

En réalité, il est parfois de la dimension d’un placard à balais, ou bien il est utilisé par le médecin chargé de vérifier la compatibilité de la garde à vue avec l’état de santé de la personne concernée ; l’avocat doit alors s’entretenir à côté d’un lit médical d’appoint souvent souillé.

Faute de fenêtre la plupart du temps, cette pièce n’est surtout jamais aérée.

Cet état de fait est d’autant plus préoccupant en pleine crise sanitaire où la distanciation sociale est la règle, sachant que les gardés à vue ne peuvent respecter aucun des gestes barrières, ni se laver les mains, les désinfecter, ou veiller à la distanciation physique.

Un peu de discernement aurait été le bienvenu en offrant par exemple un local voisin vide car en traversant les couloirs, on voit qu’il y a la plupart du temps une pièce totalement disponible.

En vain : pour m’être insurgé une fois, il m’a été répondu que je pouvais tout à fait refuser de m’entretenir avec mon client si je n’acceptais pas le local puant.

Le plus désolant de ce qui précède est sans doute la conclusion de ce rapport, puisqu’il recommande naïvement de pallier tous les manques.

Dans un monde parfait il faudrait :

  • limiter le nombre de personnes dans les locaux de garde à vue en fonction de la superficie de ces locaux,
  • veiller à leur entretien afin d’y maintenir de bonnes conditions d’hygiène,
  • fournir une banquette ou un matelas par personne,
  • informer les gardés à vue de la possibilité de recevoir un kit d’hygiène et se laver,
  • faire respecter les mesures sanitaires,
  • ne pas placer d’individus en garde à vue dans des locaux non conformes à ces recommandations (sic).

Au bout du compte, l’inaction est exactement la même.

La solution vient donc de plus haut, face à une chaîne pénale complètement saturée.

Des gardes à vue abusives

La France est le seul pays d’Europe où l’on peut être placé si facilement, et donc abusivement, en garde à vue, ce qui explique donc logiquement cette explosion des capacités d’accueil « pour les nécessités de l’enquête » sans aucun seuil de peine, alors qu’en Espagne ou en Allemagne la garde à vue ne peut se faire que si la peine encourue dépasse un certain quantum.

La France est le seul pays d’Europe où il est si difficile et réellement utile d’exercer un recours en responsabilité de l’État pour obtenir réparation du préjudice occasionné par ces conditions indignes.

La France est surtout le seul pays d’Europe où le régime de la garde à vue a été autant de fois mis en cause et souvent condamné de façon historique par la CEDH en 2010, 2019, ou encore 2020 qui énonce que « l’État avait commis une faute lourde à raison du défaut de soins durant la garde à vue dont le requérant avait fait l’objet » ; quand ce n’est pas le Conseil constitutionnel lui-même, comme lorsqu’il avait censuré le régime français de garde à vue au regard des droits et libertés garantis au citoyen il y a une décennie par exemple.

La France est enfin un des rares pays d’Europe où le rôle de l’avocat est aussi restreint : nous avons certes la possibilité de nous entretenir avec notre client un maximum de trente minutes par 24 heures, mais sans avoir accès au dossier dans le respect du contradictoire. Ce qui limite pour le moins une connaissance exacte des faits reprochés et donc un exercice utile des droits de la défense.

Maître Pierre Farge, avocat en droit pénal.

 

Crédit image de couverture : Grant Durr sur Unsplash

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Lanceurs d’alerte : la France assure le service minimum pour les protéger

Lanceurs d’alerte : la France assure le service minimum pour les protéger

OPINION : si la protection des lanceurs d’alerte ne cesse de croître aux États-Unis, la France doit encore l’améliorer.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints 

Les lanceurs d’alerte pris de plus en plus au sérieux aux Etats-Unis

Le rôle des lanceurs d’alerte est pris de plus en plus au sérieux outre-Atlantique. La Securities and Exchanges Commission (SEC) – l’équivalent de notre Autorité des Marchés Financiers (AMF) – les protégeait déjà financièrement de façon bien plus importante et transparente qu’en France.

La SEC assure ainsi une indemnisation à la hauteur du potentiel de recouvrement qu’elle permet puisque depuis septembre 2020 ce sont près de 500 millions de dollars qui leur ont été versés.

Un tel soutien a même conduit, en octobre dernier, au versement record de 52 millions de dollars à l’un d’eux. Mais la récente déclaration de son président, Gary Gensler, de l’intérêt qu’ils représentent pour la justice américaine traduit une volonté d’améliorer encore le dispositif dans les prochains mois.

Il serait ainsi question de prévoir une prise en charge financière complète par un seul et unique organe, tant pour les alertes financières que pour celles analogues, et ce, alors même qu’elles donneraient lieu à d’autres rétributions parallèles d’autres organismes.

En l’état du droit américain, lorsqu’un whistleblower dénonce une infraction qui ne relève pas entièrement de la délinquance financière, les possibilités pour la SEC d’accorder une récompense sont restreintes, alors même que les informations se sont révélées utiles.

La SEC compte également davantage aiguiller le lanceur d’alerte vers les solutions qui lui seraient les plus profitables, tout en déplafonnant les potentielles indemnisations auxquelles il aurait droit.

Lanceurs d’alerte : qui n’avance pas… recule

À la grande différence des États-Unis, en France, la prise en charge financière n’est toujours pas garantie.

Son attribution est conditionnée, puis plafonnée à un million d’euros, et ne promet pas d’évoluer dans la transposition de la directive qui doit intervenir avant mi-décembre 2021.

En l’état, cet impératif promet simplement de s’en tenir aux standards minimum européens, sans jamais donner droit à une contrepartie financière.

Comme l’assurent les États-Unis, c’est pourtant ce dont les lanceurs d’alerte ont le plus besoin pour protéger leur action, encourager leur initiative, compenser la perte de revenus à laquelle il font le plus souvent face, assumer les frais judiciaires des procédures qu’il sont souvent obligés de mener, ou de s’en défendre ; et surtout pour apporter une indemnisation considérant la prise de risque et les montants recouvrés par l’État dans l’intérêt général.

Car protéger les lanceurs d’alerte, c’est indirectement ce qui permet le recouvrement de fonds publics sans précédent.

Et ce sont ces mêmes fonds éludés que l’on peut espérer réinvestir, au hasard, dans la santé, la recherche, les énergies non carbonées, ou pour réduire les inégalités. Soit autant de sujets brûlants d’actualité en vue de la prochaine élection présidentielle, qui devraient donc intéresser les candidats pour agir très vite.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris,
Auteur du livre Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur paru aux éditions J.C.Lattès

Crédit image d’illustration : Gary Gensler by Third Way Think Tank (creative commons CC BY-NC-ND 2.0)

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Attaquons en justice la Chine plutôt que nos dirigeants

Attaquons en justice la Chine plutôt que nos dirigeants

OPINION : plutôt qu’un tribunal franco-français jugeant nos ministres, il faudrait avoir le courage d’exiger une enquête en Chine, responsable de la crise actuelle.

Tribune de Maître Pierre Farge parue dans Contrepoints 

Des milliers de plaintes déposées devant la Cour de justice de la République

Des milliers de plaintes sont déposées devant la Cour de justice de la République contre des membres du gouvernement, et les actions en justice contre les élus continuent de se multiplier dans le cadre de présumées négligences de l’action publique à gérer la crise du Covid-19.

Déjà l’an dernier, nous alertions sur les risques de dérive populiste :

Coronavirus : faut-il porter plainte contre les élus ?

Peut-on espérer qu’au moins ces plaintes aboutissent ?
Faut-il s’attendre à de grands procès ?

L’Assemblée nationale et le Sénat ont mis en place des commissions d’enquête aux pouvoirs étendus et aux missions spécifiques, notamment aux fins d’évaluer les erreurs que le gouvernement aurait pu éviter dans le cadre de la crise du Covid-19.

L’ouverture de ces commissions d’enquête parlementaire marque une pratique tout à fait récente dans l’histoire française.

La commission d’enquête sur l’affaire Benalla avait par exemple été la première du genre sous la Cinquième République.

La mode des commissions d’enquête parlementaire

Obéissant sans doute à un effet de mode, l’exécutif réalisait l’an dernier son propre audit sur sa gestion de la crise.

Le gouvernement souhaite se pencher sur les efforts fournis aux côtés de l’administration dans le cadre d’un « travail indépendant et collégial » (chacun appréciera cette idée à la lumière de la séparation des pouvoirs).

Sans polémiquer, je pense qu’il revient plutôt d’écarter tout risque de dérive populiste visant à accabler tel ou tel élu, ou tel ou tel ministre, des initiatives qu’il aurait eu, ou n’aurait pas eu dans l’exercice de ses fonctions.

La Cour de Justice de la République à réformer

Ce rôle revient en effet à la Cour de justice de la République.

Et l’exercice de cette voie de recours assure qu’elle reste très limitée au regard du nombre important de classements sans suite, du délai énorme d’instruction des affaires lorsque les poursuites sont engagées – et traduisent finalement les intéressés lorsqu’ils n’ont souvent plus de mandat -, sans parler des victimes qui ne peuvent se constituer partie civile.

L’exercice de cette voie de recours est d’autant plus regrettable qu’il aggrave le rapport déjà tendu entre politique et magistrat, parasitant qui plus est le rôle de la justice dans la gestion de la crise sanitaire.

Avec la masse inédite de plaintes déposées devant la Cour de justice de la République, révélant donc ses lacunes, une réforme serait bienvenue.

En attendant, sans plaider pour une totale irresponsabilité pénale de nos politiques, rappelons plutôt qu’ils ont fait ce qu’ils pouvaient, avec les informations incomplètes et souvent contradictoires dont ils disposaient.

Ils ont pris des décisions à certains moments, avec des arguments fondés, assumant la part de risque, et expliquant l’impératif d’avancer.

Le pire dans cette crise aurait été de ne prendre aucune décision.

Le pragmatisme impose plutôt aujourd’hui de se relever économiquement, et ce n’est pas un ministre derrière les barreaux qui le permettra.

L’impunité de la Chine

Dans une tribune parue dans Le Figaro – Un État peut-il déposer plainte contre la Chine ? – et co-signée avec ma consœur Odile Madar, nous déplorions en droit le peu de recours envisageables devant les instances internationales, et nous appelions à une coalition d’États occidentaux pour imposer une enquête indépendante sur le territoire chinois, sur l’exemple malheureusement resté isolé de l’Australie.

Un État peut-il déposer plainte contre la Chine ? – Le Figaro Magazine

Ce sentiment d’impunité de la Chine devant les instances internationales est sans doute à l’origine de son silence coupable : elle s’est autorisée à manœuvrer, à mentir au monde entier, parce qu’elle savait qu’elle n’aurait pas à répondre devant aucune instance.

L’origine de ce virus est avant tout chinoise, la Chine en a volontairement caché l’origine et la gravité pendant de longues semaines qui auraient pu éviter la propagation que nous connaissons aujourd’hui.

C’est donc vers elle qu’il revient de se tourner en exigeant une enquête indépendante qu’elle se refuse curieusement à tenir jusqu’à aujourd’hui, promettant plutôt de le faire lorsque l’épidémie sera terminée et les preuves détruites.

Coronavirus : faut-il sanctionner la Chine ? – Pierre Farge à BFM TV

En exigeant encore l’engagement de sa responsabilité pour le mensonge, en exigeant des comptes pour les milliards de frais auxquels elle nous a contraint, et nous obligera encore longtemps.

Plutôt qu’un tribunal franco-français jugeant nos ministres, c’est cette solidarité de tout le pays parlant d’une seule voix dans le monde qui permettra de se reconstruire.

Nous pouvons être le pays qui redonne confiance et courage en exigeant une enquête en Chine pour la contraindre à accepter une enquête indépendante.

Nous sommes la France aux yeux du monde et nous avons tout à gagner en exigeant cette enquête avec nos partenaires européens.

La question de représailles commerciales éventuelles de la Chine peut évidemment se poser.

Toutefois, les chiffres ne donnent pas raison : la Chine n’est que la septième destination des investissements français à l’étranger, et ne représente que 15 % du volume des échanges avec l’Union européenne. La majorité de notre commerce est intra-européen.

Seul un courage politique et une solidarité mondiale pour imposer une enquête indépendante sur le territoire chinois, pour acter l’origine de cette catastrophe mondiale permettront d’en prévenir une nouvelle.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris,
Auteur du livre Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur paru aux éditions J.C.Lattès

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La protection des lanceurs d’alerte : vers une lente évolution

La protection des lanceurs d’alerte : vers une lente évolution

La France a pour obligation de transposer la directive protégeant les lanceurs d’alerte d’ici la fin de l’année. Dans cette perspective, un rapport d’information vient d’être rendu à l’Assemblée nationale. Entendu dans ce cadre, Pierre Farge, avocat de lanceurs d’alerte, auteur d’un essai sur la question, fait le point sur les lacunes qui persistent. 

Tribune de Pierre Farge parue dans Contrepoints

Si la législation française laisse croire que le lanceur d’alerte est protégé, sa pratique témoigne du contraire : manque de clarté des textes, dispositifs contradictoires, protection arbitraire des services administratifs, quand ils répondent. Ce sont toutes les défaillances du système que ce rapport vient tenter de corriger. Mais en vain.

Des dispositifs en progrès, mais à consolider

Grâce, notamment, au soutien de l’opinion, les lanceurs d’alerte ont pu bénéficier d’un renforcement de leur statut. La loi Sapin II en a témoigné en France en 2016, et les progrès apportés sont indéniables.

Malgré cela, les lanceurs d’alerte se heurtent toujours à de nombreuses lacunes.

Tout d’abord, le manque de clarté et de transparence des différentes procédures s’offrant à eux. Le plus souvent, le lanceur d’alerte ne sait pas concrètement à qui s’adresser, par quel moyen et dans quel délai.

Puis, dans les peu de cas où il réussit à trouver son chemin, encore faut-il que l’alerte soit rapidement prise en compte. À titre d’exemple, la saisine du défenseur des droits – intervenu plus de 300 fois à cet effet depuis 2016 – est heureuse, mais vidée de son sens dès lors qu’aucun délai de traitement n’est fixé par la loi pour qu’il réponse au lanceur d’alerte. Les faits montrent ainsi que l’institution met en moyenne un an pour donner suite à une alerte : un délai insensé quand on dispose d’informations confidentielles de premier ordre, et qui de fait, multiplie d’autant le risque de fuite.

Dans ce sens, si l’instauration d’une procédure judiciaire incidente semble être une bonne nouvelle, derechef, cette proposition s’annule en l’absence du moindre encadrement de délai.

Des solutions existent

Ces lacunes pourraient pourtant facilement être corrigées.

À commencer par un délai maximal de réponse des autorités au lanceur d’alerte, qui pourrait être de quinze jours. Il est suffisant pour traiter des informations complexes de premier ordre et garantir la protection effective de son auteur ; les services de police ou de renseignement mettent par exemple souvent bien moins de temps pour conclure à la fiabilité d’une information.

Autre solution, d’autant plus logique que ce rapport déplore le manque de moyen du défenseur des droits (fonction initialement créée pour lutter contre les discriminations), pourquoi ne pas créer une nouvelle entité spécifique au lancement d’alerte? Une autorité dotée du pouvoir et des compétences nécessaires au traitement des signalements, avec un budget adapté, et qui pourrait s’auto-financer grâce aux fonds recouvrés par ces mêmes alertes (ne coûtant ainsi rien aux contribuables, à la différence du défenseur des droits).

Ce postulat permettrait notamment de prendre en charge financièrement le lanceur d’alerte à la suite de son initiative pour compenser notamment la perte de revenus à laquelle il fait le plus souvent face, pour assumer les frais judiciaires des procédures qu’il est souvent obligé de mener, ou de s’en défendre ; et pour apporter une indemnisation considérant la prise de risque et les montants recouvrés.

Dans ce sens, le rapport rendu suggère de créer un fonds ad hoc de soutien aux lanceurs d’alerte lorsque leur statut a été certifié et que le signalement a eu des répercussions financières. Pour autant, on regrette que subsiste l’hypocrisie d’interdire une indemnisation des lanceurs d’alerte mais de l’autoriser aux aviseurs fiscaux qui ne sont autre que des lanceurs d’alerte du fisc.

Un dédommagement commun à tous les lanceurs d’alerte permettrait donc de multiplier les initiatives, mais surtout serait plus équitable et donc plus fidèle aux principes de la République.

Maître Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris

 

Crédit image de couverture : Edward Snowden Wired Magazine By: Mike Mozart – CC BY 2.0

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Subornation de témoin contre Julian Assange : l’Amérique contre la justice

Subornation de témoin contre Julian Assange : l’Amérique contre la justice

Un témoin clef venu alimenter l’accusation américaine contre Julian Assange en échange d’une immunité judiciaire, s’est révélé être une fraude.

Un témoin clé contre Julian Assange admet avoir menti en échange de l’immunité américaine. Un élément central de l’accusation américaine s’effondre. Pierre Farge, avocat, auteur de l’ouvrage Le Lanceur d’alerte n’est pas un délateur, rappelle un procès politique où les États-Unis sont prêts à tout pour condamner l’auteur des Wikileaks, y compris piétiner le droit à pieds joints.

Tribune de Pierre Farge parue sur Contrepoints

En France, la subornation de témoin est punie conformément à l’article 434-15 du Code pénal, disposant ainsi que :

Le fait d’user de […] pressions, menaces, […], manœuvres […] au cours d’une procédure […] en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, […] est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, même si la subornation n’est pas suivie d’effet.

Le délit de subornation d’un témoin est une sorte de complicité du délit de faux témoignage.

En l’occurrence, ces deux délits ont été créés pour renforcer la protection de la sincérité du témoignage en justice en réprimant, d’une part, le témoin qui ment à titre personnel – à travers le délit de faux témoignage – et d’autre part, l’action du tiers qui s’efforce de provoquer un faux témoignage à travers le délit de subornation d’autrui, en principe un témoin. Autrement dit, les délits de faux témoignage et de subornation de témoin tendent à sanctionner une entrave à l’exercice de la justice.

Avec cet aveu aujourd’hui d’un témoin clef venu alimenter l’accusation américaine contre Julian Assange en échange d’une immunité judiciaire, nous avons la preuve d’une manœuvre supplémentaire des États-Unis pour condamner l’auteur des Wikileaks.

Admettant avoir témoigné contre Assange en échange d’impunité américaine, Thordarson (c’est le nom du témoin, aussi pirate informatique) assure donc dans un quotidien islandais ni plus ni moins d’une subornation de témoin.

Dans le seul but d’obtenir l’extradition de Julian Assange aux États-Unis, et le condamner en conséquence sur son territoire, le ministère américain de la Justice a donc collaboré avec un individu qu’il sait dans l’illégalité, pour fabriquer de toutes pièces un acte d’accusation soumis aux tribunaux britanniques.

De fait, l’action américaine devient donc une véritable entreprise criminelle, prête à tout pour parvenir à ses fins, en l’occurrence extrader Julian Assange.

Cette tentative montre en tout cas que le gouvernement américain cherche à établir un précédent qui pourrait être utilisé pour détruire tout éditeur, militant politique ou lanceur d’alerte qui prendrait position contre lui.

Autant d’éléments qui devraient interpeller en France pour donner l’exemple, en accordant l’asile à Assange, voire en améliorant en général la législation en faveur de la protection des lanceurs d’alerte.

Pierre Farge, avocat au Barreau de Paris.

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Chronique du livre de Pierre Farge dans Paris Match

Chronique du livre de Pierre Farge dans Paris Match

Paris Match chronique le livre de Maître Pierre Farge « Le lanceur d’alerte n’est pas un délateur » récemment paru aux Editions Lattès :

« Le jeune et vibrionnant avocat publie son premier livre pour défendre la cause des indéfendables. Ces lanceurs d’alerte prêts à trahir leur pays comme leurs proches pour une cause plus noble : le bien commun. Farge tente de situer la naissance de ces objecteurs de conscience dans l’Antiquité, puis montre combien, au fil des siècles et de l’Histoire, il y a toujours eu des hommes pour sortir du rang. Même si le cadre législatif actuel tente avant tout de transformer le lanceur d’alerte en délateur. Julian Assange, Chelsea Manning ou Antoine Deltour ont trouvé ici leur meilleur défenseur. »

par Benjamin Locoge pour Paris Match du 27 mai au 2 juin 2021.

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